Pénurie de médicaments : la Santé enquête sur un marché de Rs 4 milliards

  • Les autorités : « Le devoir des importateurs de s’assurer que les patients obtiennent leurs médicaments à n’importe quel moment de l’année »
  • Opinions divergentes dans le privé sur les raisons de ce manque

De manière régulière, la pénurie de médicaments dans le circuit privé se fait sentir. Des doléances sont enregistrées tant du côté des pharmaciens que des membres du public à ce sujet. Devant ce Recurrent Feature, le ministère de la Santé a initié une récente enquête en vue de déterminer les motifs. Il y a un mois il manquait sur le marché au moins une centaine de médicaments dont des Liife Saving Drugs”. Ces jours-ci, Il en manque une trentaine. Mais la Pharmaceutical Association of Mauritius, regroupant les pharmaciens du privé, soutient que la situation « serait sous contrôle ». Cependant, la PAM s’aligne sur cette investigation, avec Arshad Saroar, son président, soulignant qu’« il faut connaître les raisons réelles pour que le manque aigu qu’on a connu il y a un mois ne se répète pas ». Le marché de médicaments dans le privé pèse entre Rs 3 à Rs 4 milliards et l’on dénombre vingt-six importateurs (six grosses boîtes contrôlant environ 80% du marché et le reste partagé par des medium and small wholesalers).

- Publicité -

Depuis quelque temps, il n’est pas rare d’entendre des personnes souffrant de telle ou telle maladie de manière chronique évoquant leurs difficultés à obtenir dans le privé l’un ou l’autre médicament habituel prescrit par leurs médecins traitants respectifs. Selon la Pharmaceutical Association of Mauritius, ce manque était aigu il y a un mois et concernait une centaine de médicaments. « Le plus grave c’est qu’il manquait à cette époque des life saving drugs tels le « Warfarin » et « Angised » et « Ikorel », qui sont des médicaments pour les troubles cardiaques et pour lesquels il n’y avait pas d’alternative. Il manquait aussi des médicaments efficaces pour les maladies respiratoires », indique le président de la PAM.
La pénurie est-elle toujours grave ? « Entre-temps, nous avons obtenu graduellement les principaux médicaments. Certes, il manque toujours une trentaine de produits sur le marché mais la situation est gérable car la pénurie n’est pas si aiguë », indique Arshad Saroar. Cette pénurie qui perdure concerne les médicaments prescrits dans le traitement des maladies respiratoires, notamment le Solupred et Celesten. Il manque aussi des anti-inflammatoires pour les maux de gorge dont le sirop Maxillase. S’il existe une alternative pour le Solupred et Celestin, soit le Predcip (20 mg), en revanche, il n’y aurait pas d’option pour le sirop Maxillase.

Que s’est-il passé ces derniers mois pour qu’il y ait une rupture de stock de médicaments de première nécessité dans le privé et pourquoi la pénurie dure toujours pour certains produits ? Est-ce un manque de planification des importateurs ? Y a-t-il eu retrait de certains médicaments ? Y a-t-il eu restriction de certains produits de la part des autorités comme l’affirment des propriétaires de pharmacie ?
Les interrogations fusent en effet. On relève des divergences d’opinion parmi les opérateurs du privé eux-mêmes sur cette question de pénurie. « C’est un faux débat parce qu’on ne connaît pas exactement les produits qui manquent. De temps en temps, il y a un manque conjoncturel mais la situation n’est pas alarmante », affirme un importateur qui minimise le problème. « Comment peut-on dire que c’est un faux débat car depuis quelque temps il n’est pas rare que je dirige des clients vers d’autres pharmacies parce que mon stock est épuisé pour les médicaments qu’ils demandent », réplique un propriétaire de pharmacie de Rose-Hill.

Des pharmacies pointent du doigt le ministère pour justifier cette pénurie en avançant l’introduction d’un registration fee pour chaque médicament et l’abolition de la pratique pour l’importation parallèle. « Le prix du registration fee fixé par le ministère est exagéré et du coup les importateurs n’ont pas renouvelé le stock de certains produits », disent quelques propriétaires de pharmacie. Mais l’association des pharmaciens conteste ce point de vue: « Cette pénurie n’a rien à voir avec le registration fee ». « Le paiement du registration fee ne sort pas de la poche de l’importateur. C’est le fournisseur du médicament qui débourse chaque année pour le registration fee » poursuit le président de la PAM.

Des grossistes estiment, pour leur part, que « l’importation parallèle aurait pu pallier le manque de certains médicaments importants » et ils demandent au ministère de revoir sa décision sur cette question. « En outre, les prix des médicaments sous l’importation parallèle sont beaucoup plus abordables et à la portée d’un plus grand nombre de malades. Bizin otoriz inportasion paralel », réclame-t-on.

Des responsables du ministère de la Santé familiers avec le dossier des pharmacies privées et de l’importation des médicaments pour le privé récusent les critiques formulées contre ce ministère pour ce problème de rupture de stock. « Le ministère n’est pas à blâmer ! » lâchent des cadres du ministère. Et de répliquer : « La quantité des médicaments concernés par l’importation parallèle est insignifiante dans le volume total des médicaments importés. Comment peuvent-ils dire que cette mesure d’interdiction a pu impacter le marché ? », La PAM admet, elle aussi, que le manque de médicament n’est pas dû à l’importation parallèle. Toutefois, son président souhaite un retour à cette pratique en raison, dit-il, « de la variété des prix de médicaments à la portée d’un plus grand nombre de malades ».

Au ministère de la Santé, en attendant la fin de l’enquête initiée, des cadres font une autre lecture des événements; l’on constate une certaine irritation des autorités envers les importateurs et on se demande si un manque de planification de la part de ces derniers ne serait pas la cause cette pénurie. Nos interlocuteurs du côté du ministère font remarquer que les importateurs passent leurs commandes six mois à l’avance et de ce fait, ces derniers ont une connaissance de l’évolution de la vente quelle que soit la période de l’année. « Ils savent exactement à quel moment il pourrait y avoir un manque de tel ou tel produit et en fonction de ces données, ils devraient pouvoir déjà informer les pharmacies et les médecins en cas d’un éventuel manque pour qu’ils puissent trouver des médicaments de substitution », estiment des responsables du ministère.

Certains importateurs de médicaments nient un quelconque « manque de planification » de leur part et évoquent un changement dans le réseau de distribution des fournisseurs étrangers. « Les fabricants sont intéressés par les gros volumes de vente et si vous passez une petite commande ils vous laissent tomber. D’autres fournisseurs pour ne pas perdre ce marché placent leurs clients mauriciens dans des zones de distribution qui seront pour eux plus rentables. Nous devons attendre qu’ils fournissent une zone spécifique pour avoir nos commandes et en attendant les stocks s’épuisent », tente d’expliquer un importateur moyen.

Une justification à laquelle les responsables de la Santé n’adhèrent pas. Il incombe aux importateurs, selon ces derniers, de s’assurer que le produit est disponible tout au long de l’année. Nos interlocuteurs font remarquer que les importateurs insistent pour avoir l’enregistrement de tel ou tel produit et que par la suite, ils font la tournée des cabinets des médecins pour en faire la promotion. « «Les médecins ont fait confiance à tel ou tel médicament et comment les importateurs osent-ils dire aujourd’hui que les fabricants ne veulent plus leur vendre ces produits parce que le marché mauricien serait trop petit ? C’est une aberration. La logique commerciale ne tient pas la route lorsqu’il s’agit de la santé et de la vie d’une personne. il ne faudrait pas qu’il y ait interruption dans le traitement par faute de médicaments. Ne pas avoir un médicament essentiel est un stress supplémentaire pour le malade », fulminent les responsables du ministère.

Face à la polémique en cours, l’idée d’une chartre pour les importateurs des médicaments a été suggérée au ministère. « La disponibilité des médicaments sur le marché et l’aspect de communication avec les pharmaciens et les médecins doivent être les deux points principaux de cette chartre », disent des pharmaciens de carrière qui ont fait cette proposition aux autorités « sur un ton amical ».

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -