ÉNERGIES RENOUVELABLES — Bruno Dubarry (CEO de l’AMM) : « L’économie circulaire, c’est de la concertation et de l’action collective »

Tout en saluant l’engagement politique pour une île Maurice plus durable, l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) déplore l’absence de concertation avec les “stakeholders” avant l’introduction des différentes mesures, comme l’interdiction du plastique à usage unique. Cette mesure devrait entrer en vigueur le 15 janvier 2021.

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L’AMM représente depuis 25 ans le secteur manufacturier local et regroupe près de 100 entreprises, certaines parmi les plus emblématiques et essentielles du pays. L’AMM à l’origine de la création du label Made in Moris est amenée dans le futur à devenir un outil du développement de l’économie circulaire.

Ces mesures – l’interdiction du plastique à usage unique, le développement des énergies renouvelables et le recyclage des déchets – sont essentielles pour la transition du pays vers une économie circulaire et un secteur manufacturier durable. « L’économie circulaire, c’est de la concertation et de l’action collective. Nous sommes inquiets de voir s’imposer des mesures sans concertation aucune avec les chefs d’entreprise et les industriels qui seront les plus affectés et sans période de préparation. Tant au niveau des entreprises productrices d’emballages en plastique que des entreprises utilisatrices de ces emballages. Par exemple, qu’est-ce qu’un plastique à usage unique ? Nous sommes inquiets pour la simple raison que beaucoup de questions demeurent sans réponses dans nos textes de loi actuels et que pour un certain nombre de plastiques visés, il n’existe pas d’alternative qui puisse assurer la sécurité des consommateurs, » souligne Bruno Dubarry, CEO de l’AMM. Depuis le dernier exercice budgétaire, les entreprises dans le recyclage sont désormais caractérisées comme des entreprises manufacturières. « Désormais, l’AMM a un mandat clair d’assurer l’émergence des filières d’énergies renouvelables et de recyclage qui sont de nouveaux sous-secteurs manufacturiers. »

C’est fort de ce mandat que l’AMM estime qu’il est urgent d’établir un vrai comité technique public-privé sur le champ d’application et le contenu de la mesure Environment Protection (Control of Single Use Plastic Products) Regulations 2020. Il y a, dans cette interdiction, une injustice vis-à-vis de l’industriel mauricien, à la fois pour la production pour le marché domestique et pour l’exportation.

Par exemple, le produit importé avec son plastique entrera sans problème sur le territoire mauricien, parce que le code HS sous lequel il est enregistré spécifiera le produit lui-même et non pas le plastique qui est interdit. Quant au produit fabriqué localement, il ne pourra plus être proposé sur le marché domestique avec ce même plastique d’emballage, désormais interdit. À l’export, la problématique se situe sur la double information à faire figurer sur l’emballage – relative au produit et au plastique. Autre problématique : l’absence de clarté sur la durée de l’interdiction, c’est-à-dire concernant les produits industriels, produits de restauration et produits de vente à emporter.
« Cette situation est symptomatique d’une absence de concertation entre le public et le privé. Sans plan stratégique pour l’émergence de cette économie circulaire, nous n’y arriverons pas. Le secteur manufacturier ne réussira pas sa transformation en une industrie durable », souligne Bruno Dubarry.

Les acteurs de l’économie circulaire et membres de l’AMM souffrent de cette situation. Berty Malabar, directeur de BEM Recycling, est engagé dans le recyclage des déchets électroniques, électriques et électroménagers (DEEE). En 20 ans d’activités, BEM Recycling a traité plus de 2 000 t de DEEE. « Cela correspond à plus de 400 éléphants qui n’ont pas fini dans le centre d’enfouissement de Mare-Chicose ou encore dans des dépôts sauvages en bord de route. Il manque une loi pour encadrer les différents acteurs qui se mobilisent autour de cette filière. L’idée étant d’encourager une économie circulaire, verte et locale. » Un potentiel qui existe, selon lui : « Notre unité a une capacité d’environ 12 000 tonnes par an et actuellement nous ne traitons qu’environ 130 tonnes par an. »

Prakash Ramiah de Leal Énergie est membre du conseil d’administration de l’AMM, en charge du comité d’énergie renouvelable. Leal Énergie est engagée dans le développement du solaire photovoltaïque et des véhicules utilitaires électriques. Leal Énergie est parmi les pionniers à contribuer pour que Maurice atteigne l’objectif de 35% ENR en 2030. « En dépit d’un engouement pour le solaire photovoltaïque, il n’y a pas de vraie stratégie pour la mise en œuvre des projets solaires depuis près de dix ans. Il y a un manque de visibilité sur les projets d’avenir pour la filière sans compter la lenteur sur la mise en œuvre. » Au 30 septembre 2020, plus de 250 unités de véhicules électriques zéro émission ont été enregistrées à Maurice. « Nous sommes un petit Etat insulaire. La COVID-19 a exacerbé notre vulnérabilité énergétique. Les capitaines d’industrie et les PME en sont conscients. À l’AMM, nous poussons pour un “mix” énergétique qui devrait reposer sur de l’investissement dans le secteur privé. Chose qui ne se produit pas à cause des réglementations en vigueur. Chez Leal Énergie, on prône l’instauration d’un bonus écologique, une aide financière pour acheter ou louer un véhicule neuf économe en énergie, vanette, camionnette, camion de ramassage, fret routier lourd et tracteur. »

Éric Corson, directeur général de PIM Limited, est de ceux qui plaident pour un usage responsable du plastique. « Notre objectif est de mitiger l’impact sur l’environnement et d’y trouver un équilibre raisonnable. Le réutilisable comme l’économie circulaire font partie des réponses. PIM Limited récupère déjà, depuis de nombreuses années, certaines catégories de plastique qui sont reconverties à 100% dans notre usine. Rien n’est réexporté dans des pays tiers. » Il parle des conditions idéales pour l’émergence d’une filière de recyclage à Maurice. « Il nous faudra d’abord répondre aux problèmes de collecte et de logistique. Il nous faudra développer ou exploiter des marchés permettant de valoriser ces déchets, soit localement soit à l’export. Regrouper des partenaires industriels d’une part, et d’autre part les collectivités locales et les consommateurs en général. Avoir l’expertise étrangère dans certains domaines du recyclage – le recyclage est en lui-même un métier et demande un certain savoir-faire. »

Au sein de l’AMM et du label Made in Moris, cohabite un nombre croissant d’opérateurs de l’économie circulaire. « L’AMM demande le décalage de l’entrée en vigueur de la mesure Environment Protection (Control of Single Use Plastic Products) Regulations 2020, pour permettre une concertation technique qui n’a pas eu lieu. »

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