(OCÉAN INDIEN) AVEC L’ARRÊT DE L’ITLOS DU 28 JANVIER : Chagos: Londres définitivement en porte-à-faux

PMO: «Avec les attendus de ce jugement, nous avons tous les droits d’agir comme un État souverain sur cette partie de notre territoire»
Maurice sollicitera en priorité un face-to-face summit de l’IOTC pour l’adoption de la motion portant sur l’expulsion de la Grande-Bretagne de cette instance en tant que «Coastal State»
Diego Garcia, une «Strategic Dilemma» pour New Delhi, à l’agenda de la visite en février à Port-Louis du chef de la diplomatie indienne Subrahmanyam Jaishankar

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Le 247e paragraphe des 354 que constituent les attendus de l’arrêt de la Chambre spéciale de l’International Tribunal for the Law of the Sea (ITLOS), rendu public le jeudi 28 janvier à Hambourg, Allemagne, met définitivement le Royaume-Uni en porte-à-faux sur le dossier des Chagos. Un désaveu cinglant, que ce soit sur les plans politique, diplomatique et stratégique, même si c’est l’archipel des Maldives qui en fait les frais sur papier, les cinq exceptions (objections) préliminaires contestant la démarche de Maurice pour la délimitation de la frontière maritime au nord de l’archipel des Chagos, rejetées à la quasi-unanimité des neuf juges de la Chambre spéciale, à l’exception du représentant des Maldives sur le bench. Ainsi, Londres n’a aucun droit sur l’archipel des Chagos, la souveraineté de Maurice a été confirmée sans ambiguïté aucune. Avec l’arrêt de Hambourg, Maurice se prépare dans un premier temps à relancer l’offensive en vue de déclarer illégitime la présence du Royaume-Uni en tant que Coastal State au sein de l’Indian Ocean Tuna Commission (IOTC). Toutefois, sur le plan de la realpolitik dans la région, New Delhi pourrait être appelé à assumer un rôle de médiateur entre Maurice, d’une part, et le Royaume-Uni et les États-Unis, de l’autre, en vue d’arriver à un Stable Indian Ocean. Des sources diplomatiques autorisées indiquent que ce dossier pourrait faire partie de l’agenda de discussions en marge de la prochaine visite lors de la troisième semaine de février à Maurice du ministre des Affaitres étrangères de l’Inde, Subrahmanyam Jaishankar.

Pendant presque 80 minutes, le président de la Chambre spéciale de l’ITLOS, le juge sud-coréen Jin-Hyun Paik, a disséqué les exceptions préliminaires des Maldives remettant en cause les revendications de Maurice sur l’archipel des Chagos. Le silence dans lequel s’est muré le Foreign and Commonwealth Office pendant les premières 48 heures suivant la publication de l’arrêt est une indication du coup de massue administré à l’ancienne puissance coloniale, qui s’apprête à assurer la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU. A vendredi après, aucun commentaire officiel à ce sujet du gouvernement de Boris Johnson.
“Quels que soient les intérêts que le Royaume-Uni pourrait encore avoir relativement à l’archipel des Chagos, ils ne feraient pas de lui un Etat titulaire d’intérêts juridiques suffisants qui serait affecté par la délimitation de la frontière maritime autour de l’archipel des Chagos, et encore moins une tierce partie indispensable”, déclare le président de la Chambre spéciale de l’ITLOS. Poursuivant son analyse des faits, cette instance affirme qu’”il est inconcevable que le Royaume-Uni, dont l’administration de l’archipel des Chagos constitue un fait illicite à caractère continu, auquel il doit par conséquent y mettre fin dans le plus bref délai, ce qu’il n’a toujours pas fait, puisse avoir quelque intérêt juridique à disposer de façon permanente des zones maritimes autour de l’archipel des Chagos par voie de délimitation”.
Pravind Jugnauth égratigne politiquement et diplomatiquement Londres
Ite Missa est, est-on tenté d’exclamer. Sur la base de cette argumentation, le Premier ministre Pravind Jugnauth souligne dans un communiqué officiel émis dans la soirée de jeudi que “no State can now have any basis for not recognizing Mauritius’ status as the only coastal State with a right to delimit its maritime boundary with Maldives as the other opposite or adjacent State with respect to the Chagos Archipelago”. Une étape logique est que les procédures initiées par Maurice en date du 18 juin 2019 en vue de délimiter la frontière maritime entre Maurice et les Maldives au nord de l’archipel des Chagos devront être menées à terme sous les dispositions de la Convention des Droits de la Mer.
Ce jugement de la Chambre spéciale de l’ITLOS devra également jouer en faveur de Maurice dans le litige l’opposant au Royaume-Uni devant la Commission on the Limits of the Continental Shelf des Nations unies pour la délimitation de la frontière maritime cette fois-ci au sud de l’archipel des Chagos. Londres, se vantant jusqu’ici de sa revendication de souveraineté fictive sur cette partie de la République de Maurice, objecte à la demande de Maurice.
Ce dossier, portant la référence CLCS/50/2 en date du 26 mars 2019, a été soumis à l’arbitrage de cette instance des Nations unies. L’affaire, qui a déjà appelé lors de la 50e session se déroulant du 1er juillet au 16 août 2019, devra connaître un dénouement rapide dans les mois à venir, vu que le Royaume-Uni ne dispose plus d’aucun Locus Standi en matière de souveraineté pour justifier ses revendications. Le représentant permanent de Maurice à New York, Jagdish Koonjul, compte établir des contacts auprès de la “Commission on the Limits of the Continental Shelf  for an early consideration of the submission by Mauritius”.
“Today a stable Indian Ocean is more vital to
India’s national interests”
Du côté du Prime Minister’s Office, l’on maintient avec force qu’”avec les attendus de ce jugement de la Chambre Speciale de l’ITLOS, nous avons tous les droits d’agir comme un État souverain sur cette partie de notre territoire”. Et à ce titre, Maurice compte activer sa demande pour l’expulsion du Royaume-Uni en tant que Coastal State au sein de l’Indian Ocean Tuna Commission. Avec cette motion au nom de Maurice “In Abeyance” devant la Commission des Thons de l’OI, le gouvernement étudie la possibilité de solliciter une Face-to-Face Session au plus niveau, au lieu de la Virtual Meeting, comme ce fut le cas à la fin de l’année dernière, pour débattre de la pertinence du Royaume-Uni en tant que Coastal State dans l’océan Indien.
En marge de ces initiatives au sein de différentes instances régionales et internationales, Maurice prévoit de “name and shame” les autorités britanniques sur les Chagos. D’ailleurs, dans ses derniers commentaires en date, Pravind Jugnauth ne rate pas d’égratigner politiquement et diplomatiquement Londres. “Mauritius deeply regrets that the United Kingdom, which has long professed a commitment to the rule of law, stubbornly refuses to respect judicial rulings, United Nations resolutions and the fundamental principles of international law. In a few days the United Kingdom will assume the Presidency of the Security Council, and has announced that the focus of its month-long presidency will be Human Rights”, déclare-t-il avec une dose de cynisme.
Le Premier ministre ajoutera en guise d’appel que “given its continuing refusal to allow Mauritius to effectively exercise its sovereignty over the Chagos Archipelago, and  the former inhabitants of the Archipelago  to return, we call on the UK to announce, during its presidency, that it will proceed to give effect to the 2019 ICJ Advisory Opinion and UN General Assembly Resolution 73/295 and bring itself into compliance with international law, as determined by the International Court of Justice, and now by its sister court, the International Tribunal for the Law of the Sea, and respect the human rights of the former inhabitants who wish, as Mauritian citizens, to return to the Chagos Archipelago.”
Par ailleurs, dans la presse du sous-continent indien en fin de semaine, New Delhi est présenté comme un Honest Broker pour un Deal sur Diego Garcia. D’ailleurs, l’on prête l’intention au Premier ministre britannique, Boris Johnson, de solliciter officiellement son homologue indien, Narendra Modi, à cet effet. La question devait être soulevée entre les deux chefs d’État en début de semaine, mais la pandémie de COVID-19 a fait que Boris Johnson n’a pu effectuer le déplacement officiel à l’occasion de India’s Republic Day de mardi dernier.
Ainsi, The EurAsian Times, sous la plume de Prakash Nanda faisant état d’un “Strategic Dilemma” pour New Delhi note que pour faire face à la menace de la République populaire de Chine dans l’océan Indien “today, a stable Indian Ocean is more vital to India’s national interests, including its economic goals, in realistic terms than its ideological stances. And for this, the US military presence in the region through the Diego Garcia base is vital, so runs the logic”.
Dans sa livraison du 27 janvier, soit juste à la veille de l’arrêt de la Chambre spéciale de l’ITLOS, The EurAsian Times avance que “London and Washington would like New Delhi to leverage its influence with Port Louis. Is the military presence of the US in Diego Garcia in the common interest of the UK, the US, and India? London and Washington will like New Delhi to realize that all the three are now in the same security architecture and therefore the base is beneficial to all”.
Cette posture se rapproche de la position adoptée par Maurice à l’effet qu’elle n’a aucune intention de réclamer la fermeture et le départ des Marines américains de la base militaire de Diego Garcia avec l’exercice effectif de la souveraineté territoriale sur l’archipel des Chagos. Lors de ses interventions sur le dossier des Chagos, Pravind Jugnauth ne rate aucune occasion de rappeler à Washington qu’il n’a rien à craindre pour Diego Garcia de l’ère post-Advisory Opinion de l’International Court of Justice de La Haye du 25 février 2019.
Mais jusqu’ici, les États-Unis de Donald Trump se sont contentés de “toe the line” avec No 10 Downing Street en refusant toute ouverture de négociations avec Maurice sur la base de Diego Garcia. Dans la conjoncture internationale, difficile der prévoir l’ajustement de l’Administration américaine sous Joe Biden par rapport au volet des Chagos ou encore si l’axe militaire Washington/New Delhi au nom de l’alliance stratégique contre la République populaire de Chine se renforcera.
En tout cas, des indications sur la stratégie géopolitique dans l’océan Indien pourraient être décryptées au cours de la troisième semaine du mois prochain. En effet, le ministre des Affaires étrangères indien est annoncé pour une visite officielle à Maurice en vue de passer en revue l’état de coopération bilatérale. D’aucuns affirment qu’il n’y a aucun doute que le volet des Chagos devra s’inviter aux échanges au plus haut niveau entre les deux délégations à cette occasion.Probable signature du CEPCA indo-mauricien en février
La signature du Comprehensive Economic Cooperation and
Partnership Agreement (CECPA) entre l’Inde et Maurice pourrait intervenir lors du prochain déplacement officiel du chef de la diplomatie indienne Subrahmanyam Jaishankar à Maurice. Cette visite est prévue pour la troisième semaine de février dont l’annonce formelle devant intervenir incessamment dans les deux capitales. Toutefois, des observateurs politiques avertis ont décodé ce développement à l’écoute de l’intervention de la nouvelle haute-commissaire de l’Inde à Maurice, Nandini Singla, lors d’une réception de bienvenue au Suffren, au Caudan, mercredi dernier, soit au lendemain des célébrations marquant le Republic Day de l’Inde.
«J’ai une très bonne nouvelle à vous annoncer. Nous espérons signer l’accord de coopération et de partenariat avec Maurice bientôt, très bientôt même. Cet accord donnera un nouvel élan aux exportations mauriciennes en Inde, aux investissements indiens à Maurice, et permettra de relever des défis tant commerciaux qu’économiques», a fait comprendre la cheffe de mission indienne, qui devra compléter sa tournée de visites de courtoisie aux personnalités politiques cette semaine.
La confirmation de la signature prochaine de cet important cadre de coopération et de partenariat entre l’Inde et Maurice verra la conclusion d’au moins 14 ans de négociations et d’échanges. Initialement, le traité de non-double imposition indo-mauricien s’était présenté comme un obstacle sur la voie de la concrétisation du CECPA. Mais entre-temps, la révision de ce traité a permis de dégager les conclusions de cette ambitieuse démarche à la fin de l’année dernière. Le feu vert des deux gouvernements est un préalable à la cérémonie de signature.
Un autre happening majeur susceptible de marquer la visite du ministre des Affaires étrangères Jaishankar pourrait être l’installation de la chancellerie indienne dans ses nouveaux meubles à Ébène. Cette éventualité, mentionnée pour “très bientôt”, a également été évoquée par Nandini Singla. Cette dernière a également eu l’occasion de dresser un état des lieux de la coopération indo-mauricienne sans oublier la Vaccine Maitri (Vaccine Friendship) Initiative avec un premier don de 100 000 doses de vaccin anti-COVID-19 à Maurice.
La nouvelle ambassadrice de l’Inde à Maurice a réitéré la volonté de l’Inde de «stand by Mauritius» en vue de procéder à la réouverture des  frontières pour une reprise des activités dans les secteurs de la manufacture, de l’hospitalité et du tourisme. Elle a indiqué qu’en Inde, Maurice est reconnue comme étant un «bon partenaire de développement» pour sa capacité de mettre à exécution les projets bénéficiant de l’aide étrangère, dont celle de l’Inde, en citant le Metro-Express sur le plan de l’infrastructure de transport et dans les domaines de la santé publique et des logements sociaux.
A ce stade, très peu d’indications ont transpiré officiellement quant aux importants travaux d’infrastructure en voie de réalisation, notamment la piste d’atterrissage et de jetée, dans l’archipel d’Agalega. Pour l’instant, aucun déplacement du Premier ministre Pravind Jugnauth à Agalega n’est à l’ordre du jour, même si la piste d’atterrissage se présente actuellement dans de meilleures conditions.LALIT SUR L’ARRÊT DE L’ITLOS : “Knock-Out Blow for UK-USA on Chagos Issue”

Lalit se félicite de la teneur et des retombées de l’arrêt de la Chambre spéciale de l’International Tribunal for the Law of the Sea sur les Chagos de jeudi dernier, représentant un “knock-out blow for the United Kingdom and the United States”. Toutefois, ce parti politique, toujours en première ligne dans le combat des Chagos au cours de ces 45 dernières années, s’appesantit sur le fait que “legal victory, even a knock-out, is not the ultimate victory” pour souligner l’importance de poursuivre la lutte.

Dans une communication à Week-End, Lindsey Collen, au nom de Lalit, note que “sometimes a knock-out comes from a glancing blow or kalot flite. This is what has happened in the apparently low-stakes dispute between Mauritius and Maldives over the delimitation of their maritime boundary”. Toutefois, ce jugement du 28 janvier met en évidence que “Britain has no claim on Chagos. Not even a claim” et que “the judgment thus lands a legal knock-out through a mere glancing blow against a Great Britain that is not even a party to the case”.
Mais il n’y a pas que le Royaume-Uni qui est assommé. “Being a knock out against Britain, the judgment is also a severe blow to the USA, what with the USA’s militarism being the reason behind Britain’s outrageous continued occupation of part of Mauritius, namely the Chagos archipelago: the USA has set up a vile and filthy military base on part of Chagos, Diego Garcia. It is a dark side of the UK-US empire”, poursuit Lalit en faisant état de l’utilisation de la base de Diego Garcia pour des agressions militaires des Américains.
La partie mauricienne prend également pour son grade: “The Mauritian government’s obsequious stance over the military base will again be exposed, as we move forward. Instead of calling for a time-table for base closure, the Mauritian State wants rent money from the USA for the military base. This stance then flies in the face of the Pelindaba Treaty for Nuclear Arms Free Africa, however much Mauritius might seek a fig leaf in the small print of the Treaty.”
Revenant sur le “legal and political knock-out blow against Britain” en citant de larges extraits du jugement de la Chambre spéciale se l’ITLOS, Lalit formule une série de demandes allant de la décolonisation complète de l’archipel des Chagos jusqu’à l’interdiction des navires de geurre dans tous les ports de la République, y compris Diego Garcia et Agalega sans oublier “the closing down of the military base on Diego Garcia” et un “environmental clean-up” de l’archipel aux frais des Britanniques et des Américains. Lindsey Colen remet en perspective le dada de la sécurité alimentaire en proposant la mise sur place d’une “new, strong, sustainable fishing fleet over the entire maritime extent of Mauritius, which can create jobs for the fishing community and contribute towards food security”.

En conclusion, Lalit met en garde contre des développements possibles avec la coalition entre Londres, Washington et New Delhi. “The geopolitical situation is getting tougher now. There is the new challenge of the UK-USA military alliance being re-enforced by Naraindra Modi’s India joining the alliance. Trump forged a close US-India alliance. It is not clear yet whether Biden will change this”, se demande Lalit.

Avec cet arrêt de l’ITLOS, Lindsey Collen y voit un hommage vibrant à tous ceux qui ont contribué d’une façon ou d’une autre pour faire avancer la cause des Chagos contre vents et marées. “But what a fantastic struggle this has been, and still is. What amazing internationalism from grassroots political and union and women’s organizations we have benefitted from for 45 years. What wonderful street demonstrations. What brave hunger strikes. What talented and determined journalists have contributed. What moving
candlelight gatherings have been held. What tenacity from Chagossians, especially women, in the most difficult times. And all this forced the Mauritian State to take its courage, go put in cases in the UN system. And the Mauritian State, like David, has defeated Goliath”, écrira avec une fierté toute légitime la militante de Lalit.

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