Post-législatives : le retour en force de l’économie

  • Le coup d’envoi des tripartites, mercredi, avec un taux d’inflation de 0,5% annoncé pour 2019, sous tension, avec Business Mauritius jouant la carte de la prudence dans la conjoncture
  • S’appuyant sur les promesses électorales de l’Alliance Morisien, les syndicats         s’attendent à une compensation salariale de Rs 600 à Rs 1 200 à partir du 1er janvier
  • Réunion, vendredi, du National Wage Consultative Council, avec à l’agenda le «Report Review of National Minimum Wage»
  • La manufacture avec 8% des prêts bancaires et le tourisme avec 6% et une baisse de 1,6% des arrivées pour les dix premiers mois dans la tourmente

Avec 53,3%, derniers chiffres officiels de la Commission électorale, de l’électorat votant en faveur de l’opposition, notamment de l’Alliance Nationale et le MMM, et l’Alliance Morisien ne se contentant que de 37,7%, le nouveau gouvernement constitué par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, sait pertinemment qu’il marche sur une corde raide. D’une part, les promesses électorales avec des attentes de la part de la population et, d’autre part, la réalité sur le front économique caractérisée par des incertitudes en tous genres. Et ce n’est nullement un hasard qu’à l’installation du nouveau ministre des Finances, Renganaden Padayachy, à l’Hôtel du gouvernement, le Financial Stability Report de la Banque de Maurice établit une Macro-Financial Risk Assessment Matrix et tire la sonnette d’alarme sur les downsize risks. À cela, le ministère des Finances, avec quelques jours de retard, confirmait que la dette publique était de Rs 324,9 milliards, soit 64,8% du Produit intérieur brut (PIB) au 30 septembre dernier. En parallèle, les consultations initiées par la Banque mondiale en vue de la publication du prochain Country Economic Memorandum pour les cinq prochaines années devront passer à l’étape supérieure, avec une première mission attendue le week-end prochain pour un séjour jusqu’au 12 décembre.

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Dans ce paysage économique à risques, l’un des rares paramètres économiques émettant des signaux positifs pourrait se révéler être un couteau à double tranchant sur le plan socio-économique. Les dernières prévisions de Statistics Mauritius aussi bien que de la Banque de Maurice indiquent que le taux d’inflation pour cette année devrait être inférieur à un point. “The headline inflation rate was 3.2% for year 2018 compared to 3.7% for year 2017. On the basis of trends in previous years and recent price changes, the headline inflation rate for calendar year 2019 is forecasted at around 0,5%”, note le dernier rapport de Statistics Mauritius.

De son côté, la Banque centrale emboîte le pas à Statistics Mauritius en affirmant cette semaine que “headline inflation is expected to maintain its downtrend till the end of 2019. Based on the assumption that prices of fresh vegetables will continue to moderate in the near future, coupled with the downward adjustment in energy prices, headline inflation is projected to decline further to 0.5% in 2019”. Cette institution va plus loin dans ses analyses en prévoyant que le taux d’inflation devrait être de 1.5% en 2020. Force est de constater que le taux d’inflation est considéré comme un facteur incontournable lors des consultations tripartites en vue de déterminer le quantum de la compensation salariale payable à partir de janvier prochain. Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, présidera une première réunion mercredi avec les partenaires sociaux, soit les représentants des syndicats et du patronat, dans le cadre de ces tripartites. L’une des premières questions à être élucidées demeure le quantum du taux d’inflation au 31 décembre.

Avec un taux inférieur à 1%, soit 0,5% de Statistics Mauritius, Business Mauritius, qui n’a pas encore abattu ses cartes, devrait sortir la thèse que “in the economic circumstances, no compensation is due”. Au sein du secteur privé, l’on fait également comprendre en privé, pour objecter au paiement de la compensation de janvier prochain, qu’à la veille des dernières élections générales, une série de remuneration orders touchant différentes sphères d’activités économiques ont été révisés. Toutefois, officiellement, Business Mauritius affirme ne pas vouloir se mêler aux débats en public dans la conjoncture. Les représentants du patronat déclarent attendre les premières déclarations du nouveau Grand Argentier sur la question de la compensation salariale et de l’état de l’économie avant de se prononcer et de faire état de leurs points de vue.

Mais dans le camp syndical, l’on surfe encore sur la vague des promesses et déclarations d’intention attribuées aux dirigeants de l’Alliance Morisien pendant la récente campagne pour les législatives. D’ailleurs, les premiers chiffres mentionnés tournent autour d’une compensation salariale de Rs 600 à Rs 1 200 à partir de janvier prochain. Les syndicalistes ne comptent pas lâcher le morceau sur cette question au lendemain de l’entrée en fonction du nouveau gouvernement et envisagent de faire feu de tout bois contre les velléités du patronat au sujet de la compensation salariale. De son côté, Rashid Imrith, de la Fédération des Syndicats du Secteur Public, revient à la charge en soutenant que “les consultations tripartites pour la compensation salariale auraient dû être placées sous la présidence du Premier ministre dès le début au lieu du ministre du Travail pour la première rencontre et ensuite sous la responsabilité du ministre des Finances pour déterminer le quantum, avec l’aval du Conseil des ministres. Nous sommes en faveur d’un package avec le national minimum wage passant de Rs 9 000 à Rs 12 200 et une compensation salariale de Rs 1200 à tous les salariés indistinctement en vue de créer un feel good factor comme ce fut le cas en janvier 2015”.

Tout semble indiquer que la question de la compensation salariale pourrait ne pas s’avérer être le seul dossier susceptible de provoquer des tensions entre partenaires sociaux dans l’immédiat. Le volet du national minimum wage s’est également invité à l’agenda cette semaine. En effet, le National Wage Consultative Council (NWCC), instance présidée par Bijaye Coomar Appanah, ancien directeur du Pay Research Bureau, se réunira en fin de semaine pour passer en revue toute la question du salaire minimal et de faire de nouvelles propositions au gouvernement. À l’ordre du jour de la prochaine réunion du NWCC sont inscrites les conclusions du rapport sur l’impact du National Minimum Wage de Rs 8 500 avec un top-up du gouvernement de Rs 500 déjà en vigueur et la review of national minimum wage. Même si cette dernière révision ne devra prendre effet qu’à partir de juillet de l’année prochaine, l’on n’écarte pas la possibilité que la mesure soit appliquée en anticipation dès le 1er janvier prochain compte tenu de l’ajustement de la basic retirement pension à Rs 9 000 dès le 1er décembre.

Tourisme : “inverser  la tendance”

Le nouveau national minimum wage envisagé pourrait être légèrement inférieur à Rs 10 000, avec la fourchette de Rs 9 600 et Rs 9 800 citée comme étant la plus probable. Toutefois, il reste à régler l’aspect du topping-up pris en charge par le gouvernement aussi bien que les répercussions sur la relativité des salaires dans le secteur public aussi bien que dans le secteur privé. À ce titre, le Pay Research Bureau devra soumettre un rapport à la fin de ce mois en vue de remédier à la situation avec l’entrée en vigueur du national minimum wage dans le secteur public.

En face de ces demandes avec en toile de fond la récente campagne électorale, la dernière édition du Financial Stability Report et l’Economic Quarterly Report, deux publications de la Banque de Maurice rendues publiques au cours de la semaine écoulée, balisent les downside risks pour Maurice dans le contexte économique international en soulignant que “risks of stalled recovery in Europe and bleaker global trade prospects are pertinent factors to consider for open economies such as Mauritius whose key economic sectors including tourism, textile and sugar still remain euro centric in nature”. Et cela, en dépit des efforts de diversification de ces dernières années.

La performance enregistrée dans l’industrie touristique et l’absence d’un plan d’action visant à renverser la tendance baissière représentent des causes d’inquiétude dans ce qui se présentait comme un des piliers de l’économie. Pour les dix premiers mois de cette année, le nombre d’arrivées de touristes a enregistré une régression de 1,6% (par voie aérienne) et cela, même si la durée moyenne de séjour a progressé de 2,9% par rapport à la période correspondante l’année dernière.

“Having grown at a faster annual rate of 8% between the third quarter of 2013  and the third quarter of 2018, arrivals in the third quarter 2019 shrank for the first time since 2012. The drop was largely a consequence of fewer Chinese and Indian tourists in-tandem wth a reduction in direct flights; but also stemmed from drops in key markets (South Africa, United Kingdom and Germany); as well as anemic growth from Reunion, whose figures include around 400 participants in the 2019 Indian Ocean Games; whereas France was the only core market showing strong growth”, note Axys dans son analyse, tout en concédant que “we estimate Receipts Per Visitor to stand 5% above its long-term average in-line with the 1 083 euros recorded for July and August”.

Zones à risques

Au sein de l’industrie hôtelière, le mood est loin d’être à la jubilation, à l’image des réactions du Chief Executive Officer de Lux* Island Resorts Ltd, Désité Elliah, groupe affichant une “hausse de 10% des revenus par chambre disponible malgré la basse saison”. “Nos hôtels à Maurice ont enregistré une occupation en hausse par rapport à l’année dernière. La baisse des arrivées de touristes à Maurice au cours du dernier trimestre est cependant une source d’inquiétude  pour le groupe et il est impératif que les autorités et les hôteliers travaillent ensemble pour inverser la tendance”, poursuit-il, alors qu’un nouveau ministre du Tourisme, en la personne de Joe Lesjongard, est en poste depuis mardi.

Néanmoins, ce qui préoccupe davantage la Banque de Maurice, que ce soit par rapport au tourisme ou au secteur manufacturier, est le risque grandissant de banking defaults potentiels de la part des opérateurs économiques et les répercussions sur la filière bancaire. “Given that banks in Mauritius are relatively exposed to key economic sectors such as manufacturing with about 8% of total loans as at end-June 2019 and tourism sectors (about 6% of total loans), their performance would be undermined if these sectors entered a recessionnary cycle following adverse developments from abroad”, prévient la Banque centrale à ce chapitre.

Les incertitudes autour du Brexit, le divorce entre Londres et Bruxelles, continuent à influer sur la performance de la manufacture et du tourisme. Même si l’accès des produits manufacturés à Maurice continuera à bénéficier de privilèges avec “an important competitive advantage over competitors in Europe and in the Far East”, la Banque de Maurice met en garde que “uncertainty about the shape and nature of Brexit could affect economic prospects for the United Kingdom economy, going forward, and constitute headwinds for the export sectors”. La Banque de Maurice identifie des zones à risques pour le secteur bancaire et par extension pour l’économie, comme suit :

la trade war entre la Chine et les États-Unis : le protectionnisme grandissant et les tensions entre ces deux superpuissances économiques peuvent générer des effets néfastes sur l’économie ;

“Disorderly Brexit” : même si Maurice est classée dans le camp des winners, l’évolution du taux de change de la roupie par rapport à la livre sterling devra être monitored, alors que “uncertain economic prospects in the United Kingdom economy, following materialization of prolonged uncertainties, may affect industries that export to the United Kingdom” :

“Protracted slowdown” en Europe: avec l’industrie touristique et les exportations affectées de même que les retombées du taux de change, “export-oriented industries may experience difficulties in repaying their debts in case their earnings take a hit” ;

Ralentissement de la croissance: “should headwinds appear and downside risks materialize, financial conditions of economic sectors that are dependent on domestic prospects and which have borrowed locally, e.g. SMEs, may take a hit and impact on banks” ;

Services financiers : le global business sector représente une source majeure de financement pour le secteur bancaire. Avec des changements intervenus dans le traité de non-double imposition avec l’Inde, les net flows of GBC deposits font l’objet de surveillance, mais jusqu’ici, la Banque de Maurice rassure dans la mesure où “they have so far remained largely resilient to changes in DTAA regime” et ajoute que ‘”the risk is viewed as manageable”.

Par contre, sur cette même question de Brexit, à l’Hôtel du gouvernement, l’on se félicite des retombées en termes de “secured preferential access” en Grande-Bretagne pour les produits manufacturés avec la signature de l’ESA-UK Agreeement en janvier dernier. “For Mauritius, there will be an average change in preferential margin in the case of No-Deal Brexit of around 5%. Cane sugar and tuna are sub-sectors which represent the greatest potential gains”, fait-on comprendre au ministère des Finances en exprimant le souhait d’une plus grande visibilité pour le Mauritius International Financial Centre.

Se basant sur des récentes consultations engagées dans le cadre d’une mission dirigée par le secrétaire financier, Dev Manraj, le ministère se veut moins alarmiste quant à une éventuelle  récession en Grande-Bretagne, même si la période d’incertitude pourrait au moins durer encore neuf mois. “Most analysts think that the United Kingdom is unlikely to slide into a recession because of Brexit, although economic growth would slow down. The resilience is due to the fact that the United Kingdom is predominantly a services economy and not a goods exporting economy”, indique-t-on comme pour rassurer en ce début de mandat de l’Alliance Morisien.

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