(ONG) Au-delà de la budget shopping list : Le SOS des ONG en faveur des enfants !

Shyam Reedha (Terre de Paix) : « Une étude et un suivi régulier pour mieux répondre aux besoins »

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Patricia Adèle-Félicité (Caritas) : « Le défi plus grand avec des familles de la classe moyenne complètement désemparées »

De la série de séances de travail dans le cadre des consultations pré-budgétaires, celle impliquant des représentants des Organisations Non-Gouvernementales (ONG) vaut son pesant d’or dans ce contexte de COVID-19. Surtout, même le prétexte était le prochain budget, il n’en a été nullement de la surenchère des chiffres de prévision de croissance économique ou de déficits. Voire même de Budget Shopping Lists, comme c’est d’habitude le cas avec les autres composantes du partenariat social. L’urgence demeure plus terre-à-terre, notamment l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les familles. Avec la crise engendrée par la pandémie et le nombre grandissant de licenciements bousculant, pour ne pas dire renversant l’équilibre précaire des ménages, les ONG sont d’avis qu’il faut un suivi, non seulement pour évaluer l’impact économique, mais aussi psychologique, notamment sur les enfants, les plus vulnérables aux chocs en tous genres. Un véritable SOS en faveur de la catégorie des oubliés de la société.
La trentaine d’ONG, engagées dans divers secteurs sur le plan socio-économique, allant de l’accompagnement social à la protection de l’environnement, en passant par le bien-être des personnes handicapées, ont réservé au ministre des Finances, Renganaden Padayachy, jeudi dernier, une partition quasi inédite. Qualifié de cordial, cet exercice a permis à ceux qui sont sur le terrain de présenter les demandes pour mieux répondre aux besoins des personnes vulnérables. Shyam Reedha, président de la fondation pour l’enfance Terre de Paix, tout en reconnaissant que le Grand Argentier a été à l’écoute, dit attendre de voir si les suggestions seront prises en considération et traduites dans la réalité. « Le fait même de nous avoir écoutés est déjà une bonne chose. Ce dialogue est important, car nous avons fait des propositions pour améliorer la situation », note-t-il.
Shyam Reedha souligne l’importance d’une étude et d’un suivi régulier sur l’impact de la COVID-19 sur les familles. « C’est d’ailleurs une recommandation formulée par le secrétaire des Nations unies, Antonio Gutteres, depuis l’année dernière. La COVID-19 a causé beaucoup de chamboulements au sein des familles et les enfants sont aussi affectés. Il faut un suivi régulier pour connaître les conséquences à long terme. Car outre l’impact économique, il y a aussi l’impact psychologique », avance-t-il.
Dans ce contexte, la fondation pour l’enfance Terre de Paix a émis plusieurs suggestions en vue d’améliorer le service aux enfants en détresse. « Nous avons demandé au gouvernement d’accorder une enveloppe pour la construction de garderies de qualité un peu partout à travers l’île, en partenariat avec le secteur privé. Cela permettrait aux mamans d’aller travailler et aux enfants d’avoir un service selon les normes internationales. » Shyam Reedha ajoute que la relance post-COVID devra inclure ceux qu’on avait oubliés par le passé, des laissés-pour-compte habituels. « Il faudra inclure impérativement les personnes vulnérables », s’appesantit-il.

Jeunes en détresse

Dans ce même contexte, il plaide pour la construction de maisons d’accueil pour les jeunes dans chaque district. « Nous avons beaucoup de jeunes qui viennent à Terre de Paix, mais nous ne pouvons accueillir tout le monde. Il y a un réel besoin et, comme je l’ai dit, il faut penser aux impacts à long terme de la COVID-19 et au chamboulement que cela provoque sur la vie des enfants. On ne peut attendre des années après pour réaliser cela. Il y a aujourd’hui des enfants abusés qui ont le besoin de se retrouver dans des maisons d’accueil de normes internationales. Je ne parle pas de Shelter. »
Dans le même ordre d’idées, Shyam Reedha souhaite que le mécanisme de mise à exécution des dispositions de la Children’s Act soit mis en place. Terre de Paix étant également membre de l’Observatoire de la Parentalité de l’Océan Indien, son président a plaidé auprès du ministre des Finances pour que Maurice puisse accueillir un colloque régional sur l’impact de la COVID-19 sur les familles et pour dégager ensemble des outils de travail.
L’encadrement des enfants passe aussi par l’éducation, a tenu à rappeler Shyam Reedha. À ce sujet, il souhaite que le gouvernement augmente l’aide aux parents pour la scolarisation de leurs enfants à hauteur de Rs 500. « Le gouvernement accorde un Grant de Rs 200 à chaque enfant fréquentant une école maternelle. Les parents doivent payer le reste. Or, l’écolage coûte cher de nos jours, et la somme est restée à Rs 200 depuis 1996. Si on veut vraiment aider plus d’enfants à aller dans une école préscolaire, on doit aider les parents. Le budget du ministère de l’Éducation est à Rs 66 millions aujourd’hui. Je pense qu’on peut ajouter Rs 1 M pour porter le Grant à Rs 500. Ce n’est pas la mer à boire. » Sur le dossier de l’éducation toujours, Shyam Reedha souhaite l’élaboration d’une pédagogie appropriée pour favoriser l’inclusion des enfants à besoins spéciaux.

Incohérences du SRM

Patricia Adèle-Félicité, secrétaire générale de Caritas Île Maurice, rejoint les observations de Shyam Reedha. Particulièrement sur la nécessité de structures d’accueil pour les jeunes ainsi que l’impact de la Covid-19 sur les familles. Elle indique : « Avec la pandémie, la situation est telle aujourd’hui qu’on se retrouve avec des familles pauvres qui ont appris à être résilientes et des familles de la classe moyenne complètement désemparées. Là, le défi est encore plus grand, car ces familles avaient quand même un certain niveau de vie et ont une certaine pudeur à solliciter de l’aide ou à se tourner vers les services, » reconnaît-elle en mettant l’accent sur le côté délicat de la situation découlant des séquelles de la pandémie de Coronavirus.
Dans ce contexte, elle soulève une nouvelle fois la question des familles non-qualifiées pour figurer sur Social Register Mauritius. « L’année dernière, nous avions déjà soulevé cette question. Avec le salaire minimum, notamment, on se retrouve avec des familles vulnérables, mais qui ne sont pas éligibles pour être faire partie de ce registre. Car le barème actuellement est inférieur au salaire minimum. De plus, on ne prend pas en considération le nombre de personnes par famille. On avait dit qu’on allait venir avec un deuxième registre, mais on n’a rien vu », poursuit Patricia Adèle Félicité. Avec la situation économique liée à la pandémie, le problème pourrait s’aggraver, dit-elle.
Caritas Île Maurice n’a pas caché ses inquiétudes non plus par rapport aux risques que certaines familles ayant bénéficié de l’aide gouvernementale se retrouvent disqualifiées du SRM. « À la fin de chaque année, on fait une évaluation des revenus de la famille pour décider si elle est toujours éligible à figurer dans le registre social. Or, une allocation de Rs 10 200 pendant deux mois à une famille peut impacter sur ses revenus. Nous avons demandé au ministre des Finances de considérer cette allocation comme un cas exceptionnel, afin de ne pas pénaliser ces familles. Cela ne peut être une excuse pour les disqualifier. » Patricia Adèle-Félicité plaide pour une révision des critères du SRM et de l’aligner sur le salaire minimum. « Beaucoup de familles ne peuvent bénéficier des autres “schemes” du gouvernement parce qu’elles ne sont pas sur le SRM. »

Rajeunissement des sans-abri

Comme Shyam Reedha, la secrétaire générale de Caritas Île Maurice s’appesantit sur la nécessité de structures d’accueil pour les jeunes. L’ONG, qui gère deux abris de nuit, à Port-Louis et à Saint-Jean, constate depuis quelques années le rajeunissement de la population des sans-abri. « Le profil a beaucoup changé depuis que nous avons ouvert le premier abri. On se retrouve avec beaucoup de jeunes et notre préoccupation est leur intégration sociale », dit-elle.

Elle explique que beaucoup d’entre eux viennent des Shelters ou du Rehabilitation Youth Centre. « À 18 ans, lorsqu’ils quittent ces structures, ils n’ont aucun endroit où aller. Il est grand temps qu’on vienne avec une stratégie pour l’intégration sociale de ces jeunes. Nous souhaitons que l’État investisse dans ce domaine, car ce n’est pas possible qu’un jeune de 20 ans se retrouve dans un abri de nuit. Il y a tout un travail de réinsertion à faire. Ils ont vécu un gros traumatisme pendant des années. »

Elle insiste sur le fait qu’il faut impérativement encadrer ces jeunes pour qu’ils ne se retrouvent pas dans la rue et être pris dans un cercle vicieux. Patricia Adèle-Félicité souligne que d’autres ONG, comme Ki nou été, PILS, SAFIRE ou encore Terre de Paix, ont également attiré l’attention sur ce problème. Selon elle, « il est grand temps d’agir ».
La présentation du prochain budget devra apporter la preuve si les plaidoiries des ONG en faveur des sans-voix de la société comptent dans la New Normality Post-COVID-19…

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