Enjeu – économie et politique – Tourisme : l’énigme de la pâques en avril

Baisse dans le nombre des arrivées touristiques (- 1,2 % ) pour le premier trimestre avec une chute de 4,5 % pour le seul mois de mars

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Structurellement, l’effondrement du marché chinois, soit -31 %, suscite des inquiétudes au GM comme dans le privé

La Debt Burden de Maurice, frisant la barre des 65 % du PIB, préoccupe Moody’s et la Banque centrale

Le Global Business Sector devrait retrouver ses lustres perdus après le Mutual Evaluation Report de l’ESAAMLG de juin 2018

Avec l’enclenchement, demain, du compte à rebours de la phase active des préparatifs pour le dernier budget du mandat de Lalyans Lepep, l’échiquier politique sera partagé entre les impératifs économiques et les exigences des prochaines échéances électorales. A chaque sortie publique, le Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, se fait un devoir de revenir sur la thèse de la tenue de l’élection partielle à Piton/Rivière-du-Rempart (No 7) pour remplacer le siège laissé vacant par la démission de Vishnu Lutchmeenaraidoo au coût de Rs 30 millions au minimum. Puis, il y a cette phrase, « pregnant with meaning »  – comme dit l’Anglais – prononcée par Pravind Jugnauth au Treasury Building, à l’effet que « mo dir enn zafer : ena ankor boukou letan pou ale ». Ce qui pourrait accréditer le scénario Pez Nam, avec le gouvernement Piti/Papa allant jusqu’à l’extrême limite constitutionnelle de mai 2020. Mais, déjà, des voix au sein de l’opposition se font de plus en plus vociférantes pour réclamer des élections générales au lieu de la partielle, vu qu’à la mi-décembre, « Parliament stands dissolved » et qu’un Careraker Government n’aura qu’à assurer les affaires courantes du pays. Toutefois, sur le front économique, les derniers chiffres de la performance du secteur du tourisme, avec une baisse dans les arrivées pour le premier trimestre après quatre années de croissance robuste, suscitent des réactions que ce soit à l’Hôtel du gouvernement ou dans le privé. Le sucre et le textile poursuivant leur traversée du désert, le monde des affaires se tourne désormais vers le Global Business Sector, susceptible de retrouver ses lustres perdus après le Mutual Evaluation Report de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) pour Non-Compliance au chapitre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

En parallèle à la campagne de mobilisation politique sur le terrain au cours des deux prochaines semaines débouchant sur la guerre des foules du 1er-Mai avec en toile de fond les législatives à venir, la Budget Cell du ministère des Finances passera, à partir de demain, à la vitesse supérieure. Le lundi 15 avril est l’une des premières dates-butoirs menant à la présentation du Budget 2019/20 au cours de la première quinzaine du mois de juin, très probablement au lendemain de la fête de l’Eid-ul-Fitr, annoncée pour le 5 juin prochain.

Même si du côté de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, l’on se garde de confirmer la date du Budget Day, une séance spéciale de l’Assemblée nationale dans l’après-midi du jeudi 6 pour la lecture du discours du budget et le coup d’envoi des débats sur les Budget Estimates intervenant le lundi 10 juin à l’Assemblée nationale pourraient constituer « la formule qui convient le mieux », à moins que le Leader of the House ne décide autrement.

Dans l’immédiat, la cellule traitant du budget à l’Hôtel du gouvernement a déjà commencé à éplucher les mémoires soumis par les Stakeholders dans le cadre des consultations prébudgétaires. Compte tenu du contexte électoral, il va de soi que Pravind Jugnauth multipliera les contacts avec les partenaires sociaux, dont des Photo Ops, lors des séances de travail. Le calendrier de ces rencontres devra être connu dans les prochains jours, fait-on comprendre dans les milieux concernés.

Toujours au 15 avril, le ministère des Finances devra impérativement être en présence des Budget Proposals, both Expenditure and Revenue, non seulement pour 2019/20, mais aussi pour les deux subséquents exercices financiers. Ces propositions doivent tenir en ligne de compte les Indicative Aggregate Expenditure Ceilings, vu que la 2019/20 Budget Circular du 16 mars, signée du secrétaire financier Dev Manraj souligne que « you are requested to formulate your proposals within those expenditure ceilings ».

La prochaine étape, après une première évaluation des propositions budgétaires des différents ministères, se présentera sous la forme de Policy Dialogue and Budget Estimates Committee Meetings avec les ministres ayant à leur côté leurs Senior Chief Executives et proches collaborateurs. Ainsi, lors de ces séances d’arbitrage budgétaires, des projets majeurs devraient être ratifiés et tout semble indiquer que le Deputy Prime Minister’s Office pourrait revenr à la charge avec le projet de Combined Gas Cycle Plant de Fort-George, impliquant des investissements massifs de Rs 8, 9 milliards. Jusqu’ici, le ministère des Finances n’a nullement hésité à formuler ses objections contre ce projet piloté par le DPM et leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo.

Indépendamment de la tendance favorisant « ène bidze labus dou parski pa pou éna lotte avant eleksyon », des pilliers de l’économie confirment des signes d’essoufflement. Après le sucre, qui arrive difficilement à se relever de l’abolition du Protocole Sucre, il y aura dix ans bientôt, soit le 30 septembre 2009, et de ses séquelles, et le textile ne bénéficiant plus du filet de protection à l’exportation, le tourisme émet des clignotants au rouge. Les chiffres d’arrivées touristiques pour le premier trimestre sont des plus décevants, avec une baisse de 1, 2 %, ou encore 4,5 % pour le seul mois de mars.

Tourisme : un aspect fondamental, l’écroulement du marché chinois

Même si le marché européen enregistre une croissance trimestrielle de 1, 8 %, le mois de mars a été bouclé avec une baisse de 2, 8 %. Le premier Quaterly Economic Report, publié en fin de semaine par la Banque de Maurice notant en complément que « the tourism sector is forecast to grow moderately at 3, 5 % in 2019 » en raison d’un « easing of growth in the main source markets », AXYS Stockbroking Ltd apporte un éclairage conjoncturel sur la performance de janvier à mars.

Bhavik Desai, le Head of Research du groupe AXYS, met l’accent sur l’énigme de la Pâques au mois d’avril. Analysant les chiffres de ces dernières années, AXYS souligne que « arrivals in Quarter 1 declined for the first time since 2014 having since recorded four consecutive years of strong growth. 2014 was when Easter was last celebrated during the third week of April ». Les prévisions de ce groupe se veulent optimistes après une progression de 5,7 % dans les arrivées pour ce mois d’avril, quittant du même coup la zone rouge pour connaître une croissance de 2,5 % depuis le début de l’année.

« There is a clear inverse relationship between March and April arrival growth. The inverse relationship clearly linked to how far/early Easter occurs. The later Easter occurs in April, the stronger the growth, but conversely, March records negative growth », ajoute AXYS.

Un aspect fondamental dans le secteur du tourisme se résume à l’écroulement du marché chinois. Une analyse géographique des principaux marchés indique que l’Europe se maintient à 65 % pour les trois premiers mois de l’année. Par contre, du côté de la République populaire de Chine, la chute est des plus remarquables avec – 31 %. D’ailleurs, au cours de la semaine écoulée, le ministre du Tourisme, Anil Gayan, a présidé une séance de travail avec les représentants des opérateurs, dont la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, pour un diagnostic du problème touristique chinois.

Dans le cadre d’un exercice de Window Dressing dans l’industrie touristique, les prochains Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI), se déroulant du 19 au 28 juillet prochains devraient représenter un apport quantitatif dans les arrivées touristiques. Mais le nombre sera-t-il suffisant pour redonner le sourire aux hôteliers, qui relèvent depuis quelque temps déjà des changements appréciables dans les réservations des chambres d’hôtel et des conséquences sur les chiffres d’affaires ? Difficile à dire !

En dépit des assurances de l’Hôtel du gouvernement, le phénomène de l’endettement public retient non seulement l’attention des politiciens, mais aussi des institutions et agences de notation internationales. Il va sans dire que le Staff Report rédigé suite aux Article IV Consultations du début d’année, devant être validé prochainement par le Board du Fonds monétaire international (FMI) comportera des commentaires relatifs à l’évolution du Public Debt et l’engagement formel en vue de réduire le ratio par rapport au PIB, qui frise actuellement la barre des 65 %.

Entre-temps, l’agence de notation internationale Moody’s a pris les devants dans ses derniers Ratings sur Maurice pour aborder cet épineux aspect de la gestion budgétaire. Dans ses Findings en date du 9 avril, Moody’s s’appesantit sur le fait que « the country’s main credit constraints stem from a relatively high government debt burden and risks to its balance of payments position and government balance sheets posed by its large and complex financial sector ».

Moody’s préconise des mesures d’urgence en vue de régler le problème de l’endettement public, car « a sustained decline in government debt supported by reductions in fiscal deficits would exert upward credit pressure. Conversely, the rating would come under pressure if the government’s fiscal consolidation efforts were unable to stabilize government debt metrics ».

