PRIVY COUNCIL – APPEL EN FAVEUR DE BETAMAX – La STC condamnée à payer Rs 4,5 milliards à Bhunjun

Les Law Lords : « The Supreme Court was not entitled to review the decision of the arbitrator on the legality of the COA under Mauritian public procurement laws»

- Publicité -

Le Privy Council a établi que la Cour Suprême a fait fausse route sur l’interprétation des règlements

Le verdict est tombé dans l’appel interjeté par Betamax contre la State Trading Corporation devant le Privy Council. Les Law Lords donnent gain de cause à la compagnie de Vikram Bhunjun et concluent que la Cour Suprême n’était pas habilitée à renverser la décision de la Cour d’arbitrage de Singapour. La STC devra donc payer Rs 4,5 milliards à Betamax pour rupture de contrat. Un jugement qui, selon les hommes de loi, fera jurisprudence car le Privy Council a établi que la Cour Suprême a fait fausse route sur l’interprétation des règlements.

Dans un jugement de 42 pages, cinq mois après les plaidoiries, le Privy Council donne gain de cause à Betamax et trouve qu’effectivement la sentence arbitrale du tribunal de Singapour n’était pas erronée. La question que les Law Lords devaient déterminer en vertu de l’article 39(2)(b)(ii) est de savoir si, d’après les conclusions de droit et de fait tirées de la sentence, il existait un conflit entre la sentence et l’ordre public. Selon les Law Lords, l’interprétation de la Loi sur le Public Procurement et les règlements sur le PP n’a soulevé aucune question d’ordre public – la question était simplement de savoir si le COA était exempté de la législation sur les marchés publics.
« It was undisputed that the purpose of the PP Act and PP Regulations was to bring public procurement under clear control and to make certain contracts subject to the approval of the Central Procurement Board, so that procurement was transparent and corruption was deterred. The issue in relation to legality was simply whether the COA was exempted from the provisions – a question of the detailed interpretation of provisions that had been amended in a far from straightforward manner », soulignent-ils.

« Under the Guise of Public policy…»

Les Law Lords ont trouvé que l’article 39 de la Loi sur l’arbitrage international, fondé sur l’article 34 de la Loi, permet au tribunal de l’État – devant lequel la procédure est engagée – d’annuler une sentence dans certaines circonstances limitées, y compris si la sentence est en conflit avec la politique publique de Maurice. Betamax et STC ont convenu qu’il appartenait à la Cour suprême de déterminer la nature et l’étendue de l’ordre public mauricien. Ils ont également convenu que si un tribunal arbitral décide qu’un accord est illégal mais rend une sentence qui exécute l’accord, le tribunal a le droit d’annuler la sentence en vertu de l’article 39 (2) (b) (ii) de la loi sur l’arbitrage international s’il est contraire à l’ordre public.
Cependant, disent-ils, le tribunal ne peut utiliser le couvert de l’ordre public pour rouvrir des questions relatives au sens et à l’effet d’un contrat ou à sa conformité à un régime réglementaire ou législatif. « The effect of section 39(2)(b)(ii) is simply to reserve to the court this limited supervisory role which requires the court to respect the finality of the award. It cannot, under the guise of public policy, reopen issues relating to the meaning and effect of the contract or whether it complies with a regulatory or legislative scheme », fait ressortir le Privy Council.

« Not in breach »

Dans leur jugement, les Law Lords ont fait ressortir que le Contract of Affreightment n’était pas en violation des lois de la Public Procurement Act. « The Board therefore considers that the Supreme Court was in error in reviewing the decision of the Arbitrator that the COA was exempt from the provisions of the PP Act and PP Regulations. That decision was final and binding on the parties and therefore no issue arose under section 39(2)(b)(ii) of the International Arbitration Act as to whether the Award was in conflict with the public policy of Mauritius », soulignent les Law Lords.
Ils font ressortir qu’étant donné que l’objet du COA concernait essentiellement le fret en tant que service accessoire à la fourniture de produits pétroliers, il relevait de la définition des marchandises à l’article 2 de la loi PP et était donc un contrat d’un type spécifié. En outre, même s’il ne relevait pas de la définition élargie des biens, il s’agirait d’un contrat pour « autres services », de l’avis de la Cour suprême, ce terme engloberait tous les services autres que les services de conseil. La Cour suprême a donc jugé que l’arbitre s’était trompé dans sa décision.

« Legislative interpretation »

Ce jugement soulève également deux questions par rapport à l’interprétation des lois par la Cour Suprême. Les Law Lords ont trouvé que la Cour Suprême avait fait fausse route dans son interprétation sur les lois de la Public Procurement Act. « Therefore, it follows that even if the Supreme Court had been correct in its interpretation of section 39(2)(b)(ii) of the International Arbitration Act, it was wrong in its decision on the meaning of the PP Act and PP Regulations. The Arbitrator reached the right conclusion in the Award on the exemption of the COA from the procurement regime. As the Board is of the view that the Supreme Court was not entitled to review the finding in the Award on illegality and that the COA was not in any event illegal, it is neither necessary nor helpful to address the third issue in the appeal. Considerations in relation to the scope and extent of public policy in relation to an illegal contract are best considered in circumstances where the illegality is established and its seriousness can be judged in that context. Moreover, a determination of the public policy of the Republic of Mauritius in relation to any such illegality is an issue on which it would be necessary, particularly in relation to public procurement, to have close regard to the determination of the Supreme Court when such an issue actually arises. The Board therefore does not consider it desirable to lengthen this judgment by consideration of this issue », ont-ils conclu.

Rappelons que l’appel avait été entendu depuis le 20 janvier. L’audience s’était déroulée sur deux jours par visioconférence. Le jugement avait été mis en délibéré après les plaidoiries. Le Full Bench de la Cour Suprême, composé du Senior Puisne Judge d’alors Asraf Caunhye et des juges David Chan Kan Choeng et Nirmala Devat, avaient, le 31 mai dernier, annulé la sentence arbitrale rendue en 2017 par le Singapore International Arbitration Centre, qui avait accordé des dommages de quelque Rs 4,5 milliards à Betamax.

Le Senior Puisne Judge avait fait ressortir que le contrat d’affrètement est illégal et a été alloué en violation de la Public Procurement Act car la State Trading Corporation ne pouvait bénéficier d’une exemption pour la Public Procurement Act 2009. La Cour Suprême devait aussi statuer qu’une telle sentence arbitrale d’une juridiction étrangère ne peut être rendue exécutoire à Maurice, étant contraire aux Public Policies du pays, ajoutant que la Public Procurement Act est une loi publique. Le 4 septembre 2019, Betamax a obtenu le final leave de la Cour Suprême pour faire appel devant le Privy Council.
Me Mark Howard, QC, qui représentait Betamax lors des plaidoiries, était catégorique sur le fait que la décision du tribunal de Singapour était juste et qu’il était inapproprié pour la Cour Suprême d’intervenir dans cette décision. « Something had gone wrong in Supreme Court’s reason », avait-il argué. Le représentant légal de la STC, Me Alain Choo Choy, QC, avait pour sa part maintenu que la Cour Suprême a le droit d’intervenir dans une décision arbitrale et annuler l’award.

Réactions

Xavier-Luc Duval : « C’était une obstination politique »

« Juste après les élections de 2014, on a eu un mouvement qui voulait à tout prix casser le contrat de Betamax. En tant que numéro 2 du gouvernement de l’époque, j’avais conseillé de ne pas se précipiter et de prendre les conseils qu’il fallait. Je me souviens également que le Solicitor General avait prédit qu’on allait droit au mur et il avait conseillé de ne pas prendre cette direction.
«  J’avais supplié mes collègues à l’époque de bien étudier la question avant de résilier le contrat de Betamax. Mais il me semble que l’Attorney General Ravi Yerrigadoo, qui était le chef hiérarchique du Solicitor General, avait renversé cet avis et a entamé la démarche menant à cette résiliation du contrat Betamax. Nous en sommes là aujourd’hui en raison de l’obstination politique qu’il y avait derrière. C’est triste pour les contribuables qu’il faudra payer des milliards à Betamax, plus les intérêts et les costs, soit environ Rs 5,6 milliards »

Navin Ramgoolam : « Ala kot vanzans amenn zot »

« Ala kot vanzans amenn zot », a affirmé le leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, invité par Le Mauricien à commenter le jugement du Judicial Committee du Privy Council dans l’affaire Betamax.
« J’ai appris que les avocats de Betamax Ltd ont remporté leur Case devant le Judicial Committee du Privy Council. Je n’ai pas encore lu le jugement et, par conséquent, je ne pourrai faire de commentaires. Mais je me souviens avoir été arrêté et avoir passé une nuit aux Casernes centrales à cause de cette affaire… », a affirmé Navin Ramgoolam. L’ancien Premier ministre rencontrera la presse en début d’après-midi aujourd’hui.

Me Rishi Pursem, SC (avocat de Betamax ) :

« J’espère que cette affaire
sera réglée au plus vite »

« Pour le client c’est un grand ouf de soulagement. Cette affaire a été une longue bataille. C’est un jugement qui fera jurisprudence sur le plan international car le Privy Council est parvenu à la conclusion que la Cour Suprême a donné une mauvaise interprétation de nos lois. La Cour Suprême s’est trompée dans son interprétation. J’espère que le bon sens va prévaloir et que cette affaire sera réglée au plus vite. La STC devra payer. Ce sont les conséquences d’une mauvaise décision. »

Vikram Bhunjun : « La réputation de ma famille est rétablie »

« Je suis heureux et soulagé après six ans et demi de rude bataille. Zordi mo santi enn pwa ek enn fardo leve depi mo zepol. Au niveau personnel et familial, cette expérience a été difficile et pénible. Mon père a vécu toute cette affaire très mal.

« Vous ne pouvez imaginer comment cette affaire l’a affecté avec tout ce qui a été dit sur ma famille et moi-même. On nous a qualifiés de tous les noms. Mon père a pris 60 ans pour bâtir notre société et on nous a humiliés, maltraités, accusés à travers toutes sortes d’attaques. Je suis soulagé aujourd’hui que la justice ait triomphé. La bataille légale a été rude sur tous les fronts.

« Certains ne croyaient plus en nous mais d’autres sont restés à nos côtés. Je remercie tous ceux qui ont conservé leur confiance en moi et qui savaient que je mènerai cette bataille jusqu’au bout. Je suis très heureux pour nos banquiers qui savent maintenant que l’argent qui nous est dû est bel et bien là. Idem pour nos partenaires en affaires.
« Ce jugement réinstaure la confiance parmi nos collaborateurs également. On a beaucoup souffert de ce qui s’est passé et de la manière dont on a agi contre nous. N’oubliez pas qu’on m’avait arrêté dans le cadre de cette affaire et j’ai dû me battre pour sauver mon honneur et mon nom.
« La vérité et la justice ont triomphé. Je laisse désormais la marche à suivre entre les mains de mes hommes de loi locaux. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -