Exploitation sexuelle des enfants – Mahen Busgopaul : « Le problème est aigu à Maurice »

Selon les chiffres de la Child Development Unit (CDU), 1175 enfants ont été victimes de violences sexuelles durant ces dernières cinq années. Et pour neuf enfants sur dix, l’agresseur est un proche de la famille. Les chiffres de l’ONG Halley Movement donnent encore plus froid dans le dos. De 2012 à 2013, pas moins de 818 plaintes ont été enregistrées sur la hotline Helpline Mauritius de l’ONG et, de ce total, dont 46 concernant des enfants abusés sexuellement.

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« Le problème est aigu à Maurice », soutient au Mauricien le secrétaire général de Halley Movement, Mahen Busgopaul, suite aux recommandations finales de l’UN High Commission for Human Rights pour Maurice. L’exploitation sexuelle des enfants, selon lui, gagne du terrain à Maurice année après année. Mais qui est à blâmer dans cette situation ? Pour le secrétaire général, la faute revient aux parents qui, selon lui, « accordent trop de liberté » aux enfants. « Les effets secondaires d’une surveillance trop faible des parents sur leurs enfants résultent en de telles situations », observe-t-il.

Mahen Busgopaul regrette également que le sujet de l’exploitation sexuelle soit encore tabou dans certaines communautés, notamment asiatiques. Face à cette réalité, il demande que les ONG conscientisent davantage les enfants. Il fait ressortir que lors de ses différentes sessions de sensibilisation, les enfants n’hésitent pas à poser les questions qu’ils n’osent pas poser à leurs parents. Le secrétaire général dit également cibler les femmes au foyer. « Nous observons que ces campagnes sont bien reçues », dit-il.

« Les cas que nous enregistrons régulièrement sont alarmants », poursuit-il. En ce sens, il cite des cas de touristes exploitant sexuellement des filles mineures. « Comment pouvons-nous retracer ces touristes une fois qu’ils ont quitté le pays ? » demande-t-il. Pour Mahen Busgopaul, il faut que cette situation change et qu’on protège davantage les enfants. « Plusieurs hôtels de plusieurs régions du pays nous ont contactés  pour des sessions de sensibilisation par rapport à  l’exploitation sexuelle des enfants dans l’industrie du tourisme et du voyage », dit-il. D’ailleurs, un calendrier de travail est établi en ce moment pour ces sessions. Dans ses recommandations à l’UN Human Rights Council, le secrétaire général déplore qu’il « n’existe pas de dispositions juridiques pour répondre à de tels délits ».

L’une des recommandations de Halley Movement était le Children’s Bill. Mahen Busgopaul se réjouit que le Human Rights Council ait aussi recommandé le même pour Maurice. « Mais j’ai toujours des réserves sur ce projet de loi. Est-ce que ce sera un Children’s Bill qui parlera du mariage d’enfants à Maurice ? » demande-t-il, disant ensuite espérer que ce projet de loi devienne une réalité. Selon lui, « lorsque les filles se marient avec le consentement de leurs parents à 16 ans, elles courent souvent le risque d’être maltraitées et abusées » par leur conjoint ou leur belle-famille. Et Mahen Busgopaul de craindre que les adolescents de 16 « ne connaissent même pas leurs droits ». Pour lui, les jeunes âgés de 18 ans, « dans le contexte mauricien, sont encore des “enfants” ». Car, à son avis, « même lorsqu’ils se marient à cet âge, ils ne sont pas prêts pour la vie conjugale ».

Par ailleurs, le Halley Movement se dit contre toute forme de punition corporelle infligée à l’enfant. Dans ses recommandations, Mahen Busgopaul demande d’ailleurs à ce qu’on mette un frein à cette pratique à Maurice. « Nous observons que plusieurs pays ont banni la punition corporelle, et cela a porté ses fruits », dit-il. Il cite l’exemple de la Finlande, où les parents sont conscientisés sur les punitions corporelles. « Nous avons reçu plusieurs appels sur notre hotline pour rapporter que des parents frappent leurs enfants », dit-il. Les chiffres sont tous d’ailleurs alarmants : de 2012 à 2013, 460 appels ont été reçus pour dénoncer des cas d’abus psychologiques, 95 pour négligences, 110 pour des punitions corporelles, 26 pour abandon d’enfants, 13 pour le travail d’enfants et 66 concernant d’autres types d’abus.

Un autre problème des enfants concerne la connaissance de leurs droits. Les différentes sessions de sensibilisation organisées dans plusieurs localités du pays, selon Mahen Busgopaul, donnent en effet « l’impression que les jeunes n’ont pas encore atteint un niveau de maturité suffisant pour savoir quels sont leurs droits ». Et d’ajouter : « Je pense que les jeunes ont d’autres préoccupations et connaître leurs droits, pour eux, n’est pas important. » Pour autant, « même si les enfants connaissent leurs droits, peuvent-ils dire “non” lorsqu’ils sont touchés par une personne ? » se demande-t-il.

Mahen Busgopaul pointe du doigt le système éducatif mauricien, qui se focalise trop, dit-il, sur les qualifications académiques, « au lieu de rendre l’enfant conscient » de ses droits. Selon lui, le système éducatif, tel quel, cherche « uniquement à ce que l’enfant ait ses certificats académiques pour trouver un emploi ».

ENCADRE1

UNIVERSAL PERIODIC REVIEW

Recommandations pour Maurice

L’Universal Periodic Review recommande au gouvernement mauricien de finaliser et d’adopter le Children’s Bill en vue de consolider les droits des enfants. Il est également demandé de renforcer les lois et les politiques visant à protéger les enfants en ayant des lois empêchant l’exploitation sexuelle des enfants. Parmi les autres recommandations figure une législation visant à protéger l’enfant contre le mariage forcé et contre la punition corporelle, ainsi que la conscientisation de la population à ce sujet. Par ailleurs, le rapport de 2013 révèle que l’Indonésie, la Malaisie, l’Afrique du Sud, la RDC et les Seychelles avaient recommandé au gouvernement mauricien de finaliser et de soumettre le Children’s Bill. Si le gouvernement avait accepté cette recommandation, ce projet de loi n’est cependant pas encore une réalité.

Combat de l’ONG Halley Movement

Mahen Busgopaul se réjouit que les recommandations faites dans le rapport concordent avec celles de Halley Movement, présentées à Genève lors de l’Universal Periodic Review du Human Rights Council des Nations Unies. « Nous sommes fiers que cinq de nos recommandations ont été reprises par le conseil et demandent ainsi au gouvernement de les analyser avant d’être présent à nouveau pour l’Universal Periodic Review », dit-il. Pour le secrétaire général, ces recommandations sont « essentielles » pour Maurice. Les différents cas reçus, selon lui, sont suivis. « Nous avons des protocoles d’accord signés avec différentes autorités pour nous permettre de suivre ces cas », reprend-il. Lors de l’élaboration des recommandations de Halley Movement pour être présentés à l’Universal Periodic Review, il a été fait mention que les moyens du gouvernement sont limités et ne permettent pas d’assurer un suivi dans les cas de violences sexuelles enregistrées. Le rapport présenté par Halley Movement lors de la 31e session, tenue en octobre 2018, tient en compte l’exploitation des enfants dans des cas de prostitution, d’exploitation sexuelle sur Internet ainsi que dans le domaine du tourisme et du voyage. Sont aussi mentionnés le trafic d’enfants en vue de les exploiter sexuellement ainsi que le mariage forcé.

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