Enjeu – Politique : Le unfinished business de l’agenda électoral

A partir du 12 janvier, 2 800 canvassers de la Commission électorale sur le terrain pour un exercice de porte-à-porte dans le cadre de la publication des nouveaux registres pour les prochaines législatives

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Une nouvelle séance d’audition de l’Electoral Boundaries Commission au cours de la seconde quinzaine de janvier avec la soumission des recommandations pour la délimitation des circonscriptions annoncée pour mars/avril 2019

Lakwizinn du PMO compte revenir en début d’année à la charge avec le projet de réforme électorale Piti/Papa, misant sur une nouvelle version de KozKoze pour rallier les 52 votes nécessaires

A partir de demain, le compte à rebours de la dernière année du mandat du gouvernement, dirigé par Pravind Jugnauth, sera enclenché de manière irrémédiable. Techniquement, au 17 décembre 2019, “the House (National Assembly) stands adjourned” avec un Caretaker Government expédiant les affaires courantes jusqu’à la tenue des prochaines élections générales dans un délai maximal arrivant à terme en mai 2020.

L’Assemblée nationale déjà en vacances jusqu’au 26 mars prochain et d’ici à mai 2020, différents scénarios politiques sont envisageables, même si le facteur incontournable demeurera la décision du Judicial Review of the Privy Council, avec l’appel dans l’affaire MedPoint entendu dans un mois, soit le mardi 15 janvier. Qu’importe la décision des Law Lords du Privy Council au sujet de cet appel avec le Premier ministre au coeur du litige, les répercussions sur le calendrier électoral auront toute leur importance. Dans cette perspective, la rentrée 2019 ne sera nullement de tout repos pour la Commission électorale et l’Electoral Supervisory Commission (ESC), devant se retrouver de nouveau in the line of fire. Entre-temps, la phase d’incertitude, dans laquelle s’est embourbé le projet de réforme électorale, après l’échec essuyé à l’Assemblée nationale par l’alliance MSM/Muvman Liberater, devra être dissipée avec une visibilité améliorée sur ce même front électoral. Au lendemain du retrait de The Constitution (Amendment) Bill de l’agenda parlementaire, faute d’une majorité de trois quarts, Lakwizinn du Prime Minister’s Office ne se désarme pas pour autant affirmant pouvoir réunir ces 52 votes “au nom du bon sens et de la modernité sur le plan politique”. Comme l’Anglais le dit si bien : “It’s easier said than done”, vu qu’au fur et à mesure que se rapprochera l’échéance du 17 décembre 2019, la fièvre électorale gagnera en intensité.

Avec une trêve politique de fin d’année, susceptible d’être de très courte durée, les plus optimistes au QG du Sun Trust, avec la présence désormais quasi permanente de Prakash Maunthrooa, gardent espoir que l’issue du Privy Council du 15 janvier sera favorable à leur leader, qui disposerait alors d’une carte maîtresse sur l’échiquier politique, notamment en terme de calendrier politique. Dans l’autre camp, craignant un Ruling défavorable dans l’affaire MedPoint, qui court sur sa huitième année en cette fin de décembre, l’on concède que la pression devra s’accentuer sur l’Hôtel du gouvernement en vue de dissoudre l’Assemblée nationale et de rappeler le pays aux urnes dans les meilleurs délais, tout au moins bien avant la limite constitutionnelle du 17 décembre 2019.

Indépendamment des éventuelles spéculations politiques, la Commission électorale se prépare à entamer un exercice des plus cruciaux dans le cadre du run-up des prochaines élections générales. Le commissaire électoral, Irfan Rahman, qui est parti, hier, à destination de Madagascar dans le cadre de la mission d’observation pour le second tour des élections présidentielles de mercredi, a animé en fin de semaine une importante séance de travail avec les officiels de la Commission électorale, de même que les Chief et Principal Canvassers dans le cadre de la compilation des nouveaux registres d’électeurs dans les 20 circonscriptions à Maurice et Rodrigues.

En effet, à partir du 12 janvier prochain, quelque 2 800 Canvassers, recrutés de la fonction publique par la Commission électorale, effectueront un exercice de porte-à-porte à Maurice et à Rodrigues pour l’enregistrement des électeurs. Jusqu’à la fin de janvier, ces officiels, accrédités par la Commission électorale, sont tenus à enregistrer tout Mauricien, atteignant l’âge de 18 ans au cours de l’année prochaine et même ceux âgés de plus de 18 ans pour les besoins des listes d’électeurs. “Peu importe le cas de figure, qui pourrait être retenu par les autorités compétentes pour la tenue des prochaines élections générales, les registres d’électeurs, compilés lors de l’enregistrement du début de l’année prochaine, auront toute leur importance. Ces mêmes listes d’électeurs seront utilisées pour n’importe quelles élections législatives d’ici à mai 2020. De ce fait, les électeurs ont intérêt à accorder l’importance nécessaire à l’enregistrement de janvier 2019 pour éviter toute déconvenue le jour du vote”, soutient le commissaire électoral à Week-End. Ces nouveaux registres d’électeurs devront entrer en vigueur à partir du 15 août 2019 et le resteront jusqu’au 15 août 2020 au terme des dispositions de la loi sur les élections générales.

