FINANCES PUBLIQUES — Constat accablant d’abus — XLD : « L’ICAC, un obstacle au bon fonctionnement de l’Audit »

Reza Uteem (PAC) :  « Le directeur de l’Audit va très loin en parlant de violation des dispositions de la loi en termes de gestion des finances publiques »

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Le rapport, signé du Directeur de l’Audit, C. Romooah, pour l’exercice financier 2019/20, et plus particulièrement par rapport aux dépenses encourues sous le couvert de la pandémie de COVID-19, continuera pendant encore longtemps à hanter l’Hôtel du Gouvernement. Certes, l’on a cru pouvoir « bury the bad news » en tentant d’accréditer la thèse de la première phase du Lockdown dans la soirée de ce même mardi. En tout cas, la teneur de ce rapport d’Audit, déposé sur la table de l’Assemblée nationale, mardi, constituera le plat de résistance des prochaines séances du Question Time et mettra en position embarrassante les principaux ministres concernés, soit ceux de la Santé et du Commerce, Kailesh Jagutpal et le démissionnaire Yogida Sawmynaden, sans pour autant exclure la responsabilité collective du Premier ministre, Pravind Jugnauth, en tant que président du National High Level Committee on Covid-19 avec ses délibérations quotidiennes. Entre-temps, l’opposition parlementaire et le pays en général prennent la mesure des abus commis sur le plan des finances publiques avec un premier volet de dépenses de 14 milliards au 30 juin dernier.
De son côté, le leader de l’opposition Xavier-Luc Duval, qui était jusqu’à tout récemment président du Public Accounts Committee (PAC), estime que le Directeur de l’Audit a abattu un excellent travail et tient à féliciter les officiers du Bureau de l’Audit pour ce rapport qui est très sévère à l’encontre de certains ministères. Pour lui, la situation de gaspillage dans la fonction publique empire d’année en année. « Auparavant, le rapport de l’Audit était de 200 pages aujourd’hui, il lui faut 500 pages. Cela veut que les critiques du Directeur de l’Audit soient en nette augmentation », dira-t-il d’emblée en dénonçant le rôle de l’ICAC devenue un obstacle au fonctionnement de l’Audit.
« Le problème aujourd’hui est de savoir pourquoi ce rapport malgré tous les efforts déployés par les officiers de l’Audit restés lettre morte. La première raison est qu’aucune sanction n’est prise contre ceux qui sont responsables de ces cas de gaspillage caractérisé. L’Accounting Officer qui est responsable d’un ministère n’est jamais sanctionné. Donc d’année en année, les gens commettent des erreurs et ne sont pas rigoureux dans leur travail. Ils ne suivent pas les procédures et ne respectent pas la loi. Ces fonctionnaires continuent leur travail comme si de rien n’était. Ils continuent à occuper leurs fonctions ou sont transférés dans un autre ministère sans aucune sanction. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à une amélioration de la situation. Au contraire, la situation va empirer. Ce qui est le cas actuellement », regrette Xavier-Luc Duval dans ses premiers commentaires sur les abus dénoncés dans le rapport.

D’autre part, le leader de l’opposition déplore que souvent les secrétaires permanents sont transférés. Avec pour résultat qu’il n’y a pas de suivi dans le travail commencé dans un ministère. « Certains projets sont suivis par deux ou trois personnes successivement. On comprend alors pourquoi les projets sont en retard et qu’il y ait un manque de contrôle », ajoute-t-il.

Un autre problème important relevé par Xavier-Luc Duval est que l’« ICAC est devenue un obstacle ». « Nous avons, mardi, au Parlement, des ministres refusant de donner des réponses concernant des problèmes et des scandales parce que les dossiers concernés sont entre les mains de l’ICAC. Le Directeur de l’Audit, qui assume des responsabilités constitutionnelles, se retrouve lui aussi confronté au même obstacle. Ce qui fait qu’il n’a pas réussi à faire pleinement son travail au niveau du ministère du Commerce et de celui de la Santé. Le Directeur de l’Audit affirme sans détour qu’il n’a pas réussi à faire son travail et c’est très grave », souligne-t-il.
De son côté, Reza Uteem, président désigné du Public Accounts Committee (PAC), soutient que « le dernier rapport en date de l’Audit est un exercice très courageux. C’est la première fois qu’un agent indépendant a donné un rapport objectif sur ce qui s’est passé en 2019 et 2020. Le Premier ministre et ses ministres ont refusé de répondre à des questions sous le prétexte que les dossiers sont entre les mains de l’ICAC. Cela a été le cas lorsque le ministre Callichurn a refusé de répondre à des interpellations parlementaires sur la STC parce que ce dossier est devant l’ICAC ».

« Donc c’est la première fois qu’une instance indépendante critique le système de Procurement  pendant le premier confinement en période de COVID », dit-il en ajoutant que le Directeur de l’Audit va très loin en parlant de violation des dispositions de la loi. « Il parle d’opacité faute de documents et affirme n’avoir pas obtenu des documents concernant un contrat signé entre le commissaire de police et le directeur de Mauritius Telecom concernant le projet de Safe City de Rs 16 milliards. Lequel directeur est le Super Adviser du Premier ministre. L’interdiction du directeur de l’audit d’avoir accès à ces documents relève de la culture de l’opacité et de l’impunité de ceux se trouvant à la tête du pays », s’insurge Reza Uteem.

Or , poursuit-il, les fonctionnaires sont des privilégiés.  « Chaque année le nombre de personnes qui soumettent des applications pour des postes dans la fonction publique est dix fois ou plus que le nombre de postes vacants. Une fois que vous vous retrouvez dans une position de gestionnaire des fonds publics, vous avez une lourde responsabilité et vous devez pouvoir répondre de vos actes et de votre mauvaise gestion même si on ne peut vous accuser de fraude et de corruption. Prenons le cas d’un gestionnaire de fonds à qui vous avez confié votre argent. Si votre argent est mal géré, vous le limogerez. Il y a une sanction. Ici, on voit que les officiers publics sont coupables de négligence sans qu’il y ait de sanctions. C’est la raison pour laquelle j’estime qu’il faudrait une législation pour sanctionner les fonctionnaires coupables de négligence et protéger les fonctionnaires compétents », argue le président désigné du PAC.
Reza Uteem souligne que les dépenses publiques effectuées lors du confinement ont été validées par le National Covid Committee, présidé par nul autre que le Premier ministre, qui doit également assumer ses responsabilités face à cette cascade d’abus et de pratiques frisant la fraude et la corruption, notamment ce simple exemple où des médicaments ont été achetés à des prix 3 300 fois plus cher qu’en période normale.
Affaire à suivre…

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