MK en crise : Des employés lancent leur business

Des employés de MK n’ont pas attendu le feu vert des administrateurs pour investir dans un projet économique afin de compenser leur revenu amputé depuis les déboires de la compagnie. Location immobilière, hydroponie et restauration, sont les secteurs d’activités en appoint vers lesquels se sont tournés des employés de MK, y compris des pilotes pour assurer leur avenir, incertain dans des cas. 

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« Je n’ai pas attendu que les administrateurs publient un communiqué sur lequel il est stipulé que les employés de MK qui opteront pour le ‘leave without pay’ peuvent s’engager dans une activité lucrative pendant leur congé sans solde », confie un employé de la compagnie d’aviation nationale. Après plus de quinze ans de service, il a gardé son poste, mais opté pour le travail partiel. Il ne dira ni son nom et encore moins le poste qu’il occupe. « On me reconnaîtra… » dit-il. S’exprimer ouvertement en tant qu’employé de MK, confier son désarroi, parler de son travail d’appoint, même si cela a été agréé par les administrateurs, serait, selon des employés de la compagnie, un risque qui pourrait plus tard leur coûter cher. Des employés d’Air Mauritius ont rapidement saisi l’opportunité de se tourner vers « otherwise gainful activities”.  Toutefois, en cette période de crise économique, les perspectives sont limitées. Plusieurs ont tenté leur chance en se lançant dans la restauration, l’hydroponie ou la location d’immobilier. Notre interlocuteur, la quarantaine, est un père de famille dont le poste qu’il occupe lui procurait avant l’avènement de la Covid-19 et des malheurs d’Air Mauritius, un salaire qui lui assurait ainsi que les siens une vie confortable. Avec son salaire et celui de son épouse, cadre, il pouvait aisément rembourser les emprunts contractés pour l’achat d’une nouvelle voiture et la construction de la maison où grandissent ses enfants. Et une fois les factures payées, il s’en sortait sans trop se poser de questions sur l’avenir. D’ailleurs, le couple avait même des économies qu’il comptait faire fructifier. « Cela fait quelques années depuis que j’observe la dégradation de MK et la gestion catastrophique qui n’augurait rien de bon. L’année dernière, j’ai commencé à réfléchir sérieusement sur l’incertitude qui guettait les employés. Je me posais des questions sur mon avenir. En discutant avec un ami, qui travaille dans un autre secteur que l’aviation, nous avions décidé de nous lancer dans la restauration », confie notre interlocuteur. Les deux hommes, qui n’ont aucune notion de gestion d’entreprise, se jettent à l’eau, motivés par une conviction: “Le business de l’alimentation ne connaît pas la crise. » 

L’argent de leurs économies pour investir

L’employé d’Air Mauritius explique qu’il a évité de parler de son projet à ses collègues. « Il y en a qui savent. Mais je ne dis rien là-dessus. » Le local trouvé, « bien situé à Port-Louis », le restaurant des deux partenaires prend forme. Ouvert il n’y a pas longtemps, le restaurant, à la grande surprise du quadragénaire, ne se désemplit pas. Pour le guider dans sa nouvelle entreprise, il compte sur l’expérience du chef. Près d’un demi-million de roupies, représentant les économies qu’il a amassées avec son épouse, a été injecté dans son projet. Trouver une source financière en parallèle avec son travail à Air Mauritius, était devenu nécessaire pour lui. Aujourd’hui, avec un salaire amputé de 20%, dit-il, il n’a pas le choix que de prendre d’autres risques. « Je sais que la situation à Air Mauritius n’ira pas en s’améliorant », estime-t-il. A un âge où il ne s’attendait pas à cumuler deux emplois, il se voit contraint de sacrifier le peu de temps libre dont il dispose pour non seulement assurer la bonne marche de son nouveau business, mais encore pour continuer à apprendre à le gérer. Ainsi, après les heures de travail à MK, où il s’y rend encore, il fait une brève… escale chez lui, avant de se rendre à son restaurant. Tous les soirs, il ne rentre pas à son domicile avant 22h. Pour l’instant, concède-t-il, les efforts et les sacrifices n’ont pas encore payé.

Un pilote aux commandes d’un restaurant

Il y a un mois, lorsqu’il avait retroussé ses manches pour peindre les murs de la nouvelle enseigne qu’il partage avec des membres de sa famille, personne n’aurait pu deviner que ce jeune homme, qu’on aurait pu confondre avec un ouvrier, est en fait un des quelque 50 pilotes à MK. Lui aussi, il a décidé d’investir dans la restauration, plus précisément la vente de prêts à emporter. Cela fait six mois depuis qu’il n’a pas travaillé. Et il était hors de question, confie le pilote, de rester les bras croisés et de se contenter de moins de 50% de son salaire. « J’ai demandé un congé sans solde », dit-il. Mais durant cette période, il doit continuer à rembourser les frais de ses études financées par la compagnie. Ce qui représente une somme de Rs 26 000 mensuellement, explique-t-il. Pour démarrer l’entreprise familiale, il a puisé dans ses économies et a investi Rs 500 000. “A seulement 30 ans, il voyait l’avenir autrement”, dit le jeune pilote. « Mon épouse et moi attendons notre premier enfant. Elle ne travaille pas. J’avais décidé de contracter un emprunt pour construire notre maison. Je devais concrétiser mes démarches quand le pays a été frappé par la pandémie et je n’ai pu le faire. Au final, je me dis que cela a été un mal pour un bien. Sinon, je me serais retrouvé avec une grosse dette », raconte-t-il. Le jeune couple vit dans un petit studio. La maison confortable, laisse entendre le pilote, sera pour plus tard. « Je ne sais pas si ce congé sans solde ne nous réserve pas de mauvaise surprise. Il y a quelque temps, j’ai dû refuser une offre de travail avec un salaire équivalant au mien. Ce genre de proposition ne se renouvellera pas. Quand on est pilote, il y a peu de perspective lorsqu’on veut se recycler », fait-il remarquer. Quant à son enseigne, il n’est obligé d’être derrière le comptoir. Il attend patiemment un retour positif du projet, en relativisant: “S’il faut tout recommencer à zéro, je le ferai. Malgré mon statut de pilote, je n’ai jamais vécu au-dessus de mes moyens. Je viens d’une famille modeste et j’ai toujours vécu modestement. » 

Les employés devant le bureau d’Air Mauritius, ce mercredi

La plate-forme des syndicats, qui réunit la Airline Employees Association(AEA), la Air Mauritius Technical Support Staff Union (AMTSSU), l’Union of Employees of Air Mauritius Limited (UEAML), la Private Transport Employees Union (PTEU) et la Mauritius Airline Pilots Association, a convoqué les employés de la compagnie d’aviation nationale devant le bâtiment d’Air Mauritius à Port-Louis, ce mercredi.

La plate-forme, qui a pris cette décision à la suite d’un communiqué émis par les administrateurs sur le plan de congé sans solde et du travail à temps partiel, compte faire passer un message à ces derniers. Dans un communiqué de presse, la plate-forme dit informer déjà le management et les administrateurs « que les employés n’accepteront plus de sacrifice. Surtout pendant que l’Etat favorise une compagnie étrangère pour ramener des passagers à Maurice et alors que l’Etat accorde des droits de trafic aérien à d’autres compagnies aériennes au détriment d’Air Mauritius”. Et dans une déclaration à Week-End, le négociateur Ivor Tan Yan insiste sur le fait que « les modifications faites dans la loi du travail ne permettent pas d’imposer unilatéralement le congé sans solde”.

Il affirme que “le contrat proposé aux employés par les administrateurs est abusif et n’est pas explicite sur la question du salaire, du poste et de la durée du contrat lui-même”.

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