Lors de cette séance de travail, les Chief et Principal Canvassers ont été sensibilisés à l’importance de cet enregistrement d’électeurs, la Commission électorale ayant pris la décision de publier un compendium en vue de faciliter la tâche des premiers nommés. En marge de cette opération sur le terrain, la Commission électorale prévoit également une campagne médiatique avec des contacts au niveau des classes terminales du secondaire pour faire comprendre la pertinence de se faire enregistrer, surtout aux jeunes qui iront voter pour la première fois.
Une étape de repêchage

Toutefois, le calendrier de travail de la Commission électorale comprend aussi une étape de repêchage après l’enregistrement de la seconde quinzaine de janvier. Au mois de mai de l’année prochaine, tout électeur potentiel peut se rendre dans des écoles désignées de sa circonscription pour confirmer si son nom est bien inscrit sur les listes de la Commission électorale et apporter des corrections nécessaires s’il y a lieu. Passé ce délai, il sera probablement trop tard pour pouvoir exercer son droit de vote à la fin du mandat du gouvernement Piti/Papa, même si un autre recensement pourrait être organisé en janvier 2020 si le contexte électoral le permet.

Néanmoins, le unfinished business de la Commission électorale comprend un autre volet encore plus délicat. L’Electoral Boundaries Commission, composée des mêmes membres que l’Electoral Supervisory Commission, devra soumettre de nouvelles propositions pour les délimitations des 20 circonscriptions à Maurice. Cette échéance devrait intervenir vers mars/avril de l’année prochaine, coïncidant avec la reprise annoncée des travaux de l’Assemblée nationale. Mais avant, l’Electoral Boundaries Commission devra convoquer une nouvelle séance d’audition vers la fin de janvier prochain pour écouter les propositions de différentes parties, qui ont déjà signifié leur intention de faire des commentaires et des propositions sur le projet de redécoupage électoral.
Cette séance publique, se déroulant de préférence un samedi, ne devrait avoir lieu que vers la fin de janvier, compte tenu des obligations professionnelles des membres de l’Electoral Boundaries Commission. En effet, Me Désiré Basset, Senior Counsel, dont les services ont été retenus par Pravind Jugnuath, est actuellement engagé dans les derniers préparatifs en vue de contester l’appel du DPP devant le Privy Council dans l’affaire MedPoint. De ce fait, le plus tôt que pourra être fixée cette séance devrait être le samedi 26 janvier 2019. Mais ce détail n’aura aucune influence sur le programme de travail. Ce qui retient, néanmoins, l’attention porte sur les prises de position des plus virulentes du leader du PMSD, Xavier-Luc Duval, à l’encontre de cette instance constitutionnelle.

“L’Electoral Boundaries Commission fonctionne et a toujours fonctionné dans les paramètres établis par la Constitution. Les rapports de la Commission sont soumis et c’est au gouvernement de décider s’il accepte les recommandations ou les rejette in toto”, fait-on comprendre dans des milieux avisés, alors que lors de son intervention à l’Assemblée nationale, mardi dernier, le leader de l’opposition est revenu avec son idée d’aller contester en Cour suprême les recommandations de l’Electoral Boundaries Commission. La tendance est qu’importe les propositions, qui pourront être retenues par l’Electoral Boundarues Commission, il existe très peu de chances que le gouvernement entérine des changements dans les frontières des circonscriptions à la veille d’une joute électorale, qui devra être chaudement disputée sur le terrain.
Ce même raisonnement s’applique quant aux dispositions du projet de réforme électorale, le Premier ministre décidant mardi, après quatre jours de débats à l’Assemblée nationale, de surseoir à tout vote, sachant très bien qu’il ne détient pas la majorité de trois quarts pour faire adopter les amendements. En dépit de ce recul pour le gouvernement, Lakwizinn du PMO entretient encore l’espoir de pouvoir réunir des 52 votes, soit les 45 assurés par le gouvernement et le repêchage de sept autres dans les travées de l’opposition. La configuration politique fait que les votes du PMSD et du Labour Party restent out of bounds pour Pravind Jugnauth.

