Lorsque la politique aveugle revencharde bouleverse la vie d’Isabelle L’Olive-Hofman — Le destin tragique d’une Mauricienne forcée à l’exil

Isabelle L’Olive-Hofman, l’épouse d’un ex-pilote d’Air Mauritius belge, est décédée subitement, mercredi dernier, en Belgique, suite à une violente et inattendue hémorragie cérébrale. Elle laisse derrière elle un mari déboussolé après 15 ans de vie commune et une famille encore sous le choc. «C’est une perte énorme pour moi. Nous avons connu des moments merveilleux. Elle n’a pas souffert, ça a été très vite, selon les médecins, Isabelle s’est toujours battue pour pouvoir continuer. Je vais essayer de puiser de sa pensée pour avoir la force de continuer. Nous avons été inondés de messages d’amour. Mes enfants souffrent, c’est leur maman qui est partie», raconte le père au Mauricien. Cette ancienne hôtesse de l’air, reconvertie en entrepreneure fleuriste à Tamarin, où elle vivait auparavant le parfait amour a dû quitter, meurtrie, en 2019, son pays natal qui ne voulait plus de son mari. Week-End revient sur les péripéties qui ont précédé ce destin tragique consécutif à un exil forcé.

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Aux jours les plus heureux de sa vie, la Mauricienne Isabelle L’Olive attendait impatiemment et régulièrement dans leur belle demeure de la région de Tamarin, le retour au pays de son compagnon, un pilote de ligne belge installé à Maurice au profit de son travail. Celui-ci consistait à faire des aller-retour entre l’île et les divers continents aux commandes, de ce qui faisait encore alors la fierté de notre pays, des avions au doux nom d’Air Mauritius. Mais ce bonheur a basculé lorsqu’un mouvement de protestation légitime a provoqué une réaction hors de proportion des autorités locales jusqu’au plus haut échelon du gouvernement mauricien pour expulser du pays, celui qui entre-temps était devenu son mari, Patrick Hofman, désigné bouc émissaire, et interdit du territoire. Malgré une résistance de battante à cette décision purement politique, IsabelleL’Olive a été forcée à un déchirement profond qui l’a beaucoup affecté, l’exil de son pays natal.

Contrainte, elle est allée vivre en Belgique afin de suivre celui qu’elle aimait. C’est là-bas dans la solitude d’une bourgade de Bruxelles que son destin tragique s’est scellé. Une rupture d’anévrisme violent qui l’a vite rendue inconsciente alors qu’elle était seule chez elle, lundi dernier, quand elle s’est écroulée au sol. Lorsque les secours sont arrivés, elle était déjà en état de mort cérébral, mais pendant de longues heures son coeur a continué de battre. Son mari, qui était en déplacement à cette heure-là, raconte qu’il a voulu joindre Isabelle pour lui dire bonne nuit. Cependant, comme il n’obtenait pas de réponse, ni au téléphone ni par messagerie, il s’en est inquiété et a prévenu les voisins. «Elle était seule. Elle est restée plusieurs heures avant d’être transportée à l’hôpital, mais son coeur battait toujours. Les médecins restent perplexes pour savoir comment elle a pu tenir toutes ces heures, car dans son cas la mort aurait dû être instantanée». Elle est restée deux jours sous respiration artificielle et s’est éteinte le mercredi 17 mars, soit 15 ans après les premiers émois avec son mari, le jour de la Saint-Patrick. Cela ne s’oublie pas.

C’est sa volonté de vivre qui lui a permis de concrétiser ce qui fut un choix longtemps déclaré de donner ses organes pour faire vivre d’autres. D’ailleurs, Isabelle aura transmis des signes perceptibles pour montrer son amour jusqu’à son dernier soupir. Elle s’est battue jusqu’à sa dernière pulsation pour l’amour. Celui de son mari qu’elle a suivi contre vents et marées. Celui de quatre autres personnes, des inconnus, à qui elle a donné l’espoir de vivre plus longtemps encore grâce au don de soi-même. Celui de son pays pour lequel elle s’est battue en vain pour continuer à y vivre librement avec l’homme qu’elle aimé jusqu’à son dernier souffle. Ceux qui l’auront privé de ce droit se doivent aujourd’hui de se regarder dans un miroir et pleurer pour peu qu’ils aient un peu de dignité !

