PANDÉMIE DE COVID-19 — Air Mauritius : L’électrochoc !

Un délai de 70 jours pour présenter un Rescue Plan avec une compagnie aérienne nationale Downsized

- Publicité -

Rama Sithanen : « Il n’y a pas quatre solutions, soit la restructuration, soit une injection de fonds, soit repreneur ou un Demerging de ce conglomérat »

L’électrochoc des répercussions économiques et financières de COVID-19 s’est manifesté du côté de ce qui était le fleuron de la République de Maurice. La compagnie aérienne nationale, Air Mauritius, a été placée sous Voluntary Administration avec Sattar Hajee Abdoula et Arvind Gokhool de Grant Thornton, nommés en tant qu’administrateurs, leur mission aux termes des dispositions de l’Insolvency Act étant de soumettre un Rescue Plan dans un maximum de 70 jours pour sortir de cette Insolvency. Cette décision, confirmée par voie de communiqué sous les Listing Rules de la Stock Exchange of Mauritius, ne constitue nullement une surprise dans la mesure où il était évident que les problèmes de trésorerie d’Air Mauritius étaient des plus accablants bien avant la pandémie du coronavirus. La suspension des opérations commerciales depuis exactement un mois hier n’a fait qu’achever l’équation. D’ailleurs, dès la fin de la semaine dernière, l’ancien ministre des Finances et ancien No 2 d’Air Mauritius, Rama Sithanen, signalait le potentiel risque de banqueroute d’Air Mauritius.

Dans la conjoncture, ce qui s’avère être une « véritable surprise » demeure le silence assourdissant émanant de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, pourtant avec dans les couloirs des Special Advisers en tous genres. Même pas un simple communiqué à hier soir. Très tôt hier matin, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, interrogé par Le Mauricien sur le sort d’Air Mauritius en prévision de la réunion d’urgence du Board d’hier, laissait entendre tout simplement : « Allez voir du côté du PMO pour des explications sur Air Mauritius. Aux Finances, nous travaillons sur le plan de relance ». Par contre, du côté de l’opposition, l’on ne s’est pas privé pour souligner avec force que « les problèmes d’Air Mauritius ne se résument pas seulement à la pandémie de COVID-19 » (voir plus loin).
« Depuis longtemps, Air Mauritius avait été admis à l’hôpital pour des problèmes de gestion chronique. Aujourd’hui, elle a été admise à l’Intensive Care Unit. Le dernier bilan financier au 31 mars de l’année dernière, l’Equity d’Air Mauritius était de 45 millions d’euros. Au cours de l’exercice financier se terminant au 31 mars dernier, elle a essuyé des pertes massives. Sans oublier, chaque mois, Air Mauritius doit trouver entre 16 et 18 millions d’euros (Rs 640 millions à Rs 720 millions) pour assurer ses coûts fixes en termes de salaires, de Lease et de Financial Lease. Comme on peut le constater, le COVID-19 a précipité le déclin de la compagnie aérienne nationale », déclare Rama Sithanen comme pour mieux situer l’équation.

La prochaine étape de la mise en administration volontaire pour défauts de paiement est que la nomination des deux administrateurs doit être approuvée formellement par les créanciers et qu’en tant que Going Concern, Air Mauritius devra être en mesure d’avoir accès aux facilités financières nécessaires pour être maintenue en Induced Coma. Cette décision doit intervenr dans un délai de dix jours. « A ce titre, des créanciers devront concéder à faire des sacrifices avec des négociations auprès des banques commerciales, des Leasing Companies et des fournisseurs », ajoute Rama Sithanen.
Après cette étape préliminaire, les administrateurs disposent d’un délai de 70 jours pour soumettre et faire avaliser un Rescue Plan avec quatre options sur la table, soit

— la restructuration de la compagnie aérienne que ce soit au niveau de la flotte, de l’Operations Network ou encore des ressources pour arriver à une « Air Mauritius Downsized » ;
— une injection de Fresh Capital venant des actionnaires, notamment le gouvernement, Rogers, Air France, Air India et la State Investment Corporation ;
— la recherche d’un repreneur avec les risques de se retrouver avec un prédateur sur la place internationale ; ou
— une opération de Demerging avec l’Unbundling des différentes opérations de la compagnie aérienne.
« Le plus vite le travail fait, le mieux ce sera et il faut encore garder en tête qu’Air Mauritius constitue une assurance pour le tourisme et le textile. La compagnie aérienne garde une dimension stratégique hors du commun pour une île comme Maurice », avance Rama Sithanen.
D’autres sources tendent à relativiser la situation à Air Maurice en avançant qu’une « administration volontaire est moins grave qu’un Receivership. Une Voluntary

Administration n’est pas une mise en liquidation. » Mais attention, le danger de la compression du personnel ne peut être écarté. « Ce n’est un secret pour personne qu’il faudra prévoir de gros licenciements chez Air Mauritius et le gouvernement n’en a pas le courage, donc la solution a été de nommer un administrateur pour exécuter le Dirty Job », font comprendre les plus perfides dans la conjoncture en mettant le chiffre de 25% pour l’opération de dégraissage.

Avec la décision du Board lors de la réunion d’hier, les administrateurs à être confirmés seront appelés à travailler en étroite collaboration avec le management de la compagnie. « En quelque sorte, ils prennent le pouvoir du Board. Celui-ci continue d’exister mais c’est l’administrateur qui a la main haute », notent des spécialistes.
Reste à savoir quel rôle jouera Sherry Singh, un des Top Chefs de Lakwizinn, dans la suite des événements…
————————
SÉANCE BOURSIÈRE — Hier : La cotation de MK suspendue à 13 h 40
Situation inhabituelle hier à la bourse hier. La mise sous administration de la compagnie nationale a forcé les autorités boursières, notamment le Listing Committee, à suspendre les transactions sur le titre. Cela s’est produit vers 13h40 alors que le communiqué de la compagnie venait d’être rendu public.
La Bourse s’est vu contrainte de prendre cette décision conformément au Listing Rule 3.9(a) et à l’Insolvency Act 2009. Suivant cette suspension, les transactions sur Air Mauritius resteront en suspens « until further notice ».
A l’ouverture de la séance d’hier, le titre de MK valait Rs 5.60 pour progresser à Rs 5.80 juste avant la suspension. Le Semdex était en berne hier (-1.15%), clôturant à 1 677.73 points.
La dernière fois que la bourse a dû intervenir avec la suspension d’une compagnie sous l’Insolvency Act, était dans le cas de MSM (Mauritius Stationery Manufacturers), placée sous administration judiciaire le 26 novembre 2013, suivant de graves difficultés financières.
Reza Uteem (MMM) : « Fodre pa met tou  blam lor Covid-19 »
Pour Reza Uteem, porte-parole du MMM pour les questions économiques, il n’est pas vrai de dire que le problème d’Air Mauritius est la pandémie de Covid-19. « Il ne faut pas oublier qu’Air Mauritius a fait l’objet d’une mauvaise gestion depuis plusieurs années. Les directeurs se sont succédé et la compagnie est sans directeur exécutif en titre depuis déjà plusieurs semaines.  Fode pas met tou blam lor Covid-19.
« S’il y a un problème, il vient de la section 162 de la Companies Act qui stipule que lorsqu’un directeur d’une compagnie est d’avis que celle-ci n’est pas en mesure de payer ses dettes, il est obligé de convoquer une réunion du conseil d’administration pour demander que la compagnie soit mise sous administration judiciaire. S’il ne le fait pas et que la compagnie va en liquidation, il risque d’être responsable de payer les dettes en question. Par conséquent, Air Mauritius, n’étant pas dans une position de payer ses dettes, est obligée de se placer volontairement en redressement judiciaire. Les administrateurs devront venir avec un plan de sauvetage. Aucun créancier ne pourra poursuivre Air Mauritius sans la permission de la Cour.»
————————
Le tandem Abdoula/Gokhool (administrateurs) : « Notre mission est de sauver MK »
« En tant qu’administrateur, notre mission est avant tout de sauver l’entreprise. Nous savons que la compagnie nationale d’aviation est un acteur clé de notre économie et qu’elle fait partie de notre histoire. Plus encore, Air Mauritius est une source de fierté pour la population mauricienne, et il ne fait aucun doute que cette nouvelle nous touche tous. En cette période difficile, il est essentiel que nous nous mettions au travail, avec tous les partenaires de cette industrie à Maurice, pour mettre en œuvre les mesures nécessaires pour sauver la compagnie nationale »
« Suite à la propagation de l’épidémie de coronavirus à l’échelle planétaire, tout le secteur aérien, et les compagnies d’aviation en particulier, vivent la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale ». Ils citent les cas de Virgin Australia, et de la South African Airways pour ajouter que « la situation n’est guère différente pour Air Mauritius, qui est fortement dépendante du tourisme, un des secteurs les plus impactés aujourd’hui chez nous. »
————————
Jack Bizlall (Intersyndicale d’Air Mauritius) : « Air Mauritius échappe au  contrôle politique désormais »
« Tous les dirigeants syndicaux faisant partie de l’Intersyndicale auront une rencontre par voie de visioconférence afin de préparer un mémoire qui sera soumis au gouvernement. Cette décision a semé la panique chez les employés d’Air Mauritius et d’Airmate. La raison : la décision qui sera prise par les administrateurs  vont échapper à tout contrôle politique. Un Receiver manager prend tout simplement des décisions contractuelles et légales. Il considère tout simplement l’aspect technique des choses sur le point de vue des finances et des opérations. L’Intersyndicale va reprendre ainsi toutes les critiques formulées depuis 2001 pour qu’Air Mauritius continue à exister sur une base solide. Dans le mémoire que nous allons préparer, nous allons citer tout cela et a choisi un groupuscule de gens qui font la pluie et le beau temps chez Air Mauritius, qui est la plus grande entreprise de Maurice. Sa situation aura maintenant un impact sur le secteur privé. Désormais, le gouvernement ne pourra rien refuser au secteur privé. Le gouvernement doit entrer maintenant dans une logique des négociations avec les receiver managers. »
————————
Radakrishna Sadien : « Tirer des leçons de certaines pratiques du passé »
« C’est vraiment triste de voir une fierté nationale en arriver là. On savait que MK avait un plan de restructuration et nous avions émis des propositions à ce sujet. J’espère que les administrateurs qui ont été nommés parviendront à sortir la compagnie de cette situation. Je souhaite qu’il y ait une ligne de communication avec le syndicat, car il faut considérer les travailleurs en priorité. N’oublions pas que c’est leur seule source de revenus. Le gouvernement a déjà pris des initiatives pour protéger les travailleurs en cette période de pandémie. J’espère qu’il en sera de même pour les employés de MK. Mais je dirais également que cette situation doit aussi permettre de tirer des leçons de certaines décisions et de certaines largesses du passé. Il y a des membres du ‘top management’ et du board qui ont bénéficié de privilèges extraordinaires. Je dirai qu’il y a eu aussi du ‘mismanagement’ quand on a abandonné certaines dessertes, qui ont profité à Emirates Airlines. Le gouvernement a aujourd’hui le devoir d’aider MK à redresser la barre. S’il a pu payer le salaire des employés de secteurs profitables comme les banques commerciales et les compagnies d’assurances, il peut bien aider MK. N’oublions pas que si la compagnie demeure en difficultés, il y aura un impact fatal sur le tourisme et d’autres secteurs associés. »
————————
Reaz Chuttoo (CTSP) : « Qu’on n’en profite pas pour  se débarrasser d’Airmate ! »
« Je m’attendais à une décision forte au niveau de MK depuis quelque temps, étant donné qu’il y avait une démarche de réforme, avec Sherry Singh à la tête. Ce qui a provoqué le départ du CEO, Somas Appavou. C’est sans grande surprise donc que j’ai appris sa mise sous administration volontaire. Les finances étaient déjà dans le rouge et cela s’est aggravé avec le COVID-19. Je préfère une mise sous administration volontaire plutôt que de voir des créanciers mettre la compagnie sous administration judiciaire et vendre ses Assets. J’en profite pour mettre en garde : qu’on ne se serve pas de cette situation pour se débarrasser des sisters companies, dont Airmate. Nous savons tous qu’Airmate, c’est Air Mauritius. Qu’on ne cherche pas l’occasion de céder cette dernière à un opérateur du privé. Par ailleurs, à mon avis, la seule solution pour sortir de cette situation, c’est que le gouvernement injecte de l’argent dans Air Mauritius et qu’on nationalise la compagnie. Il faut également réduire certains coûts. Dans un mémoire que la CTSP a déjà émis aux autorités dans le sillage de la crise causée par le Covid-19, nous avons déjà suggéré que les personnes de 60 ans et plus soient mises à la retraite. On peut également proposer un Voluntary Retirement Scheme pour les moins de 60 ans afin de libérer de l’emploi pour les autres. Car à partir de 60 ans, ils auront droit à leur compensation ainsi qu’à leur pension de vieillesse. Ils auront donc les moyens nécessaires pour subvenir à leurs besoins. »
————————
XLD : « Finn met MK  dan lame kreansie »
« Finn met MK dan lame kreansie. C’est connu que la compagnie est sous une mauvaise administration depuis 2015, notamment avec les nominés politiques qui y ont fait le va-et-vient depuis. Il n’y aurait eu que deux solutions pour sortir de cette situation financière dans laquelle se retrouve Air Mauritius notamment que le gouvernement octroie une Letter of Comfort pour démontrer son soutien à la compagnie ou encore de la placer sous administration.  Le problème c’est que l’administrateur, qui est d’ailleurs un proche du pouvoir, est devenu le tout-puissant. Je doute de sa capacité de gérer ce dossier étant donné que sa firme ne possède pas le personnel  nécessaire pour s’occuper d’un tel dossier. Ki lexperians li ena pou roul enn konpagni de sa grander-la ? Li pena lexperians dan sa domenn-la. Li pena enn gro striktir a so dispozision . Kreansie kapav demin met li deor ek fer seki zot oule ».
————————
Awad Balluck : « Toultan finn ena maladministrasion »
« Toultan finn ena maladministrasion.  Li tris pou pei, pou bann travayer, pou bann aksioner seki pe arive. Enn lepok ti pe dir sa em zwayo lakouronn. Covid-19 finn agrav sitiasion Air Mauritius. Konpagni-la ti dayer deza an move leta », affirme le président de l’association des petits porteurs.
————————
Sen Ramsamy (ex-directeur de l’AHRIM): « Bouffée d’air frais en ce temps difficile »
« Je vois sur les réseaux sociaux une sorte de panique mais je crois que c’est dans l’intérêt de la compagnie. Ce n’est pas une mauvaise chose. Cela permet de geler toute action possible de la part des créanciers. C’est le but d’une administration volontaire. C’est une bouffée d’air frais en ce temps difficile. La situation, certes, est très inquiétante mais avec un peu de bonne volonté, si on met des personnes compétentes à la tête et non pas des personnes que nous aimons, on pourra voir la lumière au bout du tunnel »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -