Grippe AH1N1 – Conditions de la vie des Bangladais : Etat déplorable, voire dégoûtant, des dortoirs

Fayzal Ally Beegun : « Il est temps de révoquer les permis de certains employeurs »

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Pour la énième fois, le syndicaliste Fayzal Ally Beegun déplore les conditions dans lesquelles vivent les travailleurs étrangers, en particulier les Bangladais, évoquant un manque d’hygiène, des matelas usés, des ustensiles endommagés et un manque d’équipements, entre autres. Il mène une bataille depuis plus de 25 ans afin que les conditions de vie des Bangladais s’améliorent mais estime que les employeurs traitent toujours les travailleurs étrangers comme des « esclaves ». Pour lui, il est temps que le ministère du Travail réagisse et révoque les permis de certains employeurs.

Le syndicaliste Fayzal Ally Beegun est catégorique : les employeurs doivent s’occuper personnellement de l’hébergement des travailleurs étrangers au lieu de laisser cette responsabilité au directeur des ressources humaines ou à une autre personne déléguée. Selon lui, ce sont les personnes déléguées qui sont responsables de l’état des travailleurs étrangers dans les dortoirs. Il est d’avis qu’il est fort probable que les employeurs ne sont pas au courant des conditions dans lesquelles ces gens vivent.

« Il y a des centaines de dortoirs à Maurice. Mais la majorité d’entre eux sont dans un état déplorable, voire dégoûtant. Pourtant, ce sont des humains qui y habitent », dit-il. Et Fayzal Ally Beegun de préciser qu’il fait souvent des visites dans différents dortoirs à travers le pays afin de faire un constat. « Incroyable mais vrai. Les dortoirs, à l’exception d’un ou de deux, ressemblent plus à un dépotoir. Il y a des déchets qui traînent dans tous les coins. Des fils électriques sont suspendus et représentent un vrai danger pour les habitants. Quand on passe devant les dortoirs, on voit que les occupants, surtout les Bangladais, mettent leurs vêtements sur des cordes. Ce n’est pas parce qu’ils aiment le désordre mais parce qu’ils n’ont pas de place pour garder leurs vêtements. Les Bangladais n’ont pas d’armoire mais des “lockers”. Combien de vêtements peuvent contenir les “lockers” ? D’où la raison pour laquelle ils suspendent leurs vêtements là où ça leur convient », affirme le syndicaliste.

Par ailleurs, il explique que les travailleurs étrangers dorment sur des matelas usés. « Ce ne sont pas des matelas de qualité mais plutôt un grand éponge. Un travailleur étranger utilisera ce matelas pendant de longues années, le temps qu’il travaille à Maurice. Après son départ, un autre travailleur va utiliser le même matelas. Ce qui explique l’invasion des punaises dans les dortoirs », soutient Fayzal Ally Beegun.

Le manque de maintenance dans les dortoirs suscite aussi de l’inquiétude. Selon le syndicaliste, quand il y a des problèmes électriques, personne ne vient réparer les dégâts. « Quand les ventilateurs dans les dortoirs sont en panne, les travailleurs étrangers contribuent de l’argent pour acheter un autre. Or, c’est à l’employeur d’assurer que les travailleurs disposent de tout ce dont ils ont besoin. De plus, il n’y a personne pour venir fixer le ventilateur pour eux. Donc, ils l’attachent avec leurs lits, ce qui constitue un véritable danger, surtout quand ils dorment. »

En ce qui concerne leur cuisine, Fayzal Ally Beegun dira qu’elle est tout le temps dans un piteux état. « Les ustensiles sont sales et endommagées. Souvent, ils doivent acheter leurs propres ustensiles. Ils n’ont pas de place pour couper les légumes et s’assoient par terre pour le faire », indique le syndicaliste.

Des usines converties en dortoir

Autre constat du syndicaliste : les dortoirs sont généralement des anciennes usines fermées. « C’est plus facile pour les employeurs de convertir d’anciennes usines en dortoir. À Coromandel par exemple, il y a plusieurs usines qui ont été converties en dortoirs. Ils les aménagent de façon à accueillir des centaines de travailleurs. Les chambres sont séparées par de simples “plywoods”. Mais ils ne réalisent pas les conséquences. Une usine n’est pas un endroit habitable. Une cinquantaine, voire une centaine de travailleurs étrangers, vit inconfortablement dans les dortoirs. Ils peuvent être une quinzaine à partager une chambre. Ce qui explique comment ils peuvent tomber tous malades à la fois », dit-il.
Fayzal Ally Beegun dit comprendre qu’on ne puisse allouer une chambre par personne. Il propose de mettre au maximum cinq à six personnes dans une chambre. Et d’ajouter que souvent ce ne sont pas les employeurs qui sont responsables de l’état des travailleurs étrangers, mais le directeur des ressources humaines ou d’autres personnes déléguées, qui s’occupent du logement des travailleurs étrangers. « Il est temps que les employeurs portent une attention particulière aux dortoirs de leurs entreprises. Et si la situation persiste, le ministère doit révoquer leurs permis d’amener des travailleurs étrangers », fait-il ressortir.

