Protection et assistance aux enfants : Le Children’s Bill pour remédier aux lacunes patentes du cadre légal existant

– Mariage interdit avant 18 ans avec la responsabilité pénale passant à 14 ans

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– Me Mokshda Pertaub (ancienne magistrate) : « J’espère que les procédures légales vont être aussi plus rapides »

Le Children’s Bill vient remplacer la Child Protection Act. L’objet principal de ce projet de loi est d’abroger la loi sur la protection de l’enfance et de la remplacer par un cadre législatif présenté comme étant plus complet et plus moderne afin de remédier aux lacunes de la Child Protection Act.
Les points marquants qui font que ce projet de loi est favorablement accueilli dans les milieux du corps légal sont l’accent mis sur une meilleure assistance et protection des droits des enfants. Le mariage est ainsi interdit avant 18 ans alors que la responsabilité pénale passe à 14 ans. Me Mokshda Pertaub, ancienne magistrate et légiste spécialisée en matière de droits de la femme et des enfants, estime que cette loi va réduire le cas d’abus contre les enfants. Elle souligne cependant que les procédures légales adoptées doivent aussi être plus rapides dans ce sens.
Ce projet de loi vise à donner un meilleur effet à la United Nations Convention on the Rights of the Child and the African Charter on the Rights and Welfare of the Child. Il prévoit ainsi la mise en place de structures, de services et de moyens de promotion et de suivi du développement sonore, physique, psychologique, intellectuel, affectif et social des enfants, la mise en place d’un groupe de coordination des services à l’enfance qui sera chargé de la coordination de toutes les activités relatives à la mise en œuvre de la présente législation, de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant et de la Charte africaine des droits et bien-être de l’enfant ; d’interdire le mariage des enfants de moins de 18 ans. Aussi, un enfant de moins de 14 ans ne sera pas tenu pénalement responsable d’un acte ou d’une omission. Tandis que les enfants témoins et les enfants victimes de moins de 14 ans seront, sous certaines conditions, compétents en tant que témoins sans qu’ils aient à prêter serment ou à faire de déclaration solennelle.

Responsabilité parentale

Cette loi porte aussi sur la responsabilité parentale bien que la législation mette l’enfant au cœur de toute décision prise à son égard. Plusieurs personnes peuvent détenir des responsabilités et des droits parentaux à l’égard d’un enfant. Les responsabilités parentales et les droits qu’une personne peut avoir à l’égard d’un enfant comprennent la responsabilité et le droit : avoir la garde de l’enfant, pourvoir à ses besoins fondamentaux, y compris la responsabilité de prendre des décisions relatives à l’éducation quotidienne de l’enfant ; maintenir le contact avec l’enfant ; agir en tant que tuteur de l’enfant et contribuer au maintien de l’enfant en tant que co-titulaire des responsabilités et des droits parentaux. Le Child Services Coordinating Panel se chargera ainsi de coordonner les services publics relatifs aux enfants sur le plan interministériel et de surveiller, sur le plan national, tout arrangement administratif visant à soutenir la coordination des activités du gouvernement concernant les enfants.

Âge légal du mariage

Cette initiative est grandement saluée par la communauté légale qui fait ressortir que la justice a connu nombre de cas d’abus contre des enfants mariés trop tôt. Le mariage civil à 16 ans, avec le consentement des parents, ne sera plus autorisé. L’âge légal pour se marier passera à 18 ans. Ancienne directrice de l’Institute of Judicial and Legal Studies et ex-magistrate, l’avocate spécialisée en matière de droits de la femme et des enfants, Me Mokshda Pertaub, dit avoir beaucoup d’espoir dans cette loi. La violence conjugale est l’une des principales causes de meurtre de femmes dans le monde. À Maurice, poursuit-elle, « nous entendons chaque semaine maintenant qu’une femme est tuée par son mari, son ex-mari ou son partenaire et qu’à plusieurs reprises, elle a été victime de violence domestique ». Elle estime que cette loi pourrait contribuer à réduire le nombre de cas de violence domestique dans le pays avec des jeunes enfants qui se marient trop tôt et n’arrivent pas à gérer une relation par la suite.

