PRIX DU SUCRE : La COVID joue les trouble-fête

Le secteur sucrier résilient mais demeure en proie à des difficultés

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Le rapport de la Banque mondiale attendu incessamment

Le Syndicat des Sucres veut capitaliser sur le potentiel des sucres spéciaux

Après deux années de vaches maigres, alors que l’on s’attendait à une remontée du prix du sucre sur le marché mondial, la pandémie a bousculé les pronostics et ralenti la hausse de prix sur le marché mondial. Parallèlement, le secteur reste dans l’attente des recommandations de la Banque mondiale pour pouvoir pleinement se restructurer.

Après l’effondrement du prix ex-syndicat à Rs 8 686 la tonne (le plus bas depuis 20 ans), les prix sont repartis à la hausse depuis l’année dernière (Rs 11 383), redonnant de l’espoir aux planteurs et producteurs. Depuis 2019, à cause des pertes énormes liées à la surproduction, les betteraviers européens ont diminué la superficie sous culture de betterave, ce qui a contribué à améliorer les prix du sucre, permettant au Syndicat des Sucres de proposer un prix de Rs 11 383 la tonne. « Nous avons aussi bénéficié de la dépréciation de la roupie depuis le début du confinement, qui a été d’environ 10% de mars à ce jour », dit Devesh Dukhira, CEO du Syndicat des Sucres. Mais entre-temps, la pandémie a rebattu les cartes… « L’on s’attendait à ce que ce prix à la hausse perdure pour la campagne 2020 mais la COVID a joué les trouble-fête, car elle a ralenti la hausse des prix de février à avril. Sans la pandémie, les prix auraient été plus élevés », explique Devesh Dukhira.

Avec la COVID-19, la consommation a baissé à l’échelle mondiale, entraînant une baisse drastique des cours du baril de pétrole. Le cours mondial du sucre est indirectement corrélé à celui du pétrole. Parce que le Brésil, premier producteur sucrier mondial, produit moins d’éthanol lorsque les prix du pétrole baissent ; il produit davantage de sucre qui devient alors plus rentable. Il faut savoir que plus de 75% des véhicules au Brésil sont “flex fuel”, pouvant utiliser des carburants à base d’éthanol ou du carburant fossile. Donc le consommateur fait son choix en fonction des variations de prix.

Et cet excédent de sucre brésilien contribue à faire chuter les prix. « D’une année à l’autre, le Brésil a produit 10 millions de tonnes de sucre en excédent. C’est énorme, sachant que la production mondiale annuelle est d’environ 170 millions de tonnes. En fait, le prix mondial du sucre a baissé de 40% entre février et avril, mais cela n’a pas trop affecté Maurice car nous avions déjà finalisé nos contrats de vente », indique le CEO du Syndicat des Sucres. Pour 2020, le prix ex-syndicat a été estimé à 12 000 la tonne.

Le secteur sucrier a affiché de la résilience depuis le début de la pandémie et ce, même s’il opère sur un marché mondial dicté par la volatilité des prix et les conditions climatiques. Il reste néanmoins en proie à de grandes difficultés. D’ailleurs, les opérateurs ne cessent de plaider pour des réformes afin d’assurer leur compétitivité future. Le secteur reste dans l’attente des recommandations contenues dans le rapport de la Banque mondiale, attendu incessamment. Des recommandations qui devraient rendre l’industrie plus compétitive.

Pour l’heure, Devesh Dukhira estime que la bagasse n’est pas rémunérée à sa juste valeur alors qu’elle représente 15% de l’électricité produite à Maurice : « S’il n’y avait pas de bagasse, nous aurions utilisé de l’huile lourde pour produire cette électricité, donc il faudrait donner à la bagasse une valeur au moins équivalente à la “heavy fuel oil”, cela d’autant qu’elle est une énergie renouvelable et qu’elle a encore plus de la valeur. » Avec les recommandations de la Banque mondiale, il espère que « les mesures seront appliquées » pour améliorer la productivité dans le secteur et réduire les coûts.
Le Syndicat des Sucres œuvre, par ailleurs, en faveur de l’augmentation de la production et la vente de sucres spéciaux qui sont déjà commercialisés dans 55 pays. « L’objectif est d’atteindre une production de 180 000 tonnes dans les prochaines années », met en exergue Devesh Dukhira.

L’enjeu du secteur cannier, c’est aussi la valorisation des sous-produits comme la bagasse et la mélasse. Quant à l’éthanol, il n’y a toujours pas de “framework” pour son utilisation comme carburant à Maurice alors que cela fait des années qu’on en parle. L’on ne comprend pas trop ce qui bloque le développement de l’éthanol sur le marché local. Pourtant, l’éthanol est une énergie verte qui permettrait au pays de réduire considérablement sa dépendance aux importations pétrolières et ainsi économiser des devises. Faute de cadre légal, le producteur d’éthanol Omnicane doit d’ailleurs exporter son éthanol vers des pays de la région.

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Faut-il bannir le sucre importé ?

Le sucre importé qui envahit le marché local fait grincer des dents les producteurs locaux. S’ils se réjouissent que le gouvernement ait augmenté les tarifs douaniers en 2018 pour freiner les importations de sucre, le sucre venant des pays de la SADC et du COMESA parvient toujours à entrer au pays “duty free” malgré cette taxe. Pour eux, il est impérieux de prendre d’autres mesures pour protéger le sucre mauricien. En 2019/20, les importations de sucre ont atteint 22 000 tonnes. « La réalité, c’est que les importateurs font du business au détriment des producteurs locaux. Le gouvernement doit prendre des mesures pour empêcher cela », fait ressortir Devesh Dukhira. Ces importateurs engrangeraient des profits de Rs 6 000 à Rs 7 000 la tonne. Une solution au problème serait de bannir l’importation de sucre, afin de protéger l’industrie locale. « L’Afrique du Sud, par exemple, a décrété que le sucre est un “produit sensible” et qu’il ne peut entrer dans le pays que sous un contrôle très strict », souligne le CEO du Syndicat des Sucres. En attendant une solution pour le sucre importé, l’organisme met tout en œuvre pour sensibiliser les Mauriciens à la nécessité d’acheter du sucre fabriqué localement. Le Syndicat recommande aussi au consommateur d’exercer une certaine prudence en achetant du sucre car certains importateurs malhonnêtes inscrivent des faussetés sur leurs sachets.

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