LE RAPPORT DE LA SADC : Délai trop court pour les préparatifs préélectoraux

Dr Sibusiso Moyo : “This may negatively impact the
level of preparedness of all stakeholders”
Mais dans l’ensemble, les observateurs étrangers
dressent un constat positif de la tenue des élections.

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Les rapports préliminaires de la SADC Electoral Observation Commission (SEOM), de l’African Union Electoral Observation Mission (AUEOM), du SADC Electoral Commissions Forum et de La Francophonie Election Observation sur le déroulé d’avant et pendant les élections sont tombés hier matin. Un bilan positif dans l’ensemble, hormis quelques points négatifs relevés pour Maurice, notamment au niveau du court laps de temps pour les préparatifs préélectoraux, de la représentativité féminine, du “floor crossing” des membres du Parlement, et du financement des partis politiques.

“Les élections ont été tenues de manière professionnelle, dans une atmosphère calme et paisible. Des élections free and fair.” C’est ce qui ressort des quatre rapports publiés hier matin lors d’une conférence de presse par les différentes délégations d’observateurs électoraux dépêchés dans l’île pour la tenue des élections du 7 novembre. La SEOM, qui a déployé un personnel de 45 personnes dans 20 des 21 circonscriptions de l’île et qui ont sillonné 124 centres de vote le jour des élections, souligne les points positifs ainsi que les lacunes de la tenue des élections. “Nous avons observé que les activités politiques, les rallyes politiques, les meetings publics et autres se sont tenus dans une atmosphère paisible”, a déclaré le Lt. Gen. (retired) Dr Sibusiso Moyo, ministre des Affaires étrangères de la République de Zimbabwe et Head de la SADC Electoral Observation Mission to Mauritius.

Il a aussi salué la gestion du processus électoral et souligne “la confiance entre l’Electoral Supervisory Commission (ESC) et les différents stakeholders dans l’organisation et la tenue d’élections.” Ce dernier s’est, en outre, dit satisfait de l’exercice d’enregistrement des votants, dont le nombre a augmenté par 80%, passant de 936 975 à 941 719 en 2019. Il soutient néanmoins que l’ESC ainsi que la commission électorale fassent plus d’efforts pour éduquer la population sur le besoin de s’enregistrer et de vérifier si les noms des électeurs ont été enregistrés sur le registre pour éviter tout incident. Le Dr Sibusiso Moyo a également relevé l’utilisation de boîtes de scrutin transparentes, et l’utilisation optimale des nouvelles technologies pour la collecte, la gestion et la dissémination d’informations électorales. Des mesures essentielles pour la tenue d’élections dans la transparence.

Par ailleurs, le représentant de la SADC constate que malgré le court laps de temps pour préparer les élections et le nombre record des 817 candidats, “tous les bulletins de vote ont été imprimés, vérifiés et livrés à temps.” Le fort taux de participation des jeunes, soit 45,45% représentant les 18 à 40 ans, a aussi été mis en exergue. Pour ce qui est du jour du scrutin, la SADC souligne que “tous les centres de vote ont ouvert à l’heure et toutes les procédures ont été respectées. Aussi, aucun incident majeur n’a été rapporté. Des 124 centres de vote, aucun instrument de campagne n’a été utilisé à 200 mètres du lieudit, à l’exception d’un seul centre où la police est vite intervenue.” Les salles spécialement aménagées pour les personnes âgées et handicapées constituent aussi un point fort pour Maurice.
Best Loser System

Quant aux lacunes du système électoral du pays, la SADC soutient que même si des efforts ont été faits au niveau de la déclaration ethnique des candidats, avec notamment le Best Loser System pour éviter qu’un groupe ethnique soit sous-représenté, ce problème doit être résolu dans la discussion entre les différents stakeholders du pays. Par ailleurs, la SADC déplore le système de délimitation des circonscriptions. Selon la mission, les circonscriptions doivent toutes contenir la même moyenne de votants, qui est à ce jour 44 843. “Il y a 21 943 votants au numéro 3, tandis qu’au 14 il y a 63 500 votants, soit une différence de 300 %.”

En outre, la mission de la SADC dénote le fait que le président de la République puisse dissoudre le parlement à n’importe quel moment, sous l’avis du Premier ministre, ce qui peut créer de “uncertainty in the life-cycle of this important institution of the country’s democracy. In addition, this may negatively impact the level of preparedness of all stakeholders for the élections.” Elle recommande ainsi de “reviewing the circumstances under which Parliament can be dissolved to enhance certainty.” Et déplore aussi le “floor crossing” des membres du Parlement (transfuges).
Pour ce qui est de la représentation de la femme au Parlement, la SADC estime que le “taux est trop faible, d’autant que la femme mauricienne est sur tous les fronts.” De 1976 à 2014, le parlement mauricien n’a élu que 5 femmes sur 62, soit 8% seulement.

