Mauriciens coincés à l’étranger — Pas de rapatriement, plus d’économies, que faire ?

Un peu plus de deux semaines depuis que Ridge Bhugeloo vit seul dans un petit logement à Bali et que le couple Gangoosing est coincé en Inde. Ayant puisé dans toutes leurs économies, et las d’écrire vainement aux autorités, ces derniers leur lancent un dernier SOS : si l’on ne peut pas les rapatrier, qu’on les soutienne financièrement. Un minimum pour survivre Ils se confient à Week-End.

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Ridge Bhugeloo essaie de garder le sourire malgré le cauchemar qu’il a vécu ces deux dernières semaines. « Je peux dire que pour le moment je vais mieux. J’arrive à souffler un peu, mais pendant combien de temps encore ? », se demande le jeune homme. Producteur de profession, Ridge Bhugeloo s’est rendu en Thaïlande en février. Une réunion d’affaires qui s’est finalement transformée en vacances. « Je me suis dit : puisque j’y suis, pourquoi pas prendre quelques semaines de vacances ? », raconte-t-il.

Loin de se douter que les choses aller aussi vite dégénérer — la situation en Asie étant plus ou moins sous contrôle —, il décide de faire un saut en Bali. « Il était prévu que je rentre à Maurice le 21 mars. » Sauf qu’il apprend le 18 mars, à son grand dam, que les frontières sont déjà fermées. « Ça ne coûte pas grand-chose, il aurait suffi d’un simple appel à mon agence et de quelques roupies de plus pour changer la date de mon vol, mais malheureusement je n’ai pas eu le temps de faire tout cela », relate-t-il. « L’île Maurice est le seul pays à avoir fermé ses frontières aussi vite, et je me suis retrouvé seul, car tous mes amis se sont fait rapatrier. »

Commence alors un véritable cauchemar en vacances.

Aucune réponse des autorités mauriciennes

« J’ai écrit maintes fois aux autorités et j’ai envoyé de longs courriels, avec tous les détails, à l’ambassade de Maurice : je n’ai jamais reçu de réponse ! » soutient-il. Prévenu par son frère à Maurice qu’il devait remplir un formulaire, Ridge s’exécute dans l’espoir d’être entendu. Rien n’y fait. « Je finis par recevoir sur WhatsApp un message du haut-commissaire de la Malaisie le 20 mars, qui me demande encore une fois tous les détails déjà communiqués aux autorités. »

Accident de moto et cambriolage

Ridge Bhugeloo essaie par tous les moyens d’obtenir des réponses du haut-commissaire, en vain. Il est alors prévenu le soir même s’il pouvait prendre tout de suite un vol commercial et non de rapatriement pour Dubaï, « avec cependant aucune confirmation que je pourrais, de là-bas, rentrer à Maurice. Etant loin de l’aéroport, je tombe d’accord pour prendre le prochain vol ».

Il achète un billet à près de Rs 45 000 pour Dubaï et débarque à l’aéroport de Singapour pour prendre l’avion à 9 heures pile pour son vol prévu à 10 heures le 22 mars. « J’arrive à l’aéroport et tout de suite mon agence de voyages m’appelle pour me dire que tous les vols ont été annulés ! Choqué, je reste dans l’aéroport et j’attends. Il a fallu que j’écrive au haut-commissaire pour qu’il me dise qu’effectivement le vol avait été annulé. Si je n’étais pas passé par mon agence et si j’avais acheté un billet sur un site internet, j’aurai perdu tout mon argent. Et d’ailleurs beaucoup de Mauriciens sont tombés dans le piège et sont restés coincés à Singapour », dit-il.

« Par ailleurs, pourquoi m’a-t-on demandé d’aller à Dubaï, mais pas en Australie où il y avait encore des vols ? Evidemment, aller en Australie m’aurait coûté moins cher », fait-il remarquer. Coincé à Bali, Ridge se met à la recherche d’un logement pas cher, alors que tous les hôtels ont déjà fermé leurs portes. Il parvient à dégoter un petit appartement où il essaie de survivre, loin de ses proches. « Il y a une semaine, j’ai fait un accident de moto, et n’ayant plus d’assurance, j’ai dû me soigner à la maison », dit-il.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, il se fait cambrioler durant la même semaine. « On m’a volé mon ordinateur portable et je n’ai que mon téléphone pour communiquer et travailler. » Contraint de changer de logement, Ridge continue d’écrire dans l’espoir que son gouvernement lui réponde. « Je tends la main, et je dépends d’étrangers pour survivre. J’ai puisé dans toutes mes économies et j’ai de quoi tenir jusqu’à la fin du mois, et c’est tout », dit-il.

« La moindre des choses aurait été d’avoir un minimum de support moral de mon ambassade ou même un logement. Ils ne se rendent pas compte du calvaire des Mauriciens à l’étranger. Ils auraient pu, au moins, prévoir un plan de financement pour nous dépanner. Un stipend ou un per diem pour qu’on puisse survivre », lâche-t-il.

Un cri du coeur des Mauriciens

Notre second témoignage nous vient de Bombay. Rajen Gangoosing et son épouse sont, eux, coincés en Inde. Grâce à l’aide de bons samaritains, le couple a un toit sur la tête et de quoi se nourrir pour quelque temps. Toutefois, eux aussi ne savent pas pour combien de temps encore ils vont tenir et abondent dans le même sens que Ridge Bhugeloo. Si l’on ne peut pas les rapatrier, qu’on envisage alors d’aider financièrement les Mauriciens coincés à l’étranger.

« Nous avons la chance d’avoir un endroit pour le moment, mais que font ceux qui ont nulle part où aller ? Que font ceux qui sont venus se faire soigner ? Comment vont-ils faire pour survivre ? » se demande Rajen Gangoosing. En Inde depuis le 5 mars pour rencontrer des vieux amis d’universités, le couple Gangoosing pensait rentrer au pays le 5 avril. « Nous avons appris que les frontières étaient déjà fermées et il était trop tard pour prendre un billet, nous sommes donc rentrés à l’hôtel, qui nous annonce le 25 mars que nous devons plier bagage ! Un coup de massue pour mon épouse et moi qui avons tout de suite commencé à paniquer », confie-t-il. Heureusement, avec l’aide de plusieurs amis, l’hôtel finit par accepter de les héberger le temps que la tempête passe.

Sauf que, « justement, nous ne savons pas quand tout cela prendra fin et nos économies s’amenuisent, ce qui nous met mon épouse et moi dans une situation délicate », explique le président de Link to life et de l’English Speaking Union. « Nous lançons donc un appel aux autorités, qu’elles entendent le cri du coeur de tous ces Mauriciens confinés à l’étranger et qui n’ont pas les moyens pour survivre. On ne demande pas monts et merveilles », conclut-il.

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