Judicial Review : Un moyen pour contester les excès de l’administration

La demande d’application pour une “Judicial Review” en Cour suprême s’est enchaînée récemment avec la riposte des avocats mentionnés dans le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen. Mes Raouf Gulbul, Rex Stephen, Roubina Jadoo-Jaunbocus et Sanjeev Teeluckdharry ont tous utilisé ce moyen juridictionnel pour contester des extraits du rapport et les conclusions les concernant, souhaitant que la Cour suprême revoie ces conclusions à leur égard. Cette semaine, la demande de révision judiciaire de l’ex-ministre et avocate Roubina Jadoo-Jaunbocus ainsi que celle de l’avocat Rex Stephen ont été avalisées par la Cour suprême. Ci-dessous, nous revenons sur ce que représente ce recours juridictionnel, les procédures qui sont adoptées, sa pertinence et les pouvoirs investis à la Cour suprême pour que cette action soit viable.

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Le droit mauricien est connu pour sa loi hybride comprenant le droit français et le droit anglais. Maurice a toutefois hérité du Royaume-Uni les principes et les modalités d’application pour une révision juridictionnelle. Ainsi, une révision judiciaire est la procédure selon laquelle la High Court, au Royaume-Uni, et la Cour Suprême, à Maurice, exercent leurs pouvoirs sur une décision d’un organe public. Le demandeur veut que la Cour suprême se penche sur la légalité des actes et des décisions d’une cour inférieure, d’un tribunal ou toute autre institution publique.

La demande de révision judiciaire, dans le droit anglais, a été créée en 1977. L’on parle ainsi d’un recours pour contester les excès de pouvoir de l’administration. Ce recours visait à réunir au sein d’une même voie trois actions, les “prerogative writs of certiorari”,“prohibition“ et “mandamus”. La première permet d’annuler un acte administratif, la seconde consiste en une interdiction d’agir prononcée par le juge, alors que la dernière consiste en un ordre de la Cour suprême obligeant l’organe public d’agir ou de se restreindre d’agir. Une demande de révision judiciaire ne peut qu’être logée en Cour suprême. La procédure pour s’engager dans une demande pour une révision judiciaire se formule en deux parties. Le demandeur doit d’abord obtenir la permission (“leave”) de la cour pour aller de l’avant avec son “application” pour une révision judiciaire. Cette demande est faite par le biais d’un affidavit logé en cour dans un délai de trois mois après la décision contestée, dans laquelle le demandeur met en exergue les “facts of the case” et les raisons pour lesquelles sa demande doit être agréée.

La Cour suprême est capable d’étendre le délai imparti pour loger la demande uniquement si le demandeur a présenté « de bonnes raisons » pour que la cour le fasse. Cette dernière devra aussi veiller à ce que cette extension de temps ne porte pas préjudice à toutes les parties concernées. La première étape est déterminante car elle permet à la Cour suprême d’éliminer toutes demandes inutiles, n’ayant aucun intérêt légal. Avant qu’une demande ne soit agréée, la Cour suprême doit être convaincue que l’institution dont les décisions sont remises en cause est un organe public et que le droit en question révèle du droit public. Par exemple, le droit privé, tel que le droit des employés vis-à-vis de leur employeur, ne peut être soutenu dans une révision judiciaire.

Une fois que la demande est avalisée par la Cour suprême, le demandeur a un délai de 14 jours pour loger sa motion en cour et servir une notice à toutes les parties concernées. La cour procédera par la suite à la prise sur le fond de la révision judiciaire. La Cour suprême jugera ainsi s’il y a eu excès de pouvoir de la part de l’organe public et si elle est habilitée à entreprendre de telles décisions. Une révision judiciaire n’est pas un appel contre une décision, mais comme son nom l’indique, une révision de la manière dont une décision a été prise.

De Jaunboccus à Nobin

Le recours à la révision judiciaire est pratique courante à Maurice, comme on a d’ailleurs pu le constater ces derniers temps. Il y a en effet eu, après les conclusions du rapport sur la commission d’enquête, une flopée de demandes de révision judiciaire de la part des avocats dont les noms ont été cités dans ledit rapport. Il y a ainsi eu la demande de révision judiciaire de l’ex-ministre de l’Égalité des genres et députée du MSM Roubina Jaddoo-Jaunbocus, qui conteste les conclusions faites principalement aux pages 228 et 229 du rapport. Me Rex Stephen a lui aussi utilisé ce moyen juridictionnel, indiquant que dans le rapport de la commission, des « allégations » et des « critiques infondées» ont été formulées contre sa personne « dans le but de nuire à sa réputation et à sa carrière d’avocat ». Les deux avocats ont reçu la permission de la Cour suprême d’aller de l’avant.

Il y a aussi eu le cas de Raouf Gulbul, qui demande une révision des conclusions du rapport, notamment sur des propriétés détenues avec sa femme, la juge Rehana Gulbul-Mungly, le financement de sa campagne par des trafiquants de drogue ou encore du fait qu’il aurait reçu un « sac plein d’argent » d’un trafiquant. L’avocat Sanjeev Teeluckdharry a également entamé un bras de fer avec le Bar Council, réclamant une révision judiciaire de la décision de l’institution de le convoquer pour qu’il explique pourquoi il ne devrait pas être suspendu pour avoir violé le code d’éthique des avocats.

Le Parti travailliste avait aussi logé une demande de révision judiciaire en 2016, contestant la décision de la mairie de Vacoas-Phoenix d’autoriser le MSM à tenir son meeting du 1er mai sur la Place Bazar, à Vacoas, ayant en effet formulé sa demande un mois avant le parti orange. La Cour n’avait pas accédé à la requête du PTr. Idem enfin pour le commissaire de police, Mario Nobin, qui avait logé une demande de révision judiciaire en février 2017, contestant cette fois la décision du DPP de ne pas entamer de poursuites au pénal contre des VVIP dans l’affaire Betamax, notamment l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, l’ex-VPM Anil Bachoo, et le CEO de Betamax, Veekram Bhunjun. La cour avait rejeté sa demande, avançant notamment que sa démarche ressemblait plus à un « appel déguisé » qu’à une révision judiciaire.

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