Si en 2010 ce taux a augmenté à 16%, en 2014% il a connu une baisse à 14%. Les candidates femmes comptent pour seulement 26% en 2019. Elle soutient néanmoins que les femmes ont été très présentes sur le terrain, avec notamment 70% de femmes occupant le poste de Presiding Officer dans les centres de vote. Pour ce qui est du comptage des bulletins de vote, la mission recommande que la Représentation of the People Act soit amendée afin que le décompte des votes se fasse immédiatement après l’exercice de vote. Bilans favorables pour Maurice

L’African Union Electoral Observation Mission (AUEOM), la SADC Electoral Commissions Forum et la Francophonie Election Observation ont, elles aussi, présenté leurs rapports félicitant l’ESC et le pays pour le bon déroulé des élections générales.

L’AUEOM salue les officiers de l’ordre très présents et discrets dans les centres de vote. La Dr Speciosa Wandira Kazibwe, ex-vice président de la République de l’Ouganda, président de l’African Union Panel of the Wise et Head of African Union Electoral Observation Mission to the Republic of Mauritius, a néanmoins identifié quelques lacunes et demande aux autorités d’agir. “Nous avons constaté que quelques représentants de partis politiques n’ont pas eu le droit de vérifier si les boîtes étaient bien scellées ou pas. Nous demandons aussi à l’État d’amender la loi pour encourager plus de femmes à participer aux élections.” Elle soutient, par ailleurs, qu’il serait plus avantageux de faire le dépouillement des bulletins de vote le jour des élections même, et d’utiliser des stylos à encre indélébile.

Pour Glen Mashinini, Head of the Electoral Commissions Forum and SADC Countries Election Observation Mission to the Republic of Mauritius, le challenge de ces élections était que “l’EC n’avait que 30 jours, soit une des plus courtes échéances, pour organiser des élections, que des Returning Officers se sont désistés à la dernière minute et que les collèges n’étaient pas disponibles à cause du clash avec les examens.” Il a aussi fait état de leurs appréhensions et de celles des différents stakeholders quant à l’impartialité de la chaîne nationale durant ces élections.

À cet effet, il recommande la mise en place d’un code d’éthique pour les journalistes. L’Electoral Commissions Forum a aussi salué l’ECM pour l’utilisation des réseaux sociaux afin de toucher un maximum de votants, les facilités mises en place pour permettre aux employés de voter durant leurs heures de travail, ainsi que la disponibilité et la rapidité des statistiques fournies à chaud par les officiers de l’ESC. “Des good pratiques pour la région”, dit-il.

Mohamed Aujjard, ancien ministre de la Justice du Maroc et Head de la Francophonie Election Observation Mission, a vivement salué “la fiabilité, transparence et crédibilité” de ces élections et de l’ESC. Un exemple à suivre dans la région, dit-il. Les observateurs vivement pris à partie par des citoyens

Les chefs de mission des différentes observations électorales ont été pris à partie, hier, lors de la présentation des rapports sur le déroulé des élections. Quelques représentants de la société civile et du parti écosocialiste Rezistans ek Alternativ (ReA), qui se trouvaient dans la salle, ont fait une virulente sortie sur la question de la déclaration ethnique et des candidatures rejetées. Un dérapage gênant, néanmoins très bien géré par les représentants de la SADC qui ont gentiment ramené à l’ordre les protestataires.

Lors du Questions Time, Kashmira Banee, membre de ReA, a vivement commenté le rapport émis par la SADC remettant en question le “free and fairness” de ces élections, étant donné que plusieurs candidatures ont été rejetées, dont celles de ReA. Une question à laquelle les représentants de la SEOM, AUEOM et de la SADC Electoral Commissions Forum ont tenté de répondre calmement, sauf que les esprits se sont vite échauffés du côté des protestataires qui n’ont pas hésité à dire tout haut ce qu’ils pensaient du gouvernement et du verdict de ces observateurs politiques.

Une situation que les observateurs politiques ont tenté de maîtriser dans le calme face à un groupuscule visiblement en colère, parlant de plus en plus fort. “La loi est la loi et que vous ayez décidé de ne pas déclarer votre groupe ethnique est avant tout votre choix personnel. Nous, nous ne faisons que des recommandations selon nos observations, et selon les guidelines de la SADC et de la législation du pays. Nous n’avons pas la prérogative pour juger ou résoudre les problèmes internes du pays.

Et nous ne devons pas, en tant qu’observateurs, arbitrer des débats”, a rétorqué Glen Mashinini. Malgré les nombreuses tentatives de calmer les esprits des protestataires, les représentants de la SADC ont été contraints d’expulser l’un d’eux de la salle, nommément Jeff Lingaya. “En tout cas, vous ne représentez pas l’île Maurice que nous avons pu voir durant ces derniers jours”, a ajouté le Dr Speciosa Wandira Kazibwe, très agacé.

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