Le retour de Vasant Bunwaree au PTr : Ça paraît bien parti pour le «renouveau» politique

Non, on ne peut pas dans son cas parler de retour à «lakaz mama». Parce que Vasant Bunwaree, qui a annoncé son grand retour au PTr cette semaine, n’a pas commencé sa carrière politique au sein de cette formation, mais au MSM en 1986 avant d’adhérer au PTr en 1990. Il a créé son parti le Mouvement Travailliste Militant en novembre 2014, après avoir été évincé de la liste des candidats de l’alliance PTr-MMM après sa gestion de l’affaire MITD et la protection rapprochée d’une de ses activistes habitant Carreau Esnouf. Il s’est ensuite mis au service du PMSD en revendiquant aider Xavier Duval à préparer ses PNQ avant le retour annoncé chez les rouges. C’est dire que c’est plutôt vers lakaz belmer qu’il se dirige.

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Lorsqu’il rentre au pays au début des années 1980, c’est un cardiologue qui se fait très vite une bonne réputation. Il est considéré comme un professionnel venu avec des idées nouvelles acquises sur les bancs de la faculté de médecine de Bordeaux. Il monte un centre médical avec son collègue généraliste Siddick Chady et l’homme d’affaires Donald Ha Yeung, que l’on retrouvera éventuellement dans la fameuse affaire MCB/NPF.

Il est repéré par sir Anerood Jugnauth, qui le désigne candidat à une partielle qui n’aura pas lieu en 1986 en remplacement de Lutchmeeparsadsingh Ramsahok qui, avec Harish Boodhoo, avait démissionné dans le sillage du tourbillon de l’affaire Amsterdam. L’élection n’aura pas lieu, le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, préférant dissoudre l’Assemblée législative. Il est élu à Mahébourg-Plaine Magnien aux élections générales de 1987. Pas tout à fait satisfait d’avoir vu quelqu’un d’autre lui chiper le ministère qu’il convoitait, celui de la Santé, il va se montrer particulièrement critique du service public lors de ses interventions au Parlement.

Lorsque le MSM décide de s’allier avec le MMM de Prem Nababsing en 1990, lui et ses collègues Vishnu Lutchmeenaraidoo et Dinesh Ramjuttun prennent leurs distances et vont flirter avec le PTr. Ses assises étant solides au N°12, il est un des trois rares rescapés — avec Navin Ramgoolam et Arvin Boolell de l’alliance PTr-PMSD — des élections de septembre 1991, l’alliance MSM-MMM raflant 57 sièges. Il sera dans l’opposition jusqu’à 1995, étant un des 60 candidats de l’alliance PTr-MMM élus aux élections générales de cette année-là. Il reste cette fois aussi loin du Conseil des ministres. Mais la chance lui sourira lorsque son collègue Manou Bheenick va être confronté à l’affaire du “trou”, un renvoi de fonds à la Banque de Maurice pour noircir le bilan de son prédécesseur Rama Sithanen. Il sera contraint à la démission.

Marimar pour faire passer  la pilule de la TVA à 10%

C’est Vasant Bunwaree que Navin Ramgoolam choisit pour succéder à Manou Bheenick. Comme ministre des Finances, il est connu surtout pour être le père de la Taxe à valeur ajoutée (TVA) à 10%, qu’il introduit en 1998 pour remplacer la Sales Tax de 5%. La contestation de cette mesure prend une ampleur considérable, imposant au ministre une campagne d’explications. Il va jusqu’à promettre la venue de Talia, l’actrice vedette de la télénovela brésilienne Marimar, extrêmement populaire à l’époque. Elle ne viendra jamais.

Candidat au N°12 en 2000 sous la bannière de l’alliance PTr-PMSD, il est battu par les candidats de l’alliance MSM-MMM, tandis que ses amis Navin Ramgoolam et Arvin Boolell retrouvent, eux, leurs sièges respectifs aux Nos 5 et 11.

En 2003, lorsqu’éclate l’affaire MCB-NPF, la population découvre l’existence d’une étrange ramification, le bénéficiaire de la fraude est identifié comme un Mauricien établi en Grande-Bretagne, Teeren Appasamy, une connaissance initiale de Guy Ollivry et de Donald Ha Yeung, un expert-comptable. C’est lors de la déposition de ce dernier que la connexion Appasamy-Bunwaree, déjà largement relayée dans les médias, sera révélée dans le moindre détail. Financement de projets, contributions politiques et même aide aux investissements au Mozambique, tout est raconté avec minutie et, mieux, les talons de chèques attestant des dires de Donald Ha Yeung sont déposés.

Aux élections de 2005, s’alignant sous la bannière d’une coalition élargie de huit partis, en sus du PTr et du PMSD, connu comme l’Alliance sociale, Vasant Bunwaree retrouve son siège au N°12. Il obtient un maroquin, mais pas celui des Finances. Il est ministre du Travail et des Relations industrielles jusqu’à septembre 2008, avant d’être muté à l’Éducation après le passage calamiteux de Dharam Gokhool à ce poste. C’est lui qui pilote les deux lois sur les relations industrielles.

Rebelote en 2010 avec un retour à l’éducation nationale. S’il commence plutôt bien à ce poste et qu’il ne pouvait, de toute façon, pas faire pire que son prédécesseur, il terminera son mandat dans de grosses controverses en 2014. L’opposition MSM d’alors, qui avait un temps côtoyé le ministre au sein d’un gouvernement PTr-MSM-PMSD, commence, une fois passée à l’opposition, à s’intéresser de plus près aux aspects moins lisses du bon docteur.

Mahen Jhugroo, son colistier, est ainsi en première ligne pour dénoncer la protection dont jouit une activiste de Carreau Esnouf et le premier cercle de cette dernière. Elle est handy worker d’abord au ministère du Travail, mais c’est elle qui organise les activités de “son” ministre au N°12. Lorsque son ministre bouge à l’Éducation, elle le suit et obtient même une promotion. Elle devient Archives Clerk.

« Gouvernement pédophile »

Et lorsque Paul Bérenger pose une Private Notice Question le samedi 17 novembre 2012 sur un cas allégué de pédophilie au sein du Mauritius Institute of Training and Development (MITD) impliquant un instructeur, l’affaire provoque un vif émoi jusque dans les rangs de l’alliance PTR-PMSD. Aussitôt les échanges sur la PNQ terminée, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, convoquera et Vasant Bunwaree et la ministre des Droits de la Femme, Mireille Martin, à son bureau pour des explications. L’affaire prend une tournure encore plus scandaleuse lorsque l’identité de celui qui est accusé est connue.

IL n’est autre que le frère de l’activiste connue du N°12. Pravind Jugnauth s’empare ensuite de l’affaire et, définitivement moins précautionneux que son allié objectif d’alors, Paul Bérenger, il dénonce carrément un « gouvernement pédophile ». Il faut dire que la panique s’était alors emparée du camp gouvernemental qui, dans son souci de défendre ses protégés politiques, procède à une série d’arrestations de personnes qui ont dénoncé l’instructeur, les psychologues Pascale Bodet et Sudha Singh, de même que le syndicaliste Hemant Kumar Madhow qui, lui, avait soutenu ses collègues tout en réclamant la démission du ministre Vasant Bunwaree.

Convoqué aux Casernes centrales fin décembre 2012 et début 2013, après une déposition conjointement de Yatin Varma et Sheila Bappoo quant à ses propos sur le « gouvernement pédophile », Pravind Jugnauth, aidé de son avocat Roshi Bhadain, qui n’est pourtant que le neveu de Vasant Bunwaree, déballe tout, décrit dans le moindre détail les liens entre le ministre de l’Éducation et l’instructeur.

C’est lui qui révèle que l’instructeur et son élève avaient échangé 1 218 appels et 2 282 SMS. Comme mis en appétit, le leader du MSM va même se permettre une extrapolation sur les relations entre Navin Ramgoolam et Nandanee Soornack. La fameuse déposition qui va provoquer le gagging order émis contre Le Mauricien Ltd et La Sentinelle Ltée le samedi 5 janvier 2013.

« Nissa-la monté »

Les choses ne s’arrangent pas pour le protégé de Vasant Bunwaree lorsque des vidéos circulent le montrant en train de se déhancher de manière lascive avec ses élèves lors d’une sortie à la plage au son de « nissa-la monté ». L’opinion est particulièrement remontée non seulement devant les faits mis au jour, mais face à ce qui ressemble à un cover-up. Si les dénonciateurs sont inquiétés, la police, elle, fait semblant d’enquêter et envoie un dossier vide au DPP, un peu comme celui de Showkutally Soodhun dans l’affaire des propos à relent communal qu’il avait prononcés devant les habitants de Bassin.

Le mal étant fait et le ministre Vasant Bunwaree contesté dans sa propre circonscription du N°12, l’alliance PTr-MMM décide, avec le soutien total de Navin Ramgoolam, de l’écarter au début même de la préparation de la liste des candidats. Il n’a alors d’autre choix que de soumettre mi-novembre 2014 sa démission comme ministre et comme membre du PTr. Il crée alors le Mouvement Travailliste Militant et s’associe à son partenaire initial dans Clinicare Ltd, Siddick Chady, pour affronter les élections du 10 décembre 2014. Sauf qu’il ne se présente pas dans son fief à Mahébourg-Plaine Magnien, où sa cote avait dégringolé, mais au N°2 à Port-Louis Sud/Port-Louis Central en compagnie d’un « errand boy » de la politique, Hossen Atchia, qui fut tantôt MMM tantôt MSM, et son fidèle lieutenant Siddick Chady.

Si deux candidats de l’alliance PTr-MMM sont élus, Reza Uteem et Osman Mahomed, et que la néophyte du MSM Roubina Jadoo-Jaunbocus se glisse entre eux, le ministre sortant Bunwaree ne recueille que 978 voix, soit 5,5% des suffrages, Hossen Atchia 5,3% avec 955 voix, et Siddick Chady 1,5% avec 283 voix.

Critique envers le PTr, Vasant Bunwaree se rapproche ensuite du PMSD. Il participe au congrès national des bleus le 13 mai 2017 et se dit même disposé à soutenir Xavier Duval dans son ambition de devenir Premier ministre, comme fortement suggéré par Mahmad Khodabaccus. Un mois plus tard, comme pour confirmer sa proximité avec le parti du coq, il révèle que « nous travaillons sur les PNQ avec le PMSD. » Loin d’être une association ponctuelle et anecdotique, on retrouve de nouveau Vasant Bunwaree et les dirigeants du PMSD lors d’un hommage à Maurice Curé en février de cette année. Il paraissait fixé. On dirait que non. Puisque le bon docteur, qui a fêté ses 71 ans le 7 avril, vient d’annoncer son retour dans le giron rouge.

C’est dire que pour le “renouveau”, c’est bien parti pour les prochaines échéances.

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