« Les Mauriciens pensent généralement que les Bangladais sont eux-mêmes responsables de leur situation. Or, ce n’est pas vrai. Ces travailleurs étrangers bossent du matin au soir à l’usine. Souvent, ils doivent travailler à des heures supplémentaires. Quand ils rentrent dans leurs dortoirs, il fait déjà nuit et ils sont épuisés. Ils n’ont plus le courage pour nettoyer leurs chambres. Ces personnes ne sont libres que le dimanche et ils veulent profiter de leur journée. C’est compréhensible », ajoute le syndicaliste. Selon ce dernier, les employeurs auraient dû employer des Cleaners pour nettoyer les dortoirs au quotidien. Car cela permettrait aux travailleurs étrangers de vivre dans de bonnes conditions.

90 travailleurs testés positifs

D’ailleurs, précise Fayzal Ally Beegun, ce sont les conditions de vie qui sont mises en cause concernant les 90 employés de Tianli Shipping Mauritius Co Ltd, à Wooton, atteints de la grippe AH1N1. « Au total, 90 travailleurs ont attrapé la grippe saisonnière et une dizaine ont été testés positifs à la grippe AH1N1. Nous pouvons comprendre comment autant de travailleurs sont tombés malades à la fois. Ils occupent tous le même dortoir et la propagation du virus était inévitable. Deux d’entre eux ont dû être admis à l’hôpital Victoria, Candos, vendredi. Ils souffraient de la diarrhée et de vomissements. Conduits à l’hôpital, ils ont reçu du panadol et des antibiotiques. Ensuite, ils ont été autorisés à rentrer chez eux », fait part Fayzal Ally Beegun.

Toutefois, il déplore le traitement reçu par les Bangladais. « J’ai pu comprendre que leur situation n’était pas jugée inquiétante. Pourtant, une dizaine d’entre eux souffrent d’une grippe mortelle. Selon eux, ils n’ont pas reçu le même traitement qu’un Mauricien aurait eu », soutient le syndicaliste. Ce dernier dira qu’il ne compte pas baisser les bras. « Je suis la situation de près et je ne compte pas rester tranquille. La direction affirme avoir placé les 90 employés en quarantaine. Pourtant, ils se promènent librement dans la cour du dortoir et ont contact avec d’autres occupants. Cela montre l’indifférence de la direction de l’usine Tianli Shipping. »

Pour sa part, la direction de Tianli Shipping Mauritius Co Ltd insiste sur le fait que les 90 employés ont été placés en quarantaine et n’ont aucun contact avec les autres occupants du dortoir et travailleurs de l’usine. Selon la consultante en Health & Safety de Tianli Spinning Mauritius Co Ltd, Oormeela Jawaheer, l’état de santé des 90 employés, y compris ceux atteints de la grippe AH1N1, s’améliore graduellement. Cette dernière dira que la situation est sous contrôle. « Les Bangladais atteints de la grippe étaient paniqués vendredi. Ils sont des jeunes âgés entre 18 et 25 ans. Ils sont loin de leurs familles et n’ont su comment agir à cet instant. Leur chef d’équipe les a conduits au centre de santé de Dubreuil pour recevoir les premiers soins. Je suis intervenue pour que la pharmacie reste ouverte afin qu’ils aient leurs médicaments. Mais à leur retour, le chef d’équipe a déploré le traitement qu’ils ont reçu », explique-t-elle.
En ce qui concerne l’état du dortoir de Tianli Spinning, elle dément les allégations du syndicaliste et explique que l’hygiène est un aspect primordial pour la compagnie. « L’hygiène est un aspect primordial à Tianli Spinning. D’ailleurs, nous menons des exercices réguliers avec les employés afin qu’ils vivent dans de bonnes conditions », dit-elle.

Au ministère de la Santé, on apprend que la situation des Bangladais atteints de la grippe AH1N1 est suivie avec attention. « Nous suivons l’évolution de leur état de santé, surtout les deux qui ont été admis à l’hôpital Victoria. La grippe AH1N1 est devenue une grippe saisonnière normale et il n’y a aucune raison de craindre. Nous avons même envoyé des recommandations à l’usine pour assurer l’hygiène dans leur dortoir », a affirmé une source du ministère.

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