Drogue : étude conjointe de CUT et la LSHTM auprès des jeunes de 16 à 24 ans

Le Collectif Urgence Toxida (CUT), bénéficiant de la collaboration de la London School of Hygiene and Tropical Medecine (LSHTM), a mené une étude conjointe auprès de jeunes mauriciens âgés entre 16 et 24 ans qui sont des Usagers de Drogues Injectables (UDI). Certes, reconnaît Danny Philippe, de CUT, « l’attention est surtout braquée sur les drogues de synthèse, d’autant que des responsables des collèges, et non des moindres, sont montés au créneau pour dénoncer ce grave problème. Il perdure néanmoins que le nombre de jeunes IDU est également toujours aussi présent dans notre société et est même grandissant ». L’étude menée avec la LSHTM « n’est pas une finalité, mais plutôt une image de la réalité actuelle ». Elle a été menée par le professeur Tim Rhodes de la LSHTM, avec le soutien de Fanny Procureur, chargée de recherche (LSHTM) et Adarshini Ghurbhurrun, consultante locale (CUT). Le financement du projet a été assuré par ViiV Healthcare. Une session de debriefing a eu lieu au Clos Saint Louis, au Domaine Les Pailles, en présence de plusieurs acteurs de la société civile, des Ongs et des représentants de diverses agences gouvernementales locales.

- Publicité -

Outre Maurice, ce projet sera également mené au Kenya sur les mêmes bases. « Son objectif principal, indique CUT, est d’utiliser des méthodes de recherche qualitatives pour explorer la manière dont les expériences vécues par les jeunes en matière de consommation de drogues injectables façonnent leur santé et leur accès aux soins, en particulier en ce qui concerne la prévention/le traitement du VIH, et pour développer une approche participative impliquant les jeunes eux-mêmes dans la recherche et le développement; processus de développement des interventions pilotes.» L’idée étant, de fait, d’établir une base de données identifiant et expliquant les comportements et habitudes des jeunes UDI, leur environnement, leurs moyens financiers… Afin, dans un autre temps, de pouvoir élaborer des pistes de réponses à ces situations.

Cris du cœur

Reynold, Ted et Warren sont trois jeunes avec pour dénominateur commun : la drogue. Ces trois jeunes toxicomanes ont en moyenne une vingtaine d’années. Le premier dit avoir « arrêté de me shooter, mais je fume encore, de temps à autre. J’essaie sérieusement de surmonter cette habitude et de tout changer, pour vivre une vie sans substances ». Ted et Warren sont deux jeunes de la banlieue de Rose-Hill. Le premier nommé compte un parcours de toxicomane injecteur de drogues de plusieurs années et a suivi le traitement à base de méthadone. Quant à Warren, il est toujours accro et cherche désespérément à bénéficier du traitement de substitution à la méthadone, car il souhaite s’en sortir. Ces trois jeunes ont participé à l’étude menée conjointement par CUT et la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM), à la fois comme sujets et « ressource persons ».

Pairs éducateurs, ils sont « mieux équipés pour approcher et mettre en confiance les jeunes toxicomanes, indique Danny Philippe, de CUT, car les jeunes s’identifient à eux. Ils parlent le même langage et comprennent mieux que quiconque les réalités du terrain ».

Warren : « À force d’attendre la méthadone, j’ai rechuté…»

Jeune habitant la banlieue de Rose-Hill, Warren est en colère. Raison : « depuis une année on me mène en bateau ! Je veux arrêter de prendre les drogues. Je veux intégrer le traitement de substitution par la méthadone. Mais en vain… À chaque fois, on me dit d’attendre ! Cela fait un an qu’on me tourne en bourrique ! De fait, puisque je ne peux me passer de drogues, j’ai rechuté…» Le jeune homme donne des détails : « on » serait un préposé des services de santé, officiant dans une des caravanes dispensant la méthadone aux patients enregistrés. Warren s’est adressé à « la même personne en trois occasions différentes. À chaque fois, il m’a dit de patienter, qu’il y a des procédures à faire, un enregistrement de mes coordonnées, des tests médicaux à passer… Be mo pa kapav atann eternelman ! C’est maintenant que je veux sortir de l’enfer des drogues. Pas dans deux semaines, ou un mois ! Pour un toxicomane, une semaine, ça va. Mais plus que ça, c’est infernal ! Un an, c’est toute une vie pour moi…» Amer, Warren fustige les autorités : « zot pa konpran mwa. Mo oule sorti, zot pa pe donn moi mo sans…»

« Zenes droge akoz pena distraksion ! »

Tous trois sont unanimes : « Bann zenn, ki zot kouma nou pena bel moyen, ou mem bann seki zot paran eze, tom dan ladrog akoz zot na pena distraksion dan Moris ! » Pour nos jeunes interloctueurs, « le manque d’informations, d’une part, et de distractions, font que nombre de jeunes se tournent vers la drogue. Il n’y a pas beaucoup d’alternatives… Ceux qui sont un peu mieux lotis financièrement, ont des jeux, par exemple. Mais ça ne leur procure pas les plaisirs qu’ils recherchent…» Quant à ceux qui « comme nous, sont au bas de l’échelle, c’est encore pire…», martèlent les trois jeunes.

Le phénomène des drogues synthétiques, ajoutent nos interlocuteurs, s’explique du fait que « une « dose » se vend à un prix quasiment dérisoire… Nek fer enn koste ase pou aste ! » Le « manque d’informations » dénoncé par ces trois jeunes réside dans le fait que « un jeune, on le sait, est perpétuellement en quête de sensations, de « vibrations ». Dès qu’il a un peu de temps libre, il se demande ce qu’il va faire… Il sait déjà que la drogue n’est pas bonne pour lui, mais il ne sait pas pourquoi ni comment. Se cantonner à dire aux jeunes de dire « non » aux drogues n’est pas tout. Ce n’est pas du tout suffisant. Il faut leur expliquer pourquoi dire non. Pourquoi le Brown Sugar, le Subutex ou les autres produits qu’on trouve en ce moment va les rendre malades, sinon esclaves toute leur vie. Il faut leur expliquer quelles seront les répercussions sur leurs corps, leur cerveaux…»

Ces trois jeunes déplorent également le fait que « même si les autorités continuent à organiser des camps de vacances, des sorties à la montagne, des randonnées, hélas !, ils ne nous ciblent pas, nous, jeunes des bas quartiers, qui sommes vraiment au bas de l’échelle.» Reynold, Warren et Ted retiennent que « il n’y a pas si longtemps, les bus qui venaient prendre les jeunes pour les sorties ou les programmes de Spécial Vacances, attiraient un grand nombre d’entre nous ! Kan ena sa kalite distraksion la, pa gayn lanvi ale kas yen, ale kot marsan, ale rode Brown sipaki… Quand on a de telles alternatives, cela nous encourage à mener une vie saine, sans drogues ».

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -