PERSPECTIVES 2021 : Fermetures d’entreprises et licenciements au menu

Les PME en danger et les grandes entreprises seront forcées de réduire leurs effectifs

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Textile : attention au risque d’insolvabilité/défaut de paiement de nos acheteurs étrangers

Tourisme : retour au niveau de 2019… pas avant 2025 !

Services financiers : « The longer we remain on the black list, the higher the chances of laying off »

Non, la crise n’est pas derrière nous et le pire est peut-être même à venir… Le Dr Bhavish Jugurnath, économiste/expert-comptable, Alexis Delamaire, Managing Director de Credit Guarantee Insurance Ltd, et Zayd Soobedar, économiste et Managing Director de Strategic Insight, brossent un tableau sombre des perspectives économiques pour l’année en cours et anticipent des fermetures d’entreprises et des licenciements, « que même les aides gouvernementales ne pourront empêcher ».

L’heure est grave. « Les gens ne réalisent pas », lâche Zayd Soobedar. Les exportations sont en baisse, il y a une forte dépréciation de la roupie et le secteur touristique (principal pilier de l’économie), est au point mort depuis neuf mois. De nombreuses entreprises sont en difficulté et certaines ont déjà essuyé des pertes massives. Le chômage est menaçant. « Si l’on ne relance pas les entreprises, le bilan risque de s’alourdir en termes de fermetures et de licenciements. Parallèlement, avec les aides gouvernementales, le déficit budgétaire pourrait atteindre 10% du PIB pour l’année 2020/21 et la dette publique pourrait culminer à 78% du PIB en 2021 », affirme de son côté le Dr Bhavish Jugurnath.
Avec l’augmentation des infections à la COVID-19, les réouvertures se sont interrompues et les reconfinements sont rétablis dans certains pays, ce qui n’augure rien de bon pour l’économie à l’aube de cette année 2021. Le retour à un niveau d’activités pré-pandémiques sera « compliqué », observe Bhavish Jugurnath.

« Maurice est confrontée à des chemins difficiles. Les perspectives restent précaires à cause d’une combinaison de facteurs : la propagation continue de la pandémie et l’importance croissante dans notre économie de secteurs gravement touchés, comme le tourisme, l’exportation et la manufacture. En outre, l’impact économique de ces nouvelles variantes du SRAS-CoV-2 sera hétérogène dans la répartition des revenus. » Partant de ce constat, il estime que de nombreux travailleurs de l’industrie du tourisme, du commerce de détail et des transports continueront à subir une réduction significative du travail à cause des frontières fermées et de la faible demande pour les biens et services.

À ce stade, ce qui est clair, c’est que la pandémie a entraîné le pays « dans une profonde récession » et le gouvernement devra « lutter » contre cette récession à court terme, dit-il, « tout en plaçant les différents secteurs économiques sur la voie d’une croissance durable, avec une productivité plus élevée tout en veillant à ce que les gains soient répartis équitablement et que la dette reste viable ».

Bhavish Jugurnath ajoute : « I believe the country is already facing a very difficult trade-offs between implementing measures to support near-term growth and avoiding a further build-up of debt that will be difficult to service down the road. »

Les politiques de soutien à l’économie à court terme devraient donc être conçues, selon lui, en vue de promouvoir une croissance « plus forte, équitable et résiliente ». Bhavish Jugurnath poursuit : « Les mesures fiscales et les dépenses devraient privilégier les initiatives qui peuvent contribuer à augmenter la production potentielle, assurer une croissance participative qui profite à tous et protéger les plus vulnérables. La dette supplémentaire contractée pour financer ces efforts est plus susceptible de s’autofinancer ultérieurement, en augmentant la taille globale de l’économie et l’assiette fiscale future. »

Réduire leurs effectifs

Entre-temps, l’économiste estime que le taux de chômage grimpera. À l’heure actuelle, le taux de chômage officiel est de près de 7%. Il pense que la crise verra de nombreuses petites et moyennes entreprises fermer leurs portes et de grandes entreprises seront forcées de réduire leurs effectifs. « Je ne suis pas sûr que l’aide offerte par le gouvernement suffira à empêcher cela. Sur les quatre principaux employeurs que sont l’hôtellerie, la construction, le commerce de détail non-alimentaire et la manufacture, deux dépendent des marchés mondiaux et il est difficile de prédire quand ils reprendront. Nous nous dirigeons peut-être vers une période de chômage élevé à deux chiffres, malheureusement. La consommation des ménages ne se redressera que lentement, le chômage devant s’élever à 15% en 2020, selon moi, avant de retomber à une moyenne de 10% cette année et en 2022, alors que le secteur du tourisme commence à s’améliorer et que l’activité commerciale intérieure commence à revenir à la normale. Les décideurs devraient faire tout ce qui est nécessaire pour créer des emplois et retrouver des emplois, aussi rapidement que possible. »

Compte tenu de la gravité de la récession et du retrait éventuel de l’aide d’urgence accordée aux employeurs et aux employés qui ne peut être soutenue à long terme, l’augmentation des faillites pourrait « aggraver » les pertes d’emplois et de revenus, poursuit Bhavish Jugurnath. Il ajoute : « Deteriorating financial sentiment could trigger a sudden stop in new lending to vulnerable companies. Moreover, cross-border spillovers from weaker external demand could amplify the impact of country-specific shocks. » Et la reprise risque de se faire attendre, parce que l’industrie « la plus fragile » et sur laquelle Maurice compte pour la reprise économique est l’industrie du tourisme.
Mais les perspectives extérieures difficiles empêcheront une reprise de ce secteur. « Nous prévoyons un rebond des arrivées de touristes à partir de 2021. Ce sera l’un des principaux facteurs soutenant la croissance du PIB au cours des prochains trimestres. Cependant, le secteur sera toujours confronté à de graves défis, compte tenu de l’incertitude entourant la trajectoire du virus et les voyages internationaux. Je ne m’attends pas à ce que les arrivées de touristes reviennent au même niveau que 2019 avant 2025 au plus tôt. Les mauvaises perspectives du secteur se traduiront par une détérioration des conditions du marché du travail », analyse-t-il.

Trois facteurs clés caractériseront la prochaine étape de la reprise économique en ‘V’ selon Bhavish Jugurnath, une croissance mondiale synchronisée, un rebond des marchés émergents et le retour de l’inflation. Il base son analyse sur l’idée qu’un vaccin sera disponible à un moment donné en 2021, permettant l’émergence d’une « nouvelle normalité » d’activité économique sur les marchés émetteurs du tourisme, en particulier au Royaume-Uni et en France, qui représentent 30% des arrivées. « Si cela ne se produit pas, ou si la pandémie continue d’avoir un impact négatif sur la demande de voyages, même après le développement d’un vaccin, la reprise pourrait être retardée encore plus… »

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Zayd soobedar (Strategic Insight) : « Le pire est devant nous »

Zayd Soobedar, économiste et Managing Director du cabinet Strategic Insight, est d’avis que « le pire est devant nous », et ce pour diverses raisons. D’abord parce que 2021 est une année caractérisée par un manque de visibilité, que ce soit au niveau local qu’international. Comme Maurice est très dépendante de l’international et que de nombreux pays sont en récession, cela aura « un impact certain » en particulier sur nos exportations. « Nous ferons face à une situation où la demande ne sera pas là. Cela affectera surtout notre secteur textile. En Europe, notre principal marché d’exportation, les gens consomment moins et achètent moins de vêtements, they are more careful. »
En outre, beaucoup de grandes enseignes de vêtements en Europe sont confrontées à des difficultés financières que ce soit Marks & Spencer, Top Shop, Clarks et Debenhams, qui a fermé ses portes. En 2020, dejà beaucoup de grosses pointures du prêt-à-porter sont parties en liquidation, poursuit-il. L’enseigne Zara, très connue, a quant à elle, fermé 1 500 magasins. « Ce qui fait que le textile est devenu très volatil », dit Zayd Soobedar.
Il faudra aussi compter avec les “supply chain disruptions” et avec des fournisseurs de matières premières en difficulté financière. « L’impact est à trois niveaux, sur nos fournisseurs de matières premières, sur notre industrie textile et sur les acheteurs », observe le Managing Director de Strategic Insight, et 2021 s’annonce « plus difficile ». « Cette année sera décisive. La demande sera en baisse et, si les opérateurs textiles n’ont pas les reins solides en termes de fonds propres, vous savez ce qui se passera ! Le risque d’insolvabilité et de défaut de paiements des acheteurs étrangers est aussi très élevé », dit-il.
Il prévoit ainsi que le nombre de sociétés qui seront placées sous administration ou en liquidation « va augmenter significativement cette année ». En particulier dans les secteurs les plus exposés comme le textile et l’industrie touristique. Et il craint des licenciements, même dans le secteur du Global Business où « the longer we remain on the black list, the higher the chances of laying off ».
Dans le tourisme, les choses ne vont pas reprendre normalement avant neuf mois, selon lui, et ce même si on rouvre les frontières, car nos principaux marchés touristiques sont en récession, ce qui fait que le pouvoir d’achat des voyageurs est en baisse. En conclusion, Zayd Soobedar estime : « Les gens ne réalisent pas que la crise aura un effet domino sur l’économie et que, quand les choses se détérioreront dans un secteur, cela affectera d’autres secteurs annexes. Par exemple, la situation s’aggravera davantage dans le secteur Wholesale and Retail Trade, car les hôtels — qui sont eux-mêmes en difficulté — représentent 30% du Wholesale Trade. »

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Alexis Delamaire (Managing Director, Credit Guarantee Insurance Ltd) : « Hausse des licenciements et de cas de faillite »

Le pire est-il devant nous ?
L’économie mauricienne demeure résiliente. Si l’on se base sur une ouverture totale des frontières à partir de juillet/août, une croissance du PIB est envisageable par rapport à 2020, mais le PIB n’atteindra pas celui de pré-COVID. Certains secteurs bénéficient d’un rebond d’activités, comme la distribution ou le textile. Le consommateur final, étant cloisonné sur le territoire, consomme davantage en achat loisirs. Par ailleurs, certains opérateurs textiles réalisent un exercice très satisfaisant suivant le type de produit et le type de clientèle : on le constate dans le digital et sur les tee-shirts notamment.

Y aura-t-il des cas de mise en faillite et de fermeture d’entreprises ?
Le manque de visibilité amène une réduction des carnets de commandes depuis le dernier quadrimestre 2020. Les départs en retraite anticipés et les aides gouvernementales permettent de diminuer la masse salariale et d’améliorer la trésorerie des entreprises, mais ces dispositifs sont parfois lents dans leur mise en place. Il faut s’attendre à une augmentation des licenciements et du nombre de faillites. Certaines entreprises, très concentrées sur un ou deux clients, avec l’allongement des délais de paiement, seront davantage exposées à ce risque.

La nouvelle du reconfinement en Grande-Bretagne jusqu’à la mi-février est tombée comme un coup de massue en ce début d’année. Que vous inspire ce reconfinement ?
Cela démontre que l’application de règles strictes permet de réduire l’impact de cette pandémie. Certains pays ont été moins restrictifs, permettant une résurgence du nombre de contamination. Au-delà, on constate que seul le vaccin permettra d’enrayer cette pandémie. Cela doit nous amener à réfléchir sur la logistique de vaccination, nous permettant ainsi d’améliorer au plus vite la visibilité économique.

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