Enjeu — Démocratie et élections : Le redécoupage relègue la réforme

  • Echec quasi prévisible de l’opération 52 à l’Assemblée nationale au sujet de l’adoption des Proposed Amendments to the Electoral System de Papa/Piti
  • Xavier-Luc Duval et Rama Sithanen devant l’Electoral Boundaries Commission, lundi, pour revoir les délimitations des 20 circonscriptions remontant à 20 ans déjà
  • Les circonscriptions casse-tête chinois : les Nos 2 et 3, à Port-Louis, le 5 au Nord, le 14 à l’Ouest, et le 18 dans les Plaines-Wilhems
  • Le redécoupage électoral soumis officiellement au GM en mars de l’année prochaine avec la mise en application, en cas de feu vert in toto, à la dissolution de l’Assemblée nationale

A quinze mois de la fin du mandat de ce qui reste du gouvernement de Lalyans Lepep, le compte à rebours politique en vue des prochaines législatives a été irrémédiablement enclenché. Au retour du Premier ministre, Pravind Jugnauth, de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, et avec la reprise de l’Assemblée nationale dans moins d’un mois, le ton politique montera crescendo. Certes, l’opération-52, initiée par Lakwizinn du Prime Minister’s Office en vue de rallier la majorité constitutionnelle des trois quarts pour faire adopter les Proposed Amendments to the Electoral System de Papa/Piti, est quasimennt vouée à l’échec, le MMM confirmant, lors de son congrès-anniversaire du jour, qu’il n’est nullement question de voter la non-réforme électorale du gouvernement. N’empêche que la fin de cette année devra être marquée par cette question cruciale avec des manoeuvres et des tentatives visant à pousser le gouvernement à abandonner sa position de « re-establishing mathematically the majority obtained by the winning party over the other parties under the First Past The Post » avec l’allocation de six à dix Best Loser Seats. Rama Sithanen a soumis à la veille de la présentation officielle du projet de réforme un document en une vingtaine de pages contenant « some major and minor modifications necessary to attain the goal of electoral reform ». Dans la conjoncture, et d’ici le mois de mars de l’année prochaine, la réforme électorale pourrait être supplantée dans les débats politiques par la problématique du redécoupage des circonscriptions après la soumission du rapport de l’Electoral Boundaries Commission à être adopté ou rejeté in toto par voie de simple majorité à l’Assemblée nationale.
Ainsi, à la Commission électorale et surtout au sein de l’Electoral Boundaries Commission, présidée par Me Yousouf Abboobaker, Senior Counsel, le dossier des délimitations des circonscriptions continuera à être placé high on the agenda en dépit des effervescences autour projet mort-né de la réforme électorale. Sauf que après les commentaires publics et répétés du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, au sujet de la configuration des 20 circonscriptions, le programme de travail établi à la Commission électorale a été modifié pour consigner les commentaires de l’opposition, même si du côté du MMM, l’on préfère laisser « l’Electoral Boudaries Commission réaliser ses attributions constitutionnelles en toute sérénité ».
Demain, à partir de 15 h, les membres de l’Electoral Boundaries Commission et le commissaire électoral, Irfan Rahman, tiendront des audiences publiques pour écouter les exposés du leader du PMSD et de Rama Sithanen au sujet du redécoupage électoral. « Le vrai viol de la démocratie, à Maurice, est commis au niveau de la délimitation des circonscriptions. Nous allons apporter des preuves pour soutenir ce que nous avançons. Prenons le cas de l’écart entre la plus petite et la plus importante circonscription, soit Port-Louis Maritime/Port-Louis Est (No 3) et Pamplemousses/Triolet (No 5). Au lendemain du premier redécoupage en 1966, la différence était de 3 000 électeurs inscrits. Aujourd’hui, elle est de 1 à 3, soit de 300 %. C’est inconcevable quand on sait que dans la Constitution mention est faite que ce nombre doit être as nearly equal as is reasonably practicable. C’est les mêmes termes qui sont employés dans la Constitution des Etats-Unis. Dans ce pays, l’écart est d’un maximum de 5 %. A Maurice, au fil des années, nous avons assisté à une nette dérive. On a laissé pourrir la situation », a fait comprendre Xavier-Luc Duval en prévision de son audition de lundi.
Un exercice 
d’équilibriste
Le fait crucial dans cet aspect des débats portant sur le système électoral est que l’heure du changement dans les délimitations des circonscriptions a sonné. « Les derniers changements dans la délimitation des circonscriptions remontent à 20 ans déjà. Le rapport de l’Electoral Boundaries Commission, en 2009, n’a pas été soumis à l’Assemblée nationale par le Premier ministre d’alors, Navin Ramgoolam. C’est resté dans un tiroir tout simplement. L’exercice actuellement en cours revêt toute son importance dans la configuration politique et électorale », dit-on dans les milieux autorisés en mettant en exergue la principale contrainte imposée sur l’Electoral Boundaries Commission.
« Contrairement à son équivalente en Grande-Bretagne, l’Electoral Boundaries Commission ne dispose d’aucune flexibilité en vue de modifier le nombre de circonscriptions, soit les réduire ou les augmenter. La Constitition stipule “que the Island of Mauritius shall be divided into 20 constituencies”. Ni plus ni moins. Pas question de réduire ou de créer de nouvelles circonscriptions pour tenir en ligne de compte l’évolution démographique ou encore l’aménagement du territoire. La Commission doit permuter à l’intérieur de ces 20 circonscriptions », laisse-t-on entendre par rapport à la publication des propositions de redécoupage des 20 circonscriptions annoncée pour la rentrée parlementaire de mars de l’année prochaine.
Sans porter atteinte à l’intégrité des attributions de cette commission constitutionnelle, la situation dans les circonscriptions de Port-Louis Sud/Port-Louis Central (No 2) et de Port-Louis Maritime/Port-Louis Est (No 3), avec les plus petits nombres d’inscrits dans les registres de la Commission électorale, soit 23 959 et 21 530 respectivement, représente un véritable casse-tête, que ce soit sur le plan démographique ou de la représentation ethnique. Avec 63 527, Pamplemousses/Triolet (No 5) et 62 183, Savanne/Rivière-Noire (14), restent également au coeur de la problématique du redécoupage électoral.
A l’horizon de l’échéance de mars 2019, l’Electoral Boundaries Commission est engagée dans un exercice d’équilibriste. Mais, parvenir à une moyenne de 40 000 électeurs dans les No 2 et No 3 respectivement n’est pas du domaine du possible alors que l’équation du No 14 pourrait bien être résolue avec les électeurs de Palma et des régions avoisinantes de Cité Kennedy, rattachés à Belle-Rose/Quatre-Bornes (No 18), comme c’est le cas pour les arrondissements municipaux. L’éventualité d’un tel scénario devrait mettre en sourdine les craintes d’un rattachement de Bambous à la circonscription de Beau-Bassin/Petite-Rivière (No 20, comme il avait été préconisé dans le rapport de 2009.
Indépendamment de la teneur des recommandations à venir sur les délimitations des circonscriptions, le rapport de l’Electoral Boundaries Commission constituera un élément déterminant dans le calendrier politique menant aux prochaines élections générales. En cas d’un nouveau rejet du rapport, aucune incidence n’interviendra dans les registres d’électeurs de la Commission électorale et des élections générales organisées à n’importe quel moment. Mais au cas où des modifications sont entérinées par l’Assemblée nationale, la Commission électorale doit les refléter dans les listes d’électeurs par circonscription, qui techniquement n’entreront en vigueur qu’à partir du 15 août de chaque année.
Dans le cas de figure où en mars 2019, contrairement à la réforme électorale Papa/Piti, le redécoupage est adopté par l’Assemblée nationale, la Constitution prévoit que « if so approved, the recommendations shall have effect as from the next dissolution of Parliament ». De ce fait, la Commission électorale, qui entamera à partir du 14 janvier prochain son exercice d’enregistrement des électeurs à travers l’île, à Rodrigues et à Agaléga, rendra publics les nouveaux registres à partir du 15 août de l’année prochaine en vue des prochaines élections générales.
« Il ne pourrait être question de Variation Order de la part de la Commission électorale pour avoir recours aux précédentes listes électorales en vue d’un scrutin pour les législatives avant ce même 15 août », concluent à ce chapitre des observateurs politiques avec un oeil sur le calendrier électoral avec des « Extraneous Political Matters », comme le ruling du Judicial Committee of the Privy Council dans le méga-scandale MedPoint du 15 janvier pour Pravind Jugnuath ou encore le dénouement du bras de fer engagé dans Navin Coffers Saga, influençant le cours politique dans un sens comme dans l’autre…

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Listes des électeurs : Un rapport d’un à trois
Avec l’intérêt politique de plus en grandissant dans les travaux de l’Electoral Boundaries Commission pour le redécoupage électoral, la répartition des électeurs dans les 20 circonscriptions de Maurice et Rodrigues, en vigueur depuis le 15 août dernier, revêt toute son importance. Le rapport entre la plus petite circonscription et la plus importante est d’un à trois avec un nombre d’électeurs de 923 316. L’on constatera qu’au chapitre visant à déterminer les délimitations d’une circonscription, la Constitution prévoit que «the report of the Electoral Boundaries Commission shall make recommendations for any alterations to the boundaries of the constituencies as appear to the Commission to be required so that the number of inhabitants of each constituency is as nearly equal as is reasonably practicable to the population quota». La répartition par circonscription s’établit comme suit:
No 1 GRNO/Port-Louis Ouest 40 543
No 2 Port-Louis Sud/Port-Louis Central 23 959
No 3 Port-Louis Maritime/Port-Louis Est 21 530
No 4 Port-Louis Nord/Mte-Longue 48 061
No 5: Pamplemousses/Triolet 63 527
No 6 Gradnd’Baie/Poudre d’Or 52 847
No 7 Piton/Riv-du-Rempart 43 270
No 8 Moka/Quartier-Militaire 44 345
No 9 Flacq/Bon-Accuil 55 602
No 10 Mte-Blanche/GRSE 51 742
No 11 VGP/Rose-Belle 43 046
No 12 Mahébourg/P. Magnien 38 497
No 13 Riv-des-Ang/Souillac 34 751
No 14 Savanne/Riv-Noire 62 183
No 15 La-Caverne/Phoenix 56 032
No 16 Vacoas/FLoréal 44 066
No 17 Cpe/Midlands 45 515
No 18 Belle-Rose/Q.-Bornes 42 762
No 19 Stanley/Rose-Hill 37 836
No 20 BB/Pte-Rivière 43 404
Rodrigues 29 798

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