Immigration (Amendment) Bill : objections de l’opposition et réserves du secteur privé

  • Adrien Duval : « Avec la loi sur les Prohibited Migrants, le PM s’octroie les droits du Roi Soleil »
  • Alan Ganoo : « Ces amendements ouvrent la porte aux abus administratifs et constituent une entorse au concept de la séparation des pouvoirs »
  • Barlen Pillay (MCCI) : « Un très mauvais signal »

L’amendement de l’Immigration (Amendment) Bill, qui sera présenté par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, cet après-midi avec un certificat d’urgence, est accueilli avec « colère » et « exaspération » par l’opposition et avec beaucoup de réserve dans le secteur privé.

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« C’est la plus mauvaise législation présentée par le gouvernement depuis le Prosecution Bill et la réforme électorale », observe Adrien Duval, qui interviendra sur l’Immigration (Amendment) Bill au Parlement au nom du PMSD.

« Le pire, c’est que le Premier ministre s’octroie les droits du Roi Soleil en voulant s’approprier les pouvoirs d’ôter des droits constitutionnels à une personne sans que celle-ci ne puisse avoir recours à la Cour suprême pour les protéger », ajoute-t-il.

Alan Ganoo aborde dans le même sens en estimant que « ces amendements accordent des pouvoirs discrétionnaires trop larges au Premier ministre ».

Il ajoute : « De plus, cette législation ouvre la porte aux abus administratifs et constitue une entorse au concept de la séparation des pouvoirs. »

Au niveau de la Mauritius Chamber of Commerce and Industry (MCCI), Barlen Pillay, qui considère que ce projet de loi suit la Restriction of Employment Regulation, introduite il y a quelque temps à cette législation, estime que le gouvernement, qui préconise l’ouverture, envoie un « mauvais signal ».

Dès la publication du texte de loi samedi matin, le leader du MMM s’est élevé contre la présentation de l’Immigration (Amendement) Bill avec un certificat d’urgence. Il estimait que ce texte « porte atteinte aux droits constitutionnels des couples, des handicapés et donne des pouvoirs illimités au Premier ministre ».

Il a demandé que cette loi ne soit pas adoptée.

Pour Adrien Duval, ces amendements touchent aux droits fondamentaux des Mauriciens, notamment à la liberté de se marier librement. Déjà, selon lui, l’Immigration Act prévoit des conditions pour considérer si une personne est un immigrant indésirable, si elle est liée au terrorisme ou au trafic de la drogue, etc.

Les accusations portées contre la personne doivent être faites « on reasonable ground ». Ce qui fait que l’intéressé peut porter la décision gouvernementale en cour pour que cette dernière prononce son jugement.

Or, selon Adrien Duval, les amendements qui seront présentés au Parlement « introduisent deux clauses aberrantes ».

La première est que le Premier ministre peut agir à la lumière des informations ou conseils obtenus, qui peuvent être fiables ou pas, pour décider si une personne est un visiteur indésirable.

En deuxième lieu, le texte de loi introduit l’idée « de personnes ou de classes de personnes », ce qui constitue une catégorisation de personnes, et est donc contraire à la Constitution.

D’autre part, l’Immigration Act prévoit qu’une personne dont le conjoint est Mauricien dispose automatiquement d’un permis de résidence qui la protège contre toute déportation. Si dans une situation exceptionnelle, ce droit de résidence est enlevé sur la base des procédures légales, elle peut avoir recours à la justice.

Or, les amendements présentés au Parlement permettront au Premier ministre de retirer le droit de résidence sur la base de son opinion. Et ce droit de résidence peut être retiré si le Premier ministre est d’opinion qu’au moment de son mariage, la personne était un immigrant indésirable.

Ce qui enlève immédiatement le droit de séjour, le droit de résidence, le droit de travail, etc.

« Comment contester l’opinion d’un Premier ministre en cour ? Sur quoi se basera-t-il pour donner cette opinion ? » se demande Adrien Duval.

En s’attribuant les pouvoirs de considérer une personne comme un immigrant indésirable, le Premier ministre s’octroie le droit d’un monarque comme le Roi Soleil. Il considère que « c’est un projet de loi atroce qui viole des droits constitutionnels ».

Pour Alan Ganoo, tout en admettant que l’État a le devoir d’assurer la protection et d’assurer l’ordre social dans le pays, le projet de loi « est excessif » et comprend des dispositions « qui peuvent donner lieu à des dérives arbitraires et à des abus ».

L’impossibilité des personnes considérées comme des immigrants indésirables d’avoir recours à une “judicial pronouncement” remet en question le concept des séparations. « Trop de pouvoirs discrétionnaires sont donnés au Premier ministre », a-t-il souligné.

Shakeel Mohamed estime que ce projet de loi « peut potentiellement porter atteinte » aux droits fondamentaux et aux droits humains. Et d’ajouter : « Trop de pouvoirs sont accordés à une personne et il y a trop d’opacité d’autant plus qu’on ne dispose pas d’une Freedom of Information Act. »

Pour Barlen Pillay de la MCCI, cette loi suit la Restriction of Employment Regulation et constitue « un très mauvais signal envoyé par le gouvernement ».

Dans d’autres milieux du secteur privé, on déplore la présentation d’une telle loi « sans consultation avec les légistes et le judiciaire ». De plus, on estime que la loi moderne préconise le moins de pouvoirs discrétionnaires et arbitraires possibles, mettant l’accent davantage sur des lois objectives et “rule base”.


L’explanatory memorandum qui accompagne le texte de loi précise que

« (a) a non-citizen, who is the spouse of a citizen, shall not have the status of a resident where he was a prohibited immigrant at the time of becoming such a spouse;
(b) persons who suffer from any physical or mental infirmity or persons who are dumb, blind or otherwise physically defective or physically handicapped and who are likely to be a burden on the State shall no longer be treated as a distinct category of prohibited immigrants;

(c) persons who, from information or advice which in the opinion of the Minister is reliable information or advice, are likely to be undesirable inhabitants of, or visitors to, Mauritius, shall be deemed to be prohibited immigrants;

(d) persons or class of persons whose presence in Mauritius, from information or advice which in the opinion of the Minister is reliable information or advice, is likely to be prejudicial to the interests of defence, public safety, public order, public morality or public health, shall be deemed to be prohibited immigrants ».

Ces dispositions figurent dans l’amendement apporté à l’article 8 sous-section (1) de l’Immigration Act.

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