Pandémonium socio-économique : L’étau inéluctable du COVID-19

  • Avec l’annonce du premier décès au coronavirus du samedi 21 mars, le nombre de cas positifs est passé de 14 à 102 en huit jours, avec des craintes de progression alarmante dans les jours à venir
  • Maurice sollicite l’aide d’urgence des institutions financières internationales sous forme de Budget Support, avec une première enveloppe de Rs 4 milliards agréée par le FMI au cours de la semaine écoulée
  • Un Tailor-Made Loan d’un montant de 650 millions de dollars US (Rs 26 milliards) en discussions avec la Banque mondiale sous la Castastrophe Deferred Drawdown Option et l’Agence française de Développement
  • Rs 2,8 milliards pour le Wage Assistance Scheme des Finances pour assurer les salaires dans le secteur formel de l’économie en cette fin de mars

L’étau de la pandémie du COVID-19 se resserre de manière inéluctable autour de Maurice. Sur le plan de l’urgence sanitaire, la progression du nombre de cas positifs au coronavirus au cours de ces deniers huit jours, soit depuis l’annonce du premier décès lié au Virus Sans Frontière, laisse entrevoir que dans les prochains jours, la situation pourrait s’avérer encore alarmante vu que le chiffre est passé de 14 à 96. Avec la réception de nouveaux testing kits et l’extension de l’exerice de contact tracing des cas rapportés et une certaine indiscipline notée de la part de la population sur le terrain quant à l’urgence de respecter à la lettre le confinement order, il est plus qu’évident que dans les jours à venir, l’évolution du nombre de cas positifs devrait déclencher des signaux alarmants (voir plus loin les commentaires du Premier ministre, Pravind Jugnauth, après la réunion du High-Powered Committee d’hier).

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Les appréhensions sont d’autant plus évidentes sur le front économique et social. Dans l’immédiat, la population, affectée par la fermeture obligatoire des supermarchés et boutiques, doit se fier à un système D pour s’approvisionner en denrées alimentaires essentielles le temps de ce curfew order commercial. Mais, avec l’arrêt des activités dans les principaux secteurs de production de biens et services, le coût sur l’économie de Maurice devrait s’alourdir en un clin d’œil, dépassant nettement les Rs 18 milliards du war chest avancées au tout début de cette crise. De ce fait, à l’Hôtel du gouvernement, et plus particulièrement au ministère des Finances, l’heure est au contingency plan avec un financement de l’ordre de 650 millions de dollars américains (Rs 26 milliards) ne pouvant venir que des institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, et aussi probablement l’Agence française de développement (AFD).

l’instant, l’opération de fire-fighting contre les séquelles du COVID-19 est axée sur le plan domestique, avec un premier déboursement de Rs 2,8 milliards du gouvernement pour assurer le paiement des salaires de tous les employés du secteur formel dans le privé. Ce montant repésente en moyenne 15 jours de chômage technique pour les salariés avec des pay packets inférieurs à Rs 50 000 par mois. Ce ballon d’oxygène devrait maintenir un minimum dans le circuit de la consommation, représentant 70% du produit intérieur brut (PIB).

Toutefois, tout le système des entrepreneurs travaillant à leurs propres comptes, comme les chauffeurs de taxi, les opérateurs de bateaux de plaisance ou encore le marchand de dholl-puri du coin, sont hors de portée de ce filet de protection sociale en temps de crise. Avec un éventuel prolongement de la période de chômage technique et l’engagement communiqué au Fonds monétaire international à l’effet que «government will introduce a Wage Support Scheme to provide financial support to employees who will become technically unemployed on a temporary basis due to the impact of the COVID-19 virus », chaque jour supplémentaire coûtera à l’Exchequer quelque Rs 190 millions au bas mot.
Pour ce qui est de la grosse machinerie de production de biens et services, comme la manufacture, le tourisme et opérateurs dans les services financiers et autres call-centres, le recours disponible est le COVID-19 Plan de Soutien du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, et le Special Relief Scheme de la Banque de Maurice. En fin de semaine, les autorités compétentes devaient être en présence des premières demandes d’assistance financière auprès des banques commerciales pour les Rs 5 milliards du Special Relief Fund de la Banque centrale et des Rs 4,5 milliards générées par la réduction d’un point du cash reserve ratio imposé aux banques.

Indépendamment des injections de fonds pour soutenir les opérateurs économiques face au cataclysme du COVID-19 avec les plans élaborés initialement, des mesures complémentaires ont été adoptées en cours de semaine écoulée. La Banque de Maurice a déjà introduit une Special Foreign Currency Line of Credit, libellée en dollars américains, de l’ordre de Rs 12 milliards (300 millions de dollars). Ce guichet, qui s’adresse aux opérateurs avec des recettes en devises étrangères, également les Petites et moyennes entreprises (PME), sera opérationnel jusqu’au 30 juin prochain.

« Declaration of emergency »
Ces fonds avancés aux banques commerciales seront assortis d’un taux d’intérêt de 6-Month USD Libor, le repaiement se faisant sur une période de deux ans à partir de la date du décaissement. La Banque de Maurice a aussi mis à la disposition des banques commerciales un USD/Mauritian Rupee Swap Arrangement de Rs 4 milliards (100 millions de dollars US) pour la période arrivant à échéance le 30 juin. « This arrangement will enable commercial banks to support import-oriented enterprises, except the State Trading Corporation which will be dealing directly with the Bank of Mauritius for its foreign currency requirements untl further notice », note la Banque centrale.

Pour ce qui est des besoins de la State Trading Corporation en devises étrangères pour les importations pétrolières, la pression sur la Banque centrale devrait être moins contraignante compte tenu que pour la cinquième semaine consécutive, le cours mondial du pétrole est à la baisse, s’affichant sous la barre des 25 dollars US à la clôture de vendredi. En sus, avec l’arrêt des activités économiques depuis plus d’une dizaine de jours et le ralentissement à prévoir dans le sillage de la longue convalescence économique du COVID-19, la State Trading Corporation devra réviser à la baisse ses importations pétrolières pour le reste de cette année. Cette démarche pourrait aussi générer un effet bénéfique sur le déficit de la balance commerciale.

En contrepartie, pour financer ces différents programmes de soutien financier, que ce soit sur le plan économique ou social, le gouvernement n’aura d’autre choix que d’avoir recours à la formule de budget support disponible au sein des institutions financières internationales, donc un alourdissement de l’endettement public. Ainsi, d’intenses consultations ont été initiées depuis plusieurs jours déjà par le ministère des Finances avec la Banque mondiale et l’Agence française de développement pour un COVID-19 Economic Rescue Package urgent de quelque 650 millions de dollars américains (Rs 26 milliards) en faveur de Maurice, soit un maximum de 325 millions de dollars de la Banque mondiale et un montant similaire de l’Agence française de développement.

Des recoupements d’informations effectués par Le Mauricien auprès des sources concordantes indiquent que plusieurs séances de travail ont déjà eu lieu par visioconférence entre les différents stakeholders à Maurice et à Washington, dont Erik Von Uexkull, le représentant de la Banque mondiale à Maurice. Des différentes formules de soutien budgétaire au menu, le gouvernement pourrait se pencher pour un Development Policy Loan sous la Catastrophe Deferred Drawdown Option avec la ligne de crédits disponible « upon declaration of an emergency in the area of disaster risk management, resilient planning, blue economy and health ».

Au terme des arrangements mis en place par la Banque mondiale et avec les échanges en cours, le représentant de l’établissement à Maurice s’accorde à dire au sujet de la présentation officielle du dossier de Maurice que « the preparation time should be around three months, hopefully this could be accelerated further in the current authorizing environment ». Par ailleurs, mention est également faite que « the biggest factor in favour of the Catastrophe Deferred Drawdown Option is that we could count on the additional funding from Agence Française de Développement. We can also blend the two instruments and disburse most of he World Bank Financing under a regular DPO while Agence Française de Développement would offer their funding under the Catastrophe Deferred Drawdown Option Instrument ».

« Rapid disbursement in times of distress »
À ce stade des discussions sur ce budget support conjoint de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement, le volet des conditions assorties est évalué en tenant en ligne les «market conditions for the hedge from variable to fixed interest ». Le choix devrait se faire entre une «10-Year Grace Period and 20-Year Final Maturity » ou une  » 10-Year Grace Period and 30-Year Final Maturity ». Les taux d’intérêt au titre du fully-fixed rate en euro varieraient de 1,21% à 1,51%.

Néanmoins, Maurice peut encore se prévaloir d’un guichet plus rapide avec les séquelles de la pandémie du COVID-19, en l’occurrence l’Investment Policy Financing de la Banque mondiale. « Investment Policy Financing could directly support crisis response measures such as the envisaged equity facility of direct medical response to COVID-19 Outbreak. There are no prior actions, but World Bank financing would be tied to specific mutually agreed upon expenditures», font comprendre des spécialistes de la question, ajoutant que cette formule ne serait pas appropriée dans la conjoncture pour Maurice.

D’autre part, la décision de Maurice au sujet du remboursement en anticipation de la dette étrangère, avec une enveloppe de quelque 90 millions de dollars (Rs 3,6 milliards) spécifiquement pour la Banque mondiale cette année, pourrait faire l’objet d’une révision. Sur les Rs 18 milliards transférées des Special Reserve Funds de la Banque de Maurice en décembre dernier, quelque Rs 11 milliards sont toujours au Consolidated Fund du gouvernement et il n’est pas exclu que ce montant soit réalloué aux actions économiques plus urgentes avec le gel du remboursement en anticipation.

Du côté de l’hôtel du gouvernement, l’on indique qu’une décision par rapport à ce dernier développement pourrait être envisagée dans le cadre des préparatifs pour la présentation du premier budget de Renganaden Padayachy en tant que ministre des Finances. « D’ici la présentation du prochain budget, l’on devrait avoir une meilleure visibilité de l’envergure de l’impact économique du COVID-19 », ajoute-t-on à ce stade.
En attendant la conclusion des discussions avec la Banque mondiale, Maurice a bénéficié d’un soutien financier de Rs 4 milliards (96 millions de dollars américains) du Fonds monétaire international au cours de la semaine écoulée. Ce montant sous le Rapid Financing Instrument représente 50% de l’IMF Quota de Maurice avec « this facility designed for rapid disbursement in times of distress and does not require a full-fledged Fund Program ».

Faisant état d’un « national health emergency and a major slowing down of productive sectors » dans sa demande d’aide d’urgence auprès des institutions financières internatonales, le gouvernement fait part de son plan de soutien aux opérateurs économiques, aussi bien que du Wage Support Scheme face au chômage technique. « The overall objective is to ensure the continuity of the productive capacity and to be prepared for the recovery », indique le gouvernement, qui a également fait une autre demande auprès du FMI.

Avec une croissance économique nettement en berne, sinon une décroissance et des ressources financières mobilisées pour faire face à la pandémie et des séquelles sur les finances publiques, le gouvernement a sollicité une dérogation à des engagements pris par rapport à la gestion de la dette publique. Avec les dernières tendances en matière de gestion des dépenses publiques et sur le front de l’endettement public dans les prochains mois, le Statutory Debt Celling de 60% du PIB ne sera pas atteint en juin 2021.

« We are, therefore, informing the International Monetary Fund that Government is suspending this commitment during the crisis period until further notice. The target will most likely be achieved by June 2024 », fait comprendre officiellement l’Hôtel du gouvernement.

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