Négligence médicale alléguée : Mystère sur la plainte de Virginie Quirin à l’hôpital

Le ministre de la Santé qui a appelé la maman après la séance parlementaire, mardi dernier, voulait savoir avec qui elle avait déposé sa plainte

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  La Santé était au courant depuis février et mars

  « Je me bats pour Emilie mais aussi pour les autres », dit-elle

Depuis ses révélations dans Week-End quant à son accouchement « traumatisant » à l’hôpital de Rose-Belle, le 5 février dernier, où son enfant avant la naissance a été déclaré « pas viable », puis laissé pour mort à l’accouchement, mais découvert, une heure plus tard, vivant et pleurant, la maman de la petite Emilie, le bébé miraculé, reçoit énormement de  marques de sympathie. « Mon histoire a choqué tout le monde et je reçois beaucoup de soutien. De mes proches, d’anonymes, de politiciens… Cela me donne le courage de me battre. Combien d’enfants ont été déclarés mort à 24 semaines au lieu de 25, 26, 27 semaines, sans avoir une chance de survivre car déclaré, au bon vouloir des médecins, comme un avortement? Je me bats pour Emilie, mais aussi pour les autres mamans et bébés dans la même situation », dit Virginie Quirin.

Mardi, après la PNQ du leader de l’opposition, Xavier Duval, concernant les cas de négligence médicale à l’accouchement, dont son cas, le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal a pris contact avec Virginie Quirin pour lui demander des informations quant à sa plainte, déposée le 16 février dernier à l’hôpital, mais qui aurait disparu.

Pas d’excuses du ministre

L’appel du ministre de la Santé à Virginie Quirin a duré 3 minutes 14 secondes. Un appel, après les présentations faites, avec pour motif, dit Virginie « de savoir ce qui s’est passé avec ma plainte. Le ministre m’a demandé qui a pris ma plainte, si c’était quelqu’un avec une barbe ? » Un appel qui a choqué la jeune maman qui s’attendait à ce qu’« au moins le ministre, même si ce n’est pas de sa faute, me présente des excuses au nom de l’hôpital. Car pour négligence, il y a eu négligence. Que se serait-il passé si personne n’avait entendu pleurer mon bébé ? » dit-elle.

C’est en larmes que Virginie Quirin a visualisé la PNQ, mardi dernier. « Il a fallu l’article de Week-End et qu’un politicien s’arrête à mon histoire pour qu’on me prenne au sérieux », dit-elle. Cependant, elle déplore les réponses fournies par le ministre de la Santé, qui a, d’ailleurs, fait dire à Xavier Duval: « It is not the time to say that this poor suffering lady is a liar and has not submitted the complaint» « Je ne dis pas que le ministre a menti, car il répète les informations qu’on lui a fournies. Mais les documents (comme l’atteste le certificat de naissance) remis par l’hôpital confirment que mon bébé Was Born alive – 26 weeks, et non à 23 semaines, comme indiqué au Parlement », dit la jeune maman.
« Tout cela me blesse car je ne suis pas là pour raconter des histoires. Ce que j’ai vécu est traumatisant et la pure réalité », dit-elle.

« Debout pendant 30 minutes pour prendre ma plainte »

Revenant sur les événements, elle rappelle qu’elle est arrivée à l’hôpital le 1er février et qu’une échographie réalisée le 30 janvier dans le privé atteste qu’elle était à 26 semaines de grossesse. « Cependant, la Medical Officer qui m’a auscultée en me palpant le ventre a soutenu que j’étais à la 24e semaine de grossesse », déplore Virginie. Aujourd’hui, elle cherche justice, estimant que « le ministère de la Santé a un gros travail à faire à l’hôpital. Tout le système est bafoué. » D’autant que trois mois après avoir déposé plainte, elle n’a toujours aucune nouvelle de la Santé, si ce n’est l’appel du ministre lui-même pour lui demander plus de précisions concernant sa plainte.

« Je comprends, donc, que la plainte est introuvable puisque le ministre m’a demandé à qui je l’avais remise ! », dit Virginie Quirin. Or, le 16 février dernier, après avoir une première fois déposé plainte à la police de l’hôpital de Rose-Belle, la jeune femme se dirige vers l’hôpital pour porter plainte, en compagnie de ses parents. Ce jour-là, ne sachant pas forcément où s’adresser, elle se rend aux Casualties où on lui demande de patienter, en ajoutant que quelqu’un viendrait la voir. Après une quinzaine de minutes d’attente, un homme arrive et demande à ses parents, en raison des précautions à prendre par rapport à la Covid-19, de ne parler qu’à Virginie Quirin.

Les parents se mettent ainsi à l’écart et c’est dans la même salle d’attente des Casualties, en présence d’autres patients en attente, que l’homme, portant un badge de « réceptionniste » et accoudé au comptoir, prend la plainte de la maman. « Pendant 30 minutes, debout, je lui ai raconté ce que j’avais vécu. Il l’a retranscrit en créole sur une feuille et m’a demandé de signer », se souvient Virginie Quirin. Elle affirme avoir demandé à son interlocuteur quand l’hôpital reviendrait vers elle pour une quelconque nouvelle. L’employé du ministère de la Santé lui répondra que généralement, on rappelle dans une semaine. Depuis, aucune nouvelle !

La Santé était au courant depuis février et mars

Que s’est-il réellement passé avec la plainte de Virginie Quirin? C’est le mystère complet. D’autant que ce n’est que trois mois après la naissance de la petite Emilie, après l’article de Week-End, que les autorités ont réagi, soit à partir du 4 mai.