L’auteur du rapport du Maurice, David Rogovic, Moody’s Vice-President-Senior Analyst, concède que « the Mauritian government faces the challenge of delivering on significant public investment spending plans while achieving fiscal consolidation ». Il fait également comprendre que la posture de l’endettement de Maurice se compare défavorablement avec ses pairs « although debt affordability has improved in recent years ». Moody’s reconnaît que « the credit profile of Mauritius (Baa1 stable) is supported by its diversified, upper-middle-income economy, economic development policies and stable political environment ».

Le Quarterly Economic Report de la Banque de Maurice attribue la poussée de la dette publique à des emprunts sur le marché local. « The rise in public sector debt as a ratio of GDP reflected the increase in domestic debt. Public sector debt rose from 63,4 % of GDP as at end-December 2017 to 64,5 % as at end-December 2018. Central Government domestic debt as a share to GDP rose from 47 % as at end-December 2017 to 48 % as at end-December 2018, mostly reflecting additional issuance of long-term domestic debt, which bodes will in the light of a lengthening of the debt’s maturity profile. », lit-on à la page 24 du rapport.

D’un point de vue macroéconomique, la Banque de Maurice prévoit en ce début d’année que la croissance devrait être de 3, 9 % en 2019 et de 4 % en 2020. « The slight downgrade in GDP growth forecast had resulted from the current global uncertainty and the fact that some of our trading partners revised down their growth outlook, which could dent demand from these economies. At home, the sectoral issues that could weigh on growth performance would include difficulties faced by a couple of textile companies and lower sugar production », avance la Banque centrale en mettant en garde contre des Downside Risks hors de tout contrôle.

Les échanges    commerciaux :         un talon d’Achille

Même si la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) affirme que Maurice devrait bénéficier d’un No-Deal Brexit dans le divorce de Londres et Bruxelles, le Quarterly Economic Report de la Banque de Maurice se montre prudent en ajoutant que « global growth would decelerate as a result of Brexit-related uncertainties, US-China trade war and weak growth in the Eurozone ».

Les échanges commerciaux, surtout la faiblesse des exportations, constituent un talon d’Achille. Les mesures préconisées en vue d’insuffler un nouvel élan aux exportations n’ont pas donné les résultats escomptés. Pour le cinquième trimestre consécutif, en attendant les derniers chiffres pour la période de janvier à mars derniers, la valeur des exportations de biens et services a contracté, même si pour le dernier trimestre de 2018, le taux était inférieur à la précédente période, soit 1,2 % contre 2, 3 %.

« Interestingly, exports of goods impro ved by 4, 4 %, while exports of services contracted by 5, 7 %. Amid a perceptible improvement in domestic demand, imports of goods and services increased by 7, 6 % in third quarter 2018 from a contraction of 4, 4 % in the second quarter. The rise in imports was mainly attributed to a robust expansion of imports of goods to 15, 2 %, which dampened the contraction of 12, 2 % in imports of services », ajoute la Banque de Maurice.

Par contre, le Global Business Sector, qui a essuyé une série de revers depuis juin de l’année dernière dans le Mauritius Mutual Evaluation Report et la sanction d’être exclue de la liste des Compliant States de l’ESAAMLG, devrait quitter la zone de turbulence. En effet, l’ESAAMLG Task Force, qui s’est réunie au cours de la semaine écoulée, a donné un avis favorable aux mesures entérinées par Maurice en matière de lutte contre le Money Laundering et le financement du terrorisme. Mais d’autres étapes devront être franchies d’ici la prochaine réunion du Conseil des ministres de l’ESAAMLG en septembre à Eswatini-ini (Swaziland).

Le Mutual Evaluation Report avait sorti le carton rouge contre Maurice pour 13 recommandations de Non-Compliance et 13 Partially Compliant. Dans 14 autres cas, cette instance régionale n’avait trouvé rien à redire contre les règlements en vigueur. Sur la base d’un récent rapport passant en revue la pertinence des mesures correctives adoptées par Maurice pour remédier à la situation, l’ESAAMLG Task Force a recommandé, lors de sa dernière réunion, le Re-rating de Maurice par rapport à 11 recommandations de la Financial Action Task Force (FATF).

Après cette étape, le dossier de Maurice doit faire l’objet d’une Quality and Consistency Review au niveau de la même Financial Action Task Force. Mais la partie mauricienne ne prévoit pas de gros macadam lors du prochain exercice, vu que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’Afrique du Sud et le Financial Action Task Force Secretariat ont participé activement aux délibérations de l’ESAAMLG Task Force Plenary Meeting à Arusha en Tanzanie du 7 au 12 courant.

Le rapport avalisé fait état de la recommandation selon laquelle, « the Task Force adopts the first Enhanced Follow-Up report of Mauritius and recommends them for publication on the ESAAMLG website after passing the Global Quality and Consistency review process and noting by the Council of Ministers at its meeting in Eswatini in September 2019 ».

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