Sa vie bascule

La vie d’IsabelleL’Olive bascule en 2017. A cette époque, la direction d’Air Mauritius et l’association des pilotes de MK n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente sur des revendications sur leurs conditions de travail qui durent trop longtemps sans solution. Ainsi, le jeudi 5 octobre 2017, l’annulation de quatre vols après que onze pilotes avaient déclaré, certificat médical à l’appui, qu’ils étaient malades avait eu l’effet d’une onde de choc dans le pays. Cette maladie collective qui ressemblait fort à un signal de mécontentement avait grandement perturbé le transport aérien à Maurice, et provoqué une vive colère de la part des voyageurs victimes et des autorités.

Patrick Hofman, président de l’Airline Employees Association, fait alors immédiatement l’objet d’un ordre de déportation en tant qu’étranger, mais obtient en Cour suprême une levée de la décision du Prime Minister’s Office qui avait retiré son permis de résidence. Ce Permanent Residence Permit avait été émis officiellement le 28 avril 2016 pour une période de dix ans sous la section 5 A de l’Immigration Act, puisqu’il avait en tant que Flight Captain avec Air Mauritius un contrat de travail depuis 2003. C’est sans surprise qu’on a appris qu’il avait au même moment été limogé par Air Mauritius sans que les procédures habituelles aient été suivies.

Le capitaine Hofman saisit alors la cour et attire l’attention du juge sur le fait que Maurice est devenue sa nouvelle patrie et qu’il est «no longer a resident of Belgium». Malgré des démarches légales et des excuses envers le PM pour l’avoir traité de «fou» lors d’une réunion privée, le pilote belge se voit contraint d’aller chercher du travail à l’étranger. Entre-temps, il obtient son divorce d’un premier mariage en octobre 2018 après treize ans de procédure en cour à Maurice.

Enfin mariés

Aussi, le 26 décembre 2018, au bout de douze ans et dix mois de vie commune, le couple Patrick/Isabelle décide de faire sa demande de mariage à l’état civil mauricien qui la refuse sur objection de la Home Affairs Division du PMO qui y voit une tentative d’obtenir la nationalité mauricienne à travers un mariage. Le PMO est alors accusé «de manœuvres dilatoires».

Sous la pression médiatique, le 26 avril 2019, le PMO accepte finalement la demande de mariage civil qui est alors fixé au 2 mai 2019. Une semaine plus tard, le PIO émet un ordre de «prohibited immigrant» à Maurice sous l’article 8 (1) (m) de l’Immigration Act au Belge. Patrick Hofman est informé que c’est suite aux «reliable information and advice» obtenus du PMO, au sujet de son implication dans l’affaire du 5 octobre 2017, «qu’il il est et restera probablement un habitant potentiellement indésirable pour Maurice».

Alan Ganoo, à l’époque dans l’opposition, n’était pas tendre avec le gouvernement de Pravind Jugnauth concernant cette affaire. «C’est une tactique oppressive qui ne permettra pas au pilote d’obtenir le statut de résident à Maurice». Pour Navin Ramgoolam, cette démarche est celle d’un «complot» contre «Patrick Hofman qui n’est ni un terroriste ni un trafiquant de drogue!»

Après plusieurs mois de combat, le pilote belge Patrick Hofman et IsabelleL’Olive se sont finalement unis le 3 mai à l’état civil, mais leur combat pour faire respecter ses droits et ceux de son épouse est plus vivace encore et durera jusqu’à son départ pour la Belgique.

De l’ombre à la lumière

IsabelleL’Olive qui a été pendant dix ans hôtesse de l’air chez Air Mauritius et s’est reconvertie en tant que fleuriste professionnelle, sort de son anonymat. Sa position de compagne du pilote belge victime d’une vendetta choquante l’oblige à monter au créneau. Dans un entretien au Mauricien à l’époque, elle dit ne pas comprendre ce «déferlement de haine» et insiste sur le fait «qu’elle a le droit de vivre dans son pays». «La décision d’interdire mon époux au pays est en quelque sorte me forcer à l’exil, alors que j’ai les mêmes droits que n’importe quelle autre Mauricienne», ajoute-t-elle.

Originaire de Roches-Brunes, Isabelle L’Olive-Hofman a rencontré le pilote belge alors quelle travaillait comme hôtesse de l’air au sein de la compagnie aérienne nationale. Il était en instance de divorce et avait obtenu la garde exclusive de ses trois enfants. «Ensemble, nous avons élevé les trois enfants. Les procédures de divorce étant compliquées, elles ont duré plusieurs années et, malgré nous, il fallait attendre», fait-elle ressortir. Patrick Hofman a en effet eu trois enfants de sa première union qui vivent avec eux à Maurice.

Isabelle L’Olive-Hofman explique alors comment, en octobre 2017, elle prend connaissance de ce qui est reproché à son compagnon, avec qui elle vit sous le même toit depuis treize ans à Tamarin. «C’était éprouvant d’apprendre tout ce qu’on reprochait à Patrick. Il a dû quitter la maison et se cacher pendant trois jours, car les policiers le recherchaient. Je ne souhaite à aucune femme de vivre ces moments pénibles», dit-elle.

Le pilote quitte son épouse quelques jours après le mariage pour reprendre son job. Elle crie à l’injustice: «Après avoir vécu pendant treize ans en concubinage, aujourd’hui que j’ai les droits légaux de vivre avec mon époux, le Premier ministre a décidé qu’il est une personne indésirable sur le territoire mauricien. Comment honorer les dispositions légales du mariage civil, alors que le gouvernement même l’empêche de vivre sous le même toit que son épouse?» Elle évoque une «persécution» et la «mauvaise foi» du gouvernement. Elle estime que la réaction du Premier ministre est «démesurée», ajoutant que «tout personnage politique dans tous les pays du monde ne fait pas l’unanimité» du peuple.

«Il y a pire que d’être traité de fou. Toute cette histoire est hallucinante, et je me demande si c’est là un problème personnel. Pourquoi s’acharner sur une seule personne, à qui l’on reproche aussi la situation d’Air Mauritius. Patrick ne peut être tenu pour responsable d’une mauvaise gestion de la direction», avait insisté l’épouse qui défendait son mari, le commandant de bord.

L’injustice du PM

Visiblement remplie d’amertume face au traitement «injuste» qui lui est infligé, Isabelle L’Olive-Hofman trouve difficile d’accepter que «deux personnes qui se marient par amour ne peuvent vivre ensemble», et ce «alors que le pays ouvre la porte à toutes sortes de personnes qui veulent investir et acheter des terres à Maurice» à travers les IRS et RES. Isabelle L’Olive-Hofman maintenait quelle est Mauricienne et qu’à ce titre, elle a des droits. «J’ai une mère âgée et toute ma famille ici. On est impliqué dans la communauté, comme tout autre Mauricien. Patrick a fait des concerts pour lever des fonds pour les enfants malades. Il avait mis la main à la pâte pour venir en aide aux personnes durant le problème du Canal-Dayot. La vraie vie mauricienne, c’est ce qu’on vit au quotidien. C’est révoltant que le gouvernement impose une décision à une femme, une épouse mauricienne, qui a ses droits et ses aspirations. On me force à l’exil alors que c’est mon pays et que j’ai le droit d’y vivre. J’ai mon travail, ma famille et mes animaux ici. Comment tout laisser du jour au lendemain?», s’insurge l’épouse du pilote.

Après cinq mois, Isabelle L’Olive-Hofman a été contrainte de s’installer définitivement en Belgique pour vivre avec son époux. Pour le couple, «c’est une décision forcée, mais cela ne s’arrête pas là. Nous allons continuer notre combat pour nos droits que nous estimons lésés. C’est un départ forcé. C’est en quelque sorte forcer une Mauricienne qui a tous ses droits à l’exil. C’est une punition violente pour une Mauricienne de ne plus avoir le choix et de devoir quitter sa famille afin de vivre aux côtés de son époux légal. C’est un choix imposé par le Premier ministre, c’est de la dictature. C’est un Mauricien qui fait du mal à un Mauricien», soulignaient les proches d’Isabelle L’Olive-Hofman.

Elle ne reverra jamais Maurice

Cette avec un pincement au coeur qu’Isabelle a quitté son pays en octobre 2019 qu’elle ne reverra malheureusement jamais, puisque son destin l’a ainsi décidé. «Nous savons qu’elle aura au moins sauvé quatre personnes et elle va reconstruire la vie de plusieurs. Elle est partie en redonnant le sourire à des gens. Son coeur reste à Bruxelles. Une partie d’elle est partie en Hollande, le pays des tulipes qu’elle adorait. Elle s’est battue pour ça», explique son inconsolable mari Patrick Hofman. Mais rien ne dit que les parts d’elle qu’elle a donnée ne reviendront pas un jour sur le territoire par ces personnes interposées auxquelles elle a fait le don de ses organes, un geste qui traduit sa grande générosité.

Un terme que tout responsable public devrait intégrer dans son vocabulaire, mais surtout dans son action qui lorsqu’elle découle d’un orgueil mal placé ne peut être que la décision d’un tout petit.

Adieu Isabelle et bon courage à Patrick et ses enfants!

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