Pourtant, dès le 22 février 2021, soit six jours après que Virginie Quirin a déposé plainte à l’hôpital, le directeur de l’hôpital de Rose-Belle est venu réclamer le rapport complet du bébé Quirin à la pédiatrie. De même, cette affaire – comme l’atteste une lettre envoyée par le Medical Council au ministère de la Santé et copie à Virginie Quirin – est connue du ministère depuis le 8 mars ou les jours suivants. « Le ministère ne peut pas dire qu’il n’était pas au courant. Qui peut me dire pourquoi jusqu’ici je n’ai pas encore été appelée par la Santé pour donner ma version ? », s’insurge la mère d’Emilie.

Aujourd’hui, la Mahébourgeoise, soulagée que son bébé, toujours sous incubateur, continue à se développer, est déterminée à se battre jusqu’au bout pour que la vérité éclate et que personne ne vive ce qu’elle a vécu. « Je me bats non seulement pour Emilie, mais aussi et surtout pour toutes ces mamans qui ont perdu leur enfant à cause d’une négligence médicale ou dont les enfants ne viendront pas au monde simplement parce qu’un médecin, comme dans mon cas, aura décidé, sans faire d’échographie, que la maman est à 24 semaines de grossesse. Je veux me battre pour que les parents de la petite Pristhee sachent vraiment ce qui s’est passé lors de cet accouchement cauchemardesque. »

Par ailleurs, Virginie Quirin veut rendre hommage à ceux et celles dans les hôpitaux qui font bien leur travail et qui sont des  personnes formidables. « Heureusement que cette infirmière a entendu pleurer mon bébé! D’ailleurs, aux infirmiers du Ward 2.1 et au personnel de la pédiatrie, je dis bravo et merci pour le travail formidable qu’ils font! », conclut Virginie Quirin, qui a une pensée pour tout ce personnel médical dévoué en première ligne dans les autres combats.

Trois mois après — Une psychologue à la disposition de la famille Quirin

Ce n’est qu’après que la députée du MMM Joanna Bérenger a relevé ce cas, lors des débats relatifs au Mental Health Amendment Bill, le 4 mai – deux jours après la parution de l’article consacré à la petite Emilie dans Week-End –, plaidant que « la maman qui a traversé une épreuve traumatisante ne s’est même pas vue proposer les services d’une psychologue », qu’une psychologue du ministère de l’Égalité des Genres a pris contact avec Virginie Quirin. Soit, trois mois après son expérience traumatisante à l’hôpital de Rose-Belle. Si une première rencontre lui a été proposée au Centre de jeunesse de Souillac, en raison des risques liés à la Covid-19, Virginie Quirin n’a pas souhaité s’y rendre. C’est au téléphone qu’elle a pu parler à la psychologue, elle-même « choquée » par cette histoire traumatisante vécue par la famille Quirin. « J’ai eu l’occasion de raconter longuement mon histoire et cela m’a fait du bien de pouvoir en parler avec une psychologue. En parler, ça libère quelque part et c’est plus que nécessaire », confie Virginie Quirin, qui se dit soulagée d’avoir pu révéler son état d’esprit à une professionnelle.

Medical Negligence Standing Committee — Début cette semaine des travaux en plénière

De l’aveu même du ministre de la Santé, le cas de Virginie Quirin a été soumis au Medical Negligence Standing Committee qui a démarré une enquête préliminaire le lendemain. Le comité, qui doit se réunir ce lundi, démarrera les travaux en plénière sur cette affaire. Une première rencontre avec Virginie Quirin est prévue pour cette semaine, suivie de celle avec les médecins et autre personnel de santé concernés par cette affaire qui seront appelés à donner leur version des faits.

Les procédures

À savoir qu’à la réception d’une plainte par le ministère de la Santé, une enquête préliminaire est d’abord menée au niveau de l’hôpital concerné par le directeur régional qui remet son rapport à la Santé. Après examen du rapport préliminaire, il revient au ministère la décision de fixer une commission d’enquête indépendante ou autre, constituée d’un directeur régional de la Santé d’une autre région en tant que président ; d’un médecin spécialiste dans le domaine ; d’un autre médecin spécialiste coopté dans le domaine, au besoin ; d’un médecin spécialiste du secteur privé en tant que membre coopté, si requis, et d’un secrétaire permanent adjoint en tant que secrétaire du comité.

Le comité d’enquête indépendant soumet par la suite son rapport accompagné de ses conclusions et des recommandations au ministère de la Santé. Si, sur la base des preuves apportées, un médecin est trouvé coupable de négligence médicale, l’affaire, en vertu de l’article 13 de la Medical Council Act, est référée au Medical Council pour une enquête approfondie et des mesures appropriées.

Dans le cas où les accusations portées contre le ou les médecins par un cas sont trouvés probants, l’affaire est renvoyée Medical Disciplinary Tribunal, présidé par un Puisne Judge, qui soumet ses recommandations au Conseil des médecins qui, après examens des ces recommandations, réfère l’affaire à la Public Service Commission pour les sanctions disciplinaires nécessaires.

S’agissant des affaires envoyées en Cour, celles-ci ont leurs propres procédures complexes qui peuvent prendre des années pour être résolues, tenant compte des appels et contre-appels. Sachez qu’en mai 2020, il y avait 44 cas d’allégations de négligence médicale en suspens au niveau de l’Independent Inquiry Committee, dont certains remontaient à 2017…

 

 

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