Hôtellerie – Le groupe Sun vend le Kanuhura (Maldives) à un groupe de Singapour

– Shamin Sookia, (MD, Perigeum Capital) : « Généralement, quand on veut vendre un actif, on se tourne vers le canard boiteux »

Avec la grave crise qui touche de plein fouet le secteur touristique depuis plus d’un an et qui a même obligé un hôtel à se mettre sous administration volontaire, le groupe Sun prend lui aussi les devants dans le cadre d’une restructuration de ses opérations. Pour renflouer ses caisses, le groupe a décidé de céder l’un de ses cinq établissements hôteliers : le Kanuhura aux Maldives. Un choix difficile mais qui s’impose vu la conjoncture difficile des frontières fermées. Le groupe préfère miser sur Long Beach, le Sugar Beach, La Pirogue et Ambre, tous basés à Maurice.

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Le choix de Sun s’est porté sur cet établissement de 80 villas des Maldives pour plusieurs raisons. D’abord et avant tout éponger une partie de son endettement qui atteint quelque Rs 9 milliards. Vendre l’un de ses actifs lui permettra d’assainir sa situation financière et de « reprendre plus vite », fait-on comprendre dans les milieux proches du groupe.

Ce choix stratégique fait d’ailleurs l’objet de discussions au sein du conseil d’administration du groupe depuis plusieurs mois et la décision a été prise de recentrer les opérations sur Maurice et de vendre le Kanuhura. Et le choix n’a pas été difficile, puisque le Kanuhura est l’établissement le moins productif du groupe.

En effet, les observateurs avertis auront noté que même avant la période de la pandémie de COVID-19, l’établissement opéré dans l’archipel des Maldives réalisait déjà des pertes. Par ailleurs, pour ceux qui connaissent la situation du secteur touristique aux Maldives, il y a un sérieux problème d’offre excédentaire de chambres, une situation qui complique les choses pour les hôteliers car elle accentue la concurrence.

Un autre facteur qui a poussé Sun à céder cet hôtel c’est que c’est le seul qu’il possède aux Maldives, alors qu’à Maurice il y a en quatre (pour un total de 1500 chambres) et cela permet évidemment de développer des synergies et des économies d’échelle. En attendant que les procédures de vente se concrétisent, d’ici au 31 juillet 2021, l’établissement reste opérationnel et rien ne change pour les quelque 200 employés du Kanuhura, puisque selon la loi domestique, le repreneur devrait reprendre tous les employés.

Ce repreneur est un ‘big player’ en Asie. Il s’agit du groupe singapourien Hotel Properties Ltd, qui possède déjà plusieurs hôtels dans l’archipel, notamment à travers sa filiale Leisure Oceans Private Ltd. Et il ne devrait pas être compliqué pour les Singapouriens de rentabiliser cet hôtel après la pandémie. (voir plus loin)

Dans les milieux du groupe Sun, très peu d’indications sont disponibles avec aucune source ne voulant s’aventurer pour commenter cette transaction en voie de réalisation, ni encore le montant de la transaction. Ce qui est sûr, c’est que l’inquiétude des derniers mois a fait place à un certain soulagement, car la vente du Kanuhura aux Singapouriens, couplé aux fonds obtenus sous forme d’obligations de la Mauritius Investment Corporation Ltd (MIC)  (Rs 3,1 milliards) contribuent à améliorer radicalement la situation financière du groupe, qui sera ainsi en mesure de « meet its future debt commitments » dit-on dans les milieux financiers, cela d’autant qu’il se chuchote que le groupe aurait obtenu un bon deal vu le contexte actuel.

En période de crise, les hôteliers n’ont pas 36 solutions pour sortir la tête hors de l’eau financièrement. Vendre un de leurs établissements figure parmi ces solutions. Deuxième possibilité : avoir recours à des dettes à travers la MIC et les banques (mais là, c’est de l’endettement additionnel). Troisième option : les actionnaires renflouent le capital de la compagnie et quatrième option : vendre les murs des hôtels et devenir locataire. Il existe aussi l’option de revoir son ‘business model’, procéder à des licenciements massifs  ou se placer sous administration volontaire…

Qui est HPL ?

Cotée sur la Bourse de Singapour, Hotel Properties Ltd a été créée en 1980. Cette société est engagée principalement dans la propriété et la gestion d’hôtels, le développement immobilier et l’investissement.

HPL a des intérêts dans pas moins de 36 hôtels opérant sous des marques prestigieuses comme Four Seasons, Hilton International, Como Hotels, InterContinental Hotels Group, Six Senses Hotels et Marriott International. HPL gère aussi des établissements sous les enseignes telles que Hard Rock Hotels et Concorde Hotels & Resorts.

HPL opère dans une quinzaine de pays : Singapour, Malaisie, Thaïlande, Indonésie, Maldives, Seychelles, Vanuatu, États-Unis, Bhutan, Tanzanie, Afrique du Sud, Vietnam, entre autres. HPL est aussi engagée dans le développement de l’immobilier résidentiel et commercial dans le segment  ‘premium’.

Shameen Sookia (MD, Perigeum Capital) : « On trouve toujours un repreneur… »

 

« Au départ, les groupes hôteliers mauriciens n’avaient investi qu’à Maurice, puis au fil du temps ils se sont diversifiés géographiquement aux Seychelles, aux Maldives et à la Réunion notamment. La décision de diversifier est stratégique, pour éviter de mettre tous les œufs dans un même panier. Mais la COVID a bouleversé toutes les équations. Les hôteliers génèrent actuellement zéro revenu à Maurice et parviennent difficilement à honorer leurs engagements financiers, étant lourdement endettés.

« La MIC va servir de bouée de sauvetage. Le gouvernement et les hôteliers travaillent à la réouverture des frontières et réfléchissent comment sécuriser les touristes qui viendront à moyen et long termes. Mais dans cette ‘new normal’ il se peut que Sun ait considéré que sa stratégie de diversification régionale ne soit plus ‘relevant’ à l’heure actuelle, parce qu’il y a plus urgent en ce moment :  consacrer toute l’énergie à redévelopper la destination Maurice où le groupe est propriétaire de quatre hôtels. La vente d’un hôtel lui permettra de rembourser une partie de ses dettes et ainsi diminuer ses charges financières. De ce fait, le groupe sera davantage prêt dans les mois à venir pour ‘meet their objective of profitability.’

 « Généralement, lorsqu’on veut céder une partie de ses actifs, dans le cas d’un groupe hôtelier, on se tourne plutôt vers le canard boiteux. Et lorsque vous avez un bien à vendre, c’est facile de trouver un repreneur car cela représente toujours une opportunité pour un autre groupe, plus costaud que vous et dont les muscles financiers sont suffisamment solides pour investir – même en période de crise – et qui pourra se permettre de racheter votre bien et d’attendre des jours meilleurs pour en tirer des profits. Mais le hic c’est que les prix tombent… Des acheteurs, on en trouve, mais à quel prix ? C’est ça la question. »

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