Nominations politiques – Avec le dernier épisode Vishwadev Gobin, Le scandale remis sur le tapis

Le père du ministre Maneesh Gobin, nommé un vendredi, obligé de renoncer lundi

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Famille, élus évincés, candidats battus, socioculturel, viré mam et agents en grand nombre «on board»

Vishwadev Gobin, père du ministre Maneesh Gobin, ancien député du PTr, avait été nommé en grande pompe, à la réunion du Conseil des ministres du 28 août, président des conseils d’administration du Mahatma Gandhi Institute et du Rabindranath Tagore Institute. La nomination qui suivait celle de Rishikesh Hurdoyal, frère du ministre du même nom, à la présidence du Mauritius Shipping Corporation, a soulevé un tel tollé que le nommé a dû rendre son tablier 72 heures après. Certains diraient que c’était la voie obligée pour papa Gobin au lendemain, il est vrai, de la manifestation citoyenne monstre du désormais historique du 29 août 2020. 

Cette affaire a le mérite de remettre sur le tapis le scandale des nominations déjà contestées avant les élections de novembre 2019 et qui s’est accentué depuis. Pour Pravind Jugnauth et le MSM, c’est connu, la devise fondamentale et première, c’est la famille d’abord. Ce qui était décrit comme le temple de la démocratie, l’Assemblée nationale a, ces derniers six ans, été confisqué par le clan.

C’est ainsi qu’après avoir imposé la candidate battue du No 14 Maya Hanoomanjee comme Speaker en 2014, c’est un autre membre du clan familial qui a été choisi pour la remplacer, Sooroojdev Phokeer, campaign manager du MSM au No 10 et ancien ambassadeur controversé là où il a été posté, aussi bien au Caire qu’à Washington. Avec cette nomination familiale, l’Assemblée nationale est ainsi descendue à son plus bas niveau depuis l’Indépendance.

La famille avec le MSM, c’est partout. Si Maya Hanoomanjee n’est plus Speaker, elle a été nommée ambassadrice de l’île Maurice en Inde quelques semaines après les élections, tandis que la fille, recrutée à l’insu de son plein gré, trône toujours à Landscope avec un salaire de Rs 273 000. L’autre fille Hanoomanjee, Sheila, a dû ramasser son paquet de biscuit Esko, remballé en coffret présentable après la grosse controverse de la vente de ce produit à un prix exorbitant à la boutique hors taxes de l’aéroport SSR. La plus-value était tout bonnement grotesque.

Plusieurs membres du clan familial du Premier ministre et de son père d’ailleurs ont déjà parasité les organismes publics. Nayen Kumar Ballah, le cousin de la mère de Pravind Jugnauth  a vite été promu et il est celui qui dirige le service public. Il siège aussi sur plusieurs conseils d’administration d’organismes publics avec des rémunérations qui sont loin d’être négligeables.

Pour demeurer dans le réseau familial, il y a Deshmuk Kowlessur, lequel a été installé à la direction de la Competition Commission. Il est le beau-frère du beau-frère de Pravind Jugnauth, et il est également le beau-frère du ministre des Services financiers, Mahen Seeruttun.

L’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasamy, qui connaît certes le dossier, mais qui semble dépassée par l’évolution de la société et la dépravation des moeurs, n’est autre que la cousine germaine du Premier ministre.

Père, épouse, etc

Pas étonnant qu’avec l’exemple qui vient d’en haut, les ministres aient, eux aussi, cherché dans leur proche entourage des personnes pour des nominations lucratives dans des organismes publics. Maneesh Gobin n’avait pas que son père à lorgner un poste à la tête d’un corps paraétatique. Loin de là.

L’épouse de l’Attorney General, Yonesha Sahye, qui était cadre à la Financial Services Commission au sein même du département qui était censé nous prévenir d’un classement dégradant sur la liste de l’Union européenne, a profité de la tempête qui s’est abattue sur le centre financier mauricien pour s’éclipser tranquillement et trouver refuge auprès du collègue de son mari, Mahen Seeruttun ministre de la Bonne gouvernance et des Services financiers, pour faire le même travail qu’elle était censée faire à la FSC.

Le ministre Mahen Seeruttun, lui non plus, n’a pas cherché très loin pour trouver un directeur de la Mauritius Cane Industry Authority, alors qu’il était à l’Agro-Industrie, puisqu’il y avait installé son beau-frère Jugdish Bundhoo. Son successeur Maneesh Gobin a maintenu le “beauf” et a dû hériter de l’épouse de son successeur. Echange de bons procédés, n’est-ce pas ?

Shiv Luchoomun, l’époux de Leela Devi Dookun-Luchoomun, travaille toujours sous sa ministre de l’Education en tant que directeur de la Private School Secondary Authority. Son collègue et colistier au No 8, Yogida Sawmynaden, qui fait profil bas depuis les dernières élections générales, n’a pas eu que son épouse notaire à l’avant-plan dans la signature du contrat de vente de la clinique Apollo au groupe CIEL. Son beau-frère Harrykrishna Vydelingum, un temps recruté sous sa propre tutelle comme président du Mauritius Post Service, a dû plier bagage sous la pression de l’opinion, mais n’a pas tardé à réapparaître à la présidence du Mauritius Institute of Training and Development. Et pendant que Prem Koonjoo était ministre et qu’il allait à la pêche à la baleine sans la trouver et avant que sa fille Kalpana ne se retrouve au gouvernement, son fils Pravind avait eu le temps de se faire embaucher par la SBM. Son accident de la route, intervenu en 2003, n’avait apparemment pas pesé lourd dans son dossier d’embauche par la banque d’État.

Il ne faut, par ailleurs, pas croire que les anciens du MMM n’ont pas intégré la culture du népotisme du MSM. Alan Ganoo, dès qu’il a retrouvé un poste de ministre après les élections de novembre 2019, n’a pas été chercher très loin un candidat pour présider le Civil Service College. C’est son frère Harry Ganoo, qui a été haut fonctionnaire, qui préside aux destinées du Mauritius Civil College.

Steven Obeegadoo promu Premier ministre adjoint et ministre des Terres et du Tourisme a, lui, été rejoindre le frérot Kevin qui, membre du MSM, a été catapulté sur le conseil d’administration de Landscope, une entité qui gère les terres et qui est l’objet de bien des convoitises.

Lorsque les membres de la famille ont été casés, il faut aussi s’occuper des candidats à qui des investitures ont été refusées. Pradeep Roopun, ancien ministre de la Culture, a décroché le top job en devenant, contre toute attente, le président de la République.

Pour l’épauler, c’est vers un ministre sortant et candidat battu au no 17 que le Premier ministre et ses alliés se sont tournés et c’est ce qui a permis à Eddy Boissézon de venir le vice-président de la République.

Tous les autres écartés ont aussi eu leurs “boutt”: Alain Wong a été nommé ambassadeur en Chine, Marie-Claire Monty devrait atterrir à Camberra, Raj Rampoortab espère, lui, occuper la chancellerie de Kuala Lumpur. Raffick Sorefan, ancien PPS qui avait fait le tour de tous les partis ou presque, s’est retrouvé à la National Empowerment Foundation. Quant au pâle député Vikram Oree, ancien député du No 4, il a hérité de la présidence de l’Agricultural Marketing Board.

La candidate évincée qui a beaucoup fait parler d’elle ces derniers mois, Sandhya Boygah, a été imposée de manière brutale à la tête du Mauritius Standards Bureau, malgré les réticences d’un conseil d’administration pour une fois moins docile. Qu’à cela ne tienne, le conseil d’administration a vite été reconstitué et la dame a pu obtenir le poste de directrice avec un pay packet de plus de Rs 120 000. Les normes, on ne sait pas si elle connaît, mais pincement de jour et Barbara ont peut être aidé.

Les candidats battus, même à plate couture, n’ont pas été en reste. Nilen Vencadasmy, rejeté par l’électorat du No 1, a été nommé à la présidence de la Mauritius Tourism Promotion Authority, un secteur qui lui est inconnu. Son colistier Clive Auffray, également battu au no 1 a été nommé commissaire pour la protection des emprunteurs abusés. Shakilla Jhungeer, également terrassée au No 2, a vite été nommée au conseil d’administration d’Air Mauritius, alors que la compagnie piquait déjà du nez.

Désavoué, mais récompensé quand même

Son colistier Zouberr Joomaye, lui aussi battu, a hérité d’un poste de conseiller auprès de Pravind Jugnauth, mais aussi celui de membre du conseil d’administration de Landscope tout en étant promoteur de deux projets de clinique, l’un à Curepipe, et l’autre, à Coromandel sur un terrain de la BDM dans le cadre d’un accord qui, selon le ministre des Finances Renganaden Padayachy, est l’objet d’une enquête de l’ICAC.

Dans la liste des désavoués du peuple, mais récompensés quand même, on retrouve aussi le battu du No 3, Aleem Boccus, qui a été nommé à la présidence de la Competition Commission, et au No 5, le candidat malheureux Jairajsing Luchoo a été propulsé à la présidence de la Banque de Développement.

Ashit Gungah, ministre sortant expédié dans le karo kann par l’électorat du No 6, a hérité de la présidence du National Productivity and Competitiveness Council. Pour rappel, c’est lorsqu’il était ministre que son fils avait été embauché au Mauritius Telecom, puis à la Financial Services Promotion Authority.

Cette FSPA était devenue le refuge de prédilection des proches de la famille Jugnauth, où on devait aussi retrouver le fils du frère de l’actuel Speaker Jugdish Dev Phokkeer et celui de la belle-fille de Nayen Kumar Ballah. Entre eux, tout est possible!

Autre candidat battu, au No 15, qui s’est vu offrir une belle sinécure, Mahen Jhugroo, qui devrait atterrir à Washington. Les postes d’ambassadeur sont devenus le prix de consolation favori pour candidats évincés ou battus, puisque Françoise Labelle, qui a mordu la poussière au No 16, est pressentie pour une ambassade. Ce sera soit Madagascar, soit l’Afrique du Sud.

Vikash Peerun, fils de Narain Krishna Peerun, membre de l’ICAC et frère de Vedita Devi Peerun, membre de l’Electoral Supervisory Commission, battu au No 18 aux dernières élections, est revenu à la National Insurance Company.

Seety Naidoo, le poulain, candidat et colistier d’Ivan Collendavelloo avait bien vite retrouvé son poste de président du CEB après sa défaite au No 19, mais il a dû démissionner dans le sillage du scandale de Saint-Louis.

Même sort pour l’autre bras droit du membre du Muvman Liberater, Ken Fong, qui  avait démissionné de la mairie de BB/RH par se porter candidat au No 20, où il a été rejeté. S’il avait tout de suite retrouvé son collier mairal, il n’a pu le garder pendant bien longtemps. Il a été poussé vers la sortie et sera remplacé à la tête de l’administration des Villes soeurs.

Quant à son colistier au No 20, lui aussi apparenté ML, Tulsiraj Benydin, bien qu’il ait aussi été battu, il a été fait membre du conseil d’administration du CEB lors de la reconstitution de cette instance après l’éclatement du scandale Saint-Louis.

Par contre, le troisième candidat de la plate-forme MSM/ML/Mouvement Poire d’Alan Ganoo/Plateforme Militante de Steve Obeegadoo, lui aussi rejeté par l’électorat, Gilles l’Entêté, il a tranquillement retrouvé son poste de directeur de la NHDC peu de temps après les élections. Les organismes publics sous le MSM et ses acolytes, c’est comme au bazar, on entre et on sort quand on veut.

Dans la liste des nominations, il y a aussi celle des “viré mam”, des anciens du MMM trop fatigués d’être dans l’opposition. Jusqu’ici, quelques-uns ont pu obtenir leur “boutte”, comme Sanjiven Permall, qui a hérité de la présidence de la CHC pour faire la paire dans le port avec l’autre transfuge Ramalingum Maistry, lequel se retrouve en pleine tempête avec l’affaire Sir Gaëtan. Il s’était accroché à son poste de président de la MPA lorsque son parti, le PMSD, avait quitté le gouvernement en décembre 2016 en signe de protestation contre le projet de Prosecution Commission.

Lockraj Nuckchady qui avait dit qu’il ne rejoignait aucune autre formation politique après sa démission du MMM a été nommé au Standing Committee on Medical Negligence, et Viren Ramchrun, lui aussi ancien mauve, a été nommé conseil d’administration de la Police Complaints Commission.

Le socioculturel n’est pas en reste. Somduth Dulthumun, qui avait exploité le “katori” de Navin Ramgoolam à la veille des dernières élections générales, a été grassement récompensé par une double nomination:      la présidence du Museum Council et membre du conseil d’administration de la BDM. Ahmad Jeewa et Hurmila Rouho, eux aussi démissionnaires du MMM, sont toujours en stand-by pour une nomination.

Après cette impressionnante liste de nominés politiques qui n’est pas exhaustive, il faut aussi signaler le rôle des “kitchen members”, comme Sherry Singh, qui est à la fois à Mauritius Telecom et Air Mauritius, en faillite, Ken Arian, le grand communiquant, qui s’est fait ramasser sur les ondes de Radio Plus, Azim Currimjee, son épouse, Sarah Currimjee, et le brillantissime Anooj Ramsurrun de la MBC.

S’il fallait chiffrer ce que coûtent ces nominations, cela devrait avoisiner des centaines de millions. Un budget mirobolant pour un favoritisme et un clanisme incompétents et médiocres. De quoi donner des raisons au peuple de descendre dans la rue, crier sa révolte et réclamer des comptes.

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