Le MSM, avec le coup de main du Muvman Liberater, envisage de nouveau à s’engager dans un exercice de lobbying en vue de convaincre le bloc du MMM de se rallier à la cause de la réforme. C’est ce que laissent entendre les seconds couteaux en analysant les différentes interventions parlementaires du MMM. Cette stratégie du PMO, relevant d’une nouvelle version de Koz Koze, n’a aucune chance de se matérialiser, car “tout soutien du MMM au projet de réforme électorale Piti/Papa sera interprété comme un tournant vers une alliance électorale avec le gouvernement”. Cette démarche détonnerait du “mood alle tusel” qui se renforce de jour en jour au sein du MMM.
A la rentrée politique de janvier prochain, soit l’année du 50e anniversaire du MMM, la préoccupation des mauves est loin d’être le “sink su manké” du gouvernement Jugnauth. “Valeur du jour, il n’y a aucune remise en question de la ligne du parti pour contester seul les prochaines élections générales. Le travail de mobilisation sur le terrain dans les 20 circonscriptions de Maurice est bien engagé et devra se poursuivre crescendo dans les mois menant aux prochaines élections générales. Pourquoi couper cet élan pour satisfaire les caprices de Piti/Papa?”, fait-on comprendre au sein du MMM, avec des recrues de poids en vue dans les semaines à venir et le calendrier des activités politiques pour 2019 déjà échafaudé.

Le what’s next de la réforme électorale devra être résolu tôt ou tard par le gouvernement. Le plus tôt devra être avant le 8 mai de l’année prochaine quand sera appelé sur le fond devant le chef juge le Constitutional Case logé par Rezistans & Alternativ : “Dans l’immédiat, il n’y a aucune trace de plan B à l’Hôtel du gouvernement. Probablement, la formule Sithanen de 2014 se présente sous la forme d’un ‘lesser evil’ même si au Sun Trust l’on veut éviter d’en faire état. Mais tôt ou tard, le Premier ministre devra décider de la formule avant la publication des ‘writs’ pour les prochaines élections générales”, laissait-on entendre en fin de semaine.
Un début d’année de tous les dangers
De son côté, Pravind Jugnauth, qui a animé des réunions des instances de son parti, soit le Bureau politique et le Comité central, hier, a eu l’occasion de faire un tour d’horizon de la situation politique et de rameuter ses troupes en prévision d’un début d’année de tous les dangers sur le plan politique. Mais il n’a pas été très bavard, sauf pour faire état de son voyage demain. “Je vais prendre l’avion à l’heure où se jouera le match. J’espère pouvoir en voir un bout. Ce sera sûrement très intéressant. Je vais le suivre de très près. Il y aura d’autres événements où il aura l’occasion d’en faire”, a-t-il répondu à la presse.

L’objectif des top chefs de Lakwizinn du PM est de transmettre l’impression que “tout est sous contrôle et surtout de ‘business as usual’”. D’abord, cette dernière édition de GNews en date du 14 décembre avec en une le titre-locomotive “Sur les rails” fait la part belle en 60 pages au bilan des réalisations du gouvernement. Cette publication met en avant le prime ministership du leader du MSM en capitalisant sur ses réalisations au ministère des Finances et en misant gros sur trois axes prioritaires : l’économie, l’infrastructure et le social. Elle constitue une tentative flagrante de « kass disik lor latet » du Premier ministre avec seulement ses photos figurant dans cette publication et une vingtaine de mentions à Pravind Jugnauth.

Ensuite, le Premier ministre dirigera une délégation officielle comprenant de hauts fonctionnaires, des représentants de la Financial Services Commission et de l’Economic Development Board au High-Level Forum Africa-Europe 2018 – Taking Cooperation to the Digital Age. Ce forum se tiendra mercredi à Vienne en Autriche sous la coprésidence du chancelier Sebastian Kurz, pays qui assure la présidence de l’Union Européene et du président de la République du Rwanda, Paul Kagame. La cérémonie officielle verra également la participation de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne et de Moussa Faki Mahamat, Chairperson de l’Union africaine.
Dans le préambule de ce forum, mention est faite que “President Kagame and Chancellor Kurz have decided to call for a high-level forum to provide a space for European and African leaders, together with CEO’s of major global companies, innovation champion, start-ups and other stakeholders, to reflect and act on what needs to be done to secure prosperity and competitiveness on both continents as well as to deepen the relationship in all its aspects with a specific focus on taking our cooperation to the digital age”.

Il n’est pas exclu que lors de son passage en Europe à partir de ce week-end, Pravind Jugnauth établira des contacts avec son legal team à Londres, dont Clare Montgomery, QC, par rapport aux derniers détails en vue de l’audition devant le Privy Council du 15 janvier. Toujours en début d’année, Pravind Jugnauth se rendra en Inde en début de la semaine du 20 janvier en tant que chief guest de New-Delhi pour le Pravasi Bharatiya Divas 2019 et aussi pour les manifestations officielles du 26 janvier. D’ailleurs, la dernière réunion du Conseil des ministres a pris la décision d’étendre jusqu’au 31 décembre la date limite pour l’enregistrement des Mauriciens intéressés à effectuer le déplacement dans la Grande Péninsule à cette occasion.
En tout cas, en cette fin d’année, le mot d’ordre du leader du MSM porte une teinte électorale: “Bizin kontinye okip terin ek konplete program puki kan eleksyon vini, lepep ava ziz n-ou lor nou travay”…

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