Responsabilité pénale

Un enfant de moins de 14 ans ne détient aucune responsabilité pénale. Tout enfant présumé avoir commis une infraction est évalué par un agent de probation. Lorsqu’un agent de probation est informé par la police qu’un enfant, autre qu’un enfant de moins de 14 ans, a été arrêté, l’agent de probation évalue l’enfant avant qu’il ne comparaisse devant la Child Court. Si Me Pertaub salue cette initiative, elle fait toutefois ressortir que pour que le système marche, il devrait y avoir d’autres changements. Elle espère que les sentences sévères seront imposées en effet et que surtout, les procédures légales enclenchées dans la Child Court sont plus rapides et ne tardent pas comme dans nos autres cours de justice. Il importe, dit-elle, que ces affaires soient prises en compte dans les meilleurs délais afin d’éviter, d’autre part, une sorte de traumatisme à l’enfant.

Une cour pour les enfants

Le Children’s Court Bill proposera la mise sur pied d’une Children’s Court, soit une cour spécialisée pour écouter et trancher les cas impliquant des enfants. Il s’agit d’une décision de la ministre de l’Égalité des genres et du Bien-être familial afin de s’assurer que les intérêts des enfants sont sauvegardés lors des procédures pénales. La Children’s Court sera alors pourvue d’une Protection Division et d’une Criminal Division, la première pour se pencher sur toutes les requêtes concernant la protection des enfants et la seconde pour se pencher sur les délits sexuels contre les enfants et les délits auxquels les enfants ont été témoins.
L’article 41(C) de la Courts Act sera aussi amendé avec ce nouveau texte de loi pour donner à la Family Division des pouvoirs accrus pour entendre et trancher sur toutes les actions légales entreprises sous le Code Civil mauricien concernant notamment l’adoption, l’ouverture de la tutelle, la recherche de maternité ou de paternité ou encore le désaveu de paternité. Un amendement est aussi prévu à la Courts Act pour prôner la tenue d’une enquête préliminaire si l’accusé est mineur. La Children’s Court fera ainsi partie de l’ensemble de l’organigramme de la cour intermédiaire. Le chef juge aura alors la tâche de désigner les magistrats de la Cour intermédiaire qui siégeront au sein de ses Protection Division et Criminal Division. L’accent est aussi mis sur le besoin d’un “child-friendly environment”. Ainsi, ce nouveau texte de loi apporte les mesures à adopter pour que l’enfant se sente protégé lors des procédures pénales en Cour. Il faudra ainsi prendre en compte la langue à utiliser à cause de l’âge de l’enfant. Aussi, des arrangements sont prévus pour que l’enfant soit bien encadré et accompagné par un tuteur si ce sont ses parents qui sont accusés de l’avoir maltraité et qui font l’objet de poursuites.

CHILD SEX OFFENDER REGISTER BILL

Gare aux délinquants sexuels

Autre projet de loi présenté, le Child Sex Offender Register Bill. L’objectif de ce texte de loi sera de mettre sur pied un Child Sex Offender (CSO) Register pour détecter et surveiller les personnes dans la communauté qui ont déjà été poursuivies et reconnues coupables de délits sexuels sur des mineurs. Un texte de loi qui donnera aussi des pouvoirs supplémentaires au commissaire de police de divulguer des informations personnelles sur les pédophiles aux agences concernées pour faire un suivi et un contrôle sur ces personnes. Des dispositions sont prises afin d’éviter le risque que ces personnes récidivent et soient une menace pour la sécurité publique. Ce sera ainsi le commissaire de police qui sera responsable du CSO Register. Le registre contiendra ainsi tous les détails sur les délinquants sexuels, passant par ses informations personnelles ainsi que la date de son arrestation et puis de sa condamnation. Les délinquants sexuels qui seront enregistrés dans ce CSO Register devront aussi faire part de leur déplacement. Par exemple, ils devront notifier le commissaire de police de son intention de voyager 48 heures avant son départ. Une personne sur le CSO Register qui ne se plie pas aux “reporting obligations” devant le CP commettra ainsi un délit sous cette loi et sera passible d’une amende entre Rs 10 000 et Rs 200 000 et à