Encore un médecin victime du covid-19 : L’ultime combat du Dr Bruno Cheong

Sandra, sa femme : « Mon mari était un passionné de sa profession »

- Publicité -

« Bruno vivait à 100 à l’heure. Il avait toujours de longues journées bien remplies. Mon mari était un passionné de son métier… » C’est ce que nous a confié Sandra Cheong, l’épouse du pneumologue, quatre jours après le décès du Dr Bruno Cheong, survenu lundi dernier. Une nouvelle qui a eu l’effet d’une onde de choc pour la famille Cheong aussi bien que pour tous les Mauriciens. Non pas parce qu’il s’agissait du 10e décès relatif au Covid-19 à Maurice, mais cela faisait plus d’un mois que le Dr Cheong luttait contre la maladie. Il avait été l’un des premiers contaminés à Maurice. D’ailleurs, c’est lui qui avait ausculté le patient zéro. Depuis un mois, ses proches et la population entière espéraient son rétablissement. Le docteur aura lutté jusqu’au bout. Hélas, le virus l’aura emporté !

« Même si on savait que le Covid-19 est une maladie qui tue, on gardait espoir jusqu’au dernier moment. Les médecins aussi gardaient espoir. Ils ont tout essayé pour le sauver. Hélas… », confie une Sandra Cheong émue. À ses côtés, sa fille Julia, 25 ans, et son fils Oliver, 23 ans. Depuis une semaine, la petite famille éprouvée ne cesse de recevoir des témoignages de sympathies de proches, de professionnels de la santé, mais aussi de nombreux inconnus.

Sa famille était primordiale

Le Dr Bruno Cheong était un être aimé et il aimait les autres. Un être « généreux », « admirable », « un médecin au grand cœur »… disent ceux qui l’ont connu. Pour sa famille, il était « un passionné ». De deux choses, dit Sandra Cheong, sa famille et son métier, la première était sacrée, la seconde était sa vocation.
Le Dr Bruno Cheong avait d’ailleurs bâti une riche carrière. Après des études secondaires au collège Saint-Esprit dans les années 1970, il s’était envolé pour des études de médecine à l’université de Cardiff au Pays de Galles, où il s’était spécialisé pour devenir pneumologue. À son retour à Maurice, s’il fait le tour des différents hôpitaux publics, dont ceux de Candos et de Rose-Belle, il sera ensuite affecté à l’hôpital de Flacq où il était consultant. Le Dr Cheong exerçait aussi dans le privé, en l’occurrence dans sa consultation à Eau-Coulée et à la clinique Darné. Ses patients venaient des quatre coins de Maurice. « Il vivait la médecine », raconte son épouse, qui a toujours été à ses côtés pendant leurs 28 années de mariage. À leur domicile à Floréal, le téléphone n’arrêtait jamais de sonner, le docteur était constamment sollicité par des patients. « Nous prenions les appels, car il ne voulait pas laisser tomber les gens. Il était toujours prêt à aider. Il était toujours disponible », dit Sandra Cheong.

Cependant, même s’il avait de longues heures de travail, ce n’est pas pour autant que le médecin de 63 ans n’avait pas une vraie vie familiale. « Même s’il était très passionné par son métier et surtout très demandé, sa famille était primordiale », précise sa femme. C’est auprès d’elle et de ses deux enfants qu’il se réfugiait après le boulot. « Tout ce qu’il faisait, il le faisait dans la bonne humeur, malgré des journées parfois difficiles. C’est avec nous qu’il se ressourçait et reprenait l’énergie, le dynamisme nécessaire avec lesquels on le voyait toujours on the go », dit Sandra Cheong.

Un homme discret, mais il laisse un grand vide

Ces dix dernières années, le médecin s’était découvert une nouvelle passion, celle du golf. Un sport auquel il tentait de s’adonner dans les rares moments libres qu’il lui restait entre le travail et la vie familiale.

Si dynamique, le Dr Bruno Cheong, apprécié de tous, professionnellement et humainement, était aussi connu pour sa discrétion. « Il avait le respect de ses collègues et il respectait chacun d’entre eux. Bruno, c’était aussi la discrétion incarnée. Il n’aimait pas attirer l’attention sur lui. Tout ce qu’il faisait, il le faisait pour soulager les patients », ajoute son épouse. Discrétion, humilité, patience… Ce sont là les qualités que symbolisait aussi le médecin qui aura légué sa passion pour la médecine à sa fille aînée. En effet, si Oliver est spécialisé dans l’art graphique, c’est Julia qui suit les traces de son père. Fraîchement diplômée depuis l’année dernière des études de médecine, elle travaille actuellement en tant que médecin en Angleterre. « Bruno était très, très fier de ses enfants. Il n’a jamais exercé de quelconque pression sur aucun d’entre eux quant au choix de leurs études ou de leur carrière. Il a toujours été présent à leurs côtés », raconte son épouse. Et lorsque son aînée a choisi des études de médecine, c’est tout naturellement que Bruno Cheong a approuvé, encouragé et épaulé Julia, en la guidant au mieux dans ses choix.

Dans la famille Cheong, le choc et la douleur de la perte du docteur ont laissé « un grand vide ». Les mots manquent, dit son épouse, pour exprimer ce qu’elle et ses enfants ressentent en ce moment difficile. Il faut dire que si le docteur a lutté jusqu’au bout, eux aussi — autant que les différents professionnels à son chevet — ont cru qu’il allait revenir à la maison. Surtout qu’au début de sa contamination, le docteur ne présentait aucun signe alarmant. Il a vu le patient zéro un lundi après-midi, se souvient sa femme. Et ce dernier ne lui a rien révélé de ses déplacements à l’étranger. À Maurice, il n’y avait encore aucun cas de Covid-19. C’est ainsi, sans aucune méfiance, que Bruno Cheong a vaqué à ses occupations professionnelles et personnelles, rencontrant naturellement plusieurs personnes, dont d’autres patients quotidiennement.

Positif au Covid-19, mais on gardait espoir

« Jusqu’à ce fameux mercredi soir, lorsque le Premier ministre a annoncé les trois premiers cas à Maurice », se souvient Sandra Cheong, ajoutant que ce n’est que jeudi matin que le Dr Cheong a réalisé qu’il avait ausculté le patient zéro. « Nous avions vécu trois jours dans l’ignorance totale. Et sans aucun symptôme », dit-elle. Avec cette nouvelle, la famille, avertie des risques, se place en haute isolation immédiatement.

Et suivant le protocole, tous les membres de la famille Cheong sont soumis au test de dépistage du Covid-19. En attendant les résultats, le Dr Cheong est placé en quarantaine dans un hôtel du Nord. « Nous n’étions pas inquiets. Nous pensions que les résultats seraient négatifs », dit Sandra Cheong, qui est restée en contact avec son mari via le téléphone. Mais la nouvelle est tombée 48h après. Le Dr Cheong était positif au Covid-19. Aussitôt, il a été transféré à l’hôpital de Souillac. « Là encore, nous n’étions pas inquiets. Mon mari ne présentait pas de symptômes », dit-elle. D’où son transfert une semaine plus tard dans un autre hôtel du Nord.

Cependant, deux jours plus tard, les examens ont montré que Bruno Cheong commençait à éprouver des difficultés respiratoires. Il est alors une nouvelle fois transféré à l’hôpital de Souillac où il est placé sous oxygène. Cela n’étant pas suffisant pour le rétablir, il a dû être transféré à l’hôpital ENT pour être placé sous respiration artificielle. « C’est là que nous avons commencé à nous inquiéter sérieusement. Bruno est un battant. Il y a des jours où ça allait et des jours où ça n’allait plus. Il ne pouvait pas parler, mais il essayait de communiquer par messages. Il nous donnait des nouvelles brèves pour nous faire savoir comment cela se passait. C’était un moment dur et pénible, mais on gardait espoir », dit sa femme.

Si Bruno Cheong était un « coriace », et qu’il s’est « vaillamment battu », le coronavirus l’a emporté lundi dernier. Le pneumologue a péri de ce qu’il soignait sur les autres. Malgré les soins prodigués par ses collègues qui ont tout fait pour le sauver, il a perdu son dernier combat. Pour cette assistance médicale jusqu’au dernier souffle du Dr Cheong, sa famille est très reconnaissante. « Mes enfants et moi sommes extrêmement reconnaissants envers le personnel hospitalier, ici aussi bien qu’à l’étranger vers qui Maurice s’est tournée pour solliciter l’expertise pour tenter de sauver Bruno. Vraiment, ils ont tout tenté. Hélas ! », dit Sandra Cheong.

De la reconnaissance, la famille Cheong en a aussi pour tous ceux qui ont rendu hommage au docteur depuis lundi. Dont le personnel hospitalier dans les différentes institutions médicales qui ont observé une minute de silence et applaudisle médecin en simultané mardi matin. « Je n’aurais jamais imaginé un tel hommage. Je n’aurais jamais pensé à cet élan de solidarité mauricienne envers ma famille. Pour ce beau geste du corps médical, pour les preuves de sympathie, pour les prières de tous les Mauriciens, nous sommes très touchés et extrêmement reconnaissants et nous disons merci à l’île Maurice entière pour ce soutien », dit Sandra Cheong.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -