Pointe d’Esny – APRÈS TROIS SEMAINES DROSSÉ SUR LES BRISANTS : Scindé en deux, le MV Wakashio sabordé

– Ashok Subron : « Ce n’est pas Kavy Ramano qui décidera de la fin de l’opération Sea Booms artisanales, une expression de la réaction citoyenne face au laxisme des autorités »

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Après exactement trois semaines, le MV Wakahsio, bulk carrier nippon, battant pavillon panaméen, mesurant 300 mètres de long et 50 mètres de large, en route pour le Brésil, s’est résumé à une épave. Vers les 14h30, hier, le vraquier s’est littéralement scindé en deux avec la proue du vraquier tirée à partir de 16h30 par deux remorqueurs, soit les Tugs AHT Exoedition et AHT Summit, pour être sabordée en pleine mer au terme d’unorder émis en cours de matinée par le Director of Shipping, Alain Donat, conformément aux dispositions de la loi sur la navigation maritime. Mais les séquelles de ce désastre écologique sont encore là avec la poupe toujours enfoncée dans un banc de sable à côté des brisants au large de Pointe d’Esny. Mais le plus grave demeure, même si hier il n’y a pas eu de seconde vague, en l’occurrence la marée noire qui a envahi depuis une dizaine de jours le lagon du Sud-Est, avec des nappes de fioul relevées à plus de 14 kilomètres du site naufrage. Littéralement, tout le littoral partant de Blue Bay Marine Park jusqu’à Poste-La-Fayette est décrété zone sinistrée et interdit au public. Par ailleurs, la décision du ministre de l’Environnement de mettre un terme à l’opération de confection de booms artisanales, initiative de Rezistans & Alternativ et transformée en action citoyenne dans des points névralgiques, fait des vagues. Sur le Mahébourg Waterfront, malgré l’interdiction, le public était là et les militants écologiques ont poursuivi la mission de placer des booms en mer pour contenir l’avancée des oil slicks vers la côte.

Depuis mardi dernier, avec la présentation du Damage Report par les salvage masters de Smit Salvage confirmant que« based on the observations on board it seems that the vessel Wakashio is almost broken in tow pieces, attached by the deck only ». Ce rapport avait également identifié que « since there is a large crack on the side shell on both sides at frame 83 and this is also the location of the high deflection, it is believed that this is where the vessel will break eventually ». La séquence des événements jusqu’à 14h30 ont donné raison aux spécialistes de Smit Salvage quant au sort du vraquier.

Mais en début de semaine, la plus grande appréhension concernait les quelque 3 800 tonnes de fioul dans la soute duMV Wakashio. Déjà, la catastrophe écologique était évidente dans la zone sinistrée et le déversement de cette cargaison d’huile lourde dans la mer allait faire le cauchemar environnemental gagner en intensité. Au sein du National Oil Spill Coordination Committee, le but était de pomper tout le stock de carburant avant que ne survienne la fracture du bulk carrier. Malgré tout, entre 800 et 1 000 tonnes de cargaison devaient se retrouver à la mer. Avec les conséquences vécues.

Dès jeudi, le gros avait été fait, sauf pour des lubrifiants et autres carburants dans la salle des machines. Il ne restait qu’à attendre de voir la coque du MV Wakashio, déjà malmenée par la houle, se désagréger davantage. Et à 5h, hier matin, l’alerte était donnée par le salvage master : le vraquier pourrait se fracturer en deux à n’importe quel moment.
Plan d’action revu er corrigé

Dès lors, une réunion d’urgence du National Oil Spill Coordination Committee a été convoquée tôt le matin pour passer en revue le towing plan élaboré en collaboration avec l’International Tanker Owners Pollution Federation Ltd et les mesures de prévention avec le positionnement des éléments de la National Coast Guard et un renforcement des barrières de booms à des positions stratégiques en mer pour prévenir tout débordement d’huile lourde.

Les consultations ont également été axées sur la nécessité d’accroître les mesures de protection autour du Blue Bay Marine Park, des National Ramsar Sites d’île aux Aigrettes et de Pointe d’Esny. Les prévisions météorologiques au sujet d’une détérioration du temps dans les jours à venir avec des houles de 4,5 mètres ne sont pas venues se greffer sur une situation devenue compromettante.
Avec l’expertise étrangère disponible en matière de lutte contre la pollution marine, le plan d’action en vue de nettoyer les zones sinistrées, de même que la réhabilitation du Marine and Coastal Eco-System, a été revu ét corrigé. De ce fait, quelque 600 mètres additionnels d’équipements ont été installés dans le lagon, alors que les skimmers étaient en stand-by pour des interventions d’urgence.

En parallèle, pendant toute la matinée, les rotations des unités du Police Helicopter Squadron étaient en mode accéléré en vue d’enlever les derniers tanks contenant du fioul et autres produits susceptibles de polluer l’océan. En même temps, le personnel de l’Helicopter Squadron avait pour mission de suivre l’état de l’évolution de ce bâtiment de la marine commerciale.

Et vers les 14h30, le point de non-retour était atteint avec les opérations héliportées au point mort par mesure de sécurité. En effet, à l’oeil nu, le MV Wakashio était éventré avec l’eau de mer envahissant le pont. Deux heures après, soit vers les 16h30, « a major detachment of the vessel’s forward section was observed ».

« Ramano et Jugnauth doivent comprendre que l’île Maurice est en deuil »

Les spécialistes de Salvage Smit devaient entrer en action pour enclencher l’étape du sabordage selon les directives émises par le Director of Shipping précédemment, notamment à « un point le plus loin possible en haute mer ». Les Tugs AHT Expedition et AHT Summit, avec l’aide du PSV Stanford Hawk, ont entamé le remorquage de cette partie du vraquier.

Alors qu’il ne reste encore l’autre partie du MV Wakashio sur les brisants, les Salvage Masters ayant à échafauder le plan pour la désincarcérer. « This part will be addressed subsequently. Et cela prendra le temps qu’il faut. Il n’est pas à écarter que la salvage team décide qu’il faut procéder à la casse de cette partie en deux, voire en trois. Ça va prendre des jours », fait-on comprendre dans les milieux du National Oil Spill Crisis Committee.
D’autre part, pendant toute la journée d’hier, les militants écologistes, des membres de Rezistans & Alternativ et le public en général étaient sur le front de mer de Mahébourg. Et cela, en dépit de l’interdiction d’accès et une tentative d’intimidation des forces de l’ordre dans la matinée. « Ce n’est pas Kavy Ramano qui décidera de la fin de l’opération sea booms artisanales, une expression de la réaction citoyenne face au laxisme des autorités. Devant la réaction de Pravind Jugnauth, l’on se demande pourquoi il a une peur bleue des booms ? Et Ramano et Jugnauth doivent comprendre qu’avec la marée noire du MV Wakashio, l’île Maurice est en deuil. La mer est en deuil. Qu’ils fassent preuve de respect dans la conjoncture », rétorque Ashok Subron de Rezistans & Alternativ prévenant contre toute nouvelle tentative des autorités de bloquer l’accès au Waterfront aujourd’hui.
« Nous n’avons pas fabriqué de booms ce samedi, car nous disposons d’un stock suffisant et nous en avons placé en mer pour prévenir toute nouvelle pollution de la côte. Nous devons aussi faire ressortir que l’efficacité des booms artisanales s’avère être supérieure aux booms de couleur blanche placées par les autorités. Tout au moins de ce que nous avons pu constater en mer jusqu’ici », poursuit Ashok Subrin au sujet de la guerre des booms…

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