MV Wakashio – Court of Investigation : « L’équipage du cargo a été imprudent » soutient le Capitaine Coopen

– Le Deputy Director of Shipping affirme que le navire japonais battant pavillon panaméen a dévié de sa trajectoire en trois occasions avant le naufrage au large de Pointe d’Esny

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Le capitaine Coopen: « Les autorités n’ont ni la capacité, ni l’expertise de sauvetage, ni l’équipe requise pour faire face à un naufrage comme celui du Wakashio »

La première séance de la Court of Investigation, instituée pour faire la lumière sur les circonstances entourant le naufrage du MV Wakashio au large de Blue-Bay, a été marquée par l’appel à la barre des témoins du capitaine Asiva Coopen, Deputy Director of Shipping. Le responsable de la première enquête des autorités mauriciennes, à la suite du naufrage du MV Wakashio, a brossé un tableau sur l’itinéraire du voyage du vraquier nippon et a mis l’accent sur ce qu’il a qualifié « d’imprudence » ou encore de « grave négligence » de la part des membres d’équipage, entraînant la dérive du navire dans les eaux mauriciennes. La conséquence a été la marée noire d’envergure le long de la côte du Sud-Est. C’était lors de son audition à la première audience de la Court of Investigation, présidée par l’ancien juge Abdurrafeek Hamuth avec pour assesseurs Jean-Mario Geneviève, Marine Engineer, et Johnny Lam Kai Leung, Marine Surveyor.

Le capitaine Asiva Coopen a, d’emblée, répondu aux questions de l’Assistant Solicitor General, Me Rajkumar Baungally. Il a laissé entendre que, selon l’enquête qu’il a menée juste après le naufrage du MV Wakashio, il y avait une fête d’anniversaire à bord du navire le jour où il s’est échoué sur les récifs de Pointe-d’Esny, soit le 25 juillet 2020. Selon lui, le capitaine du MV Wakashio lui a indiqué que le but de se rapprocher des côtes mauriciennes était de capter le réseau de téléphonie mobile. Il a déclaré que le capitaine indien lui avait expliqué que ce rapprochement de la terre ferme garderait le moral de l’équipage, permettant à ces hommes de la mer de communiquer et de donner de leurs nouvelles à leurs proches.

Le rapport d’Asiva Coopen, qui constitue le “background” de l’enquête préliminaire conduite, a été longuement épluché lors de cette première séance. L’auteur a mis en exergue le fait que c’est « à cause de la “distraction sociale” sur le pont, que les membres d’équipage n’ont pas pu s’assurer que le navire maintient sa route et ne dérivait pas ». Dans les conclusions de son rapport, Asiva Coopen indique que l’échouement a été causé par une « décision humaine » et que « l’équipage ne s’est pas rendu compte du danger ».
« Il y a eu négligence. Ils étaient trop sûrs que tout allait bien se passer », a déclaré le Deputy Director of Shipping. Ce dernier a souligné que, pour tout voyage avec ce type de bateau, un “passage plan” doit être obligatoirement établi au préalable. Ce plan doit, a-t-il expliqué, prendre en compte la proximité de la terre, le trafic maritime, les conditions météorologiques ou encore la profondeur de l’eau sur le trajet.

Asiva Coopen a déclaré que c’était le rôle du second d’établir ce plan qui doit être avalisé par le capitaine. « Ils n’ont pas suivi le plan. C’est dans les parages de l’Indonésie que le Wakashio a changé de cap cinq jours avant son échouement », a-t-il avancé. Le Deputy Director of Shipping a expliqué que le changement de cap doit être discuté et approuvé par les autorités. « Ils doivent avoir fait une évaluation de la sécurité en premier lieu lorsqu’ils s’approchent d’une côte », a-t-il poursuivi. Et d’ajouter que le capitaine du Wakashio ne possédait pas de carte électronique ou papier de la région de Maurice. « Une carte est le cœur de la navigation », a soutenu le capitaine Coopen. Ce dernier a aussi révélé que le pilotage automatique avait été activé lorsque le Wakashio avait dévié de sa trajectoire initiale. « Il n’y a eu aucune surveillance de la position du navire à aucun moment. Ils ont tout pris pour acquis », a-t-il soutenu. Il a aussi affirmé que le MV Wakashio était « bien entretenu et en bon état de marche ».

À une question de Me Rajkumar Baungally, le capitaine Coopen a indiqué que techniquement parlant « everything was OK on the ship ». Et que le navire était bien entretenu. « Il était dans de très bonnes conditions de fonctionnement. Chaque membre d’équipage était qualifié. Le navire a été construit en 2007 », a dit le capitaine Coopen.
Interrogé sur la possibilité de dégager le vraquier grâce à un remorqueur, le capitaine Coopen a souligné que les autorités mauriciennes n’ont ni la capacité, ni l’expertise de sauvetage, ni l’équipe requise pour faire face à un naufrage comme celui du Wakashio, estimant que le pays a été « chanceux » dans le cas précédent du MV Benita. « Pour être honnête, les remorqueurs de sauvetage ne sont pas assez grands pour enlever un navire comme le Wakashio. Ils ont besoin d’un câble spécial, qui n’est pas disponible à Maurice », a-t-il fait comprendre au panel présidant la Court of Investigation.

Me Baungally : Sur quoi vous êtes-vous basé pour rédiger ce rapport ?
Capitaine Coopen : Il est basé sur tous les carnets de bord (logboks), des documents émanant du National Coast Guard et sur l’entretien de 19 marins du MV Wakashio.
Me Baungally : Pouvez-vous dire à la cour quand avez-vous débuté votre enquête ?
Capitaine Coopen : J’ai été nommé le 6 août. Je me suis tout de suite mis au travail. Deux jours plus tard, soit le 8 août, je me suis rendu à bord du MV Wakashio en compagnie de policiers.
Me Baungally : Est-ce une enquête menée conjointement avec la police ?
Capitaine Coopen : Notre enquête a été menée séparément et avait pour but de savoir comment le naufrage s’est produit et comment il aurait pu être évité. Elle n’avait pas pour but de trouver des suspects. Un tel exercice revient à la police.
Me Baungally : Quel est le statut électronique du navire ?
Capitaine Coopen : Le vraquier était conforme aux normes internationales et il fonctionnait.
Me Baungally : Le navire transportait quoi ?
Capitaine Coopen : Il n’y avait pas de cargaison à bord.
Me Baungally : Pouvons-nous savoir la quantité de carburant qu’il y avait à bord ?
Capitaine Coopen : 3 900 tonnes métriques de carburant.
Me Baungally : Quelles sont les conclusions de votre rapport ?
Capitaine Coopen : En résumé, à cause de la « distraction sociale » sur le pont, l’équipage n’a pas réussi à s’assurer que le navire maintient sa route.

La séance d’hier a aussi été marquée par l’audition du capitaine Manu, patron du National Coast Guard. Ce dernier a eu des difficultés à répondre à certaines questions. Le ressortissant indien, à la tête du NCG, a affirmé qu’aucun signal de détresse n’a été reçu avant l’échouement du vraquier. Selon lui, c’est à partir de 18h15 que les appels vers le MV Wakashio ont débuté, venant des officiers du NCG de Pointe-du-Diable. Toutefois, aucune réponse n’a été reçue d’eux.
« Ce n’est que lorsqu’il s’est échoué que nous avons réussi à établir le contact. Des appels ont été lancés depuis Pointe-du-Diable, Mahébourg et Blue-Bay. Nous n’avons pas estimé que la navigation était un problème. Leur navigation est la responsabilité du navire. Nous n’avions pas de soupçons, mais c’était inhabituel », a déclaré le commandant de la NCG.
Le capitaine Manu a soutenu qu’il n’y avait rien d’anormal pour la NCG. « Le radar est limité à un rayon de 15 milles nautiques seulement. Cela prend quatre heures pour que le bateau de la garde-côte CGS Barracuda soit prêt. L’avion Dornier de la NCG était à terre et il aurait pris deux heures et demie pour cette opération. »

Il a déploré également que Maurice ne possède pas de système de gestion du trafic pour surveiller le navire et que les radars, à Saint-Brandon et à Agalega, ne soient pas en opération. Le capitaine Manu est attendu une nouvelle fois aujourd’hui pour la poursuite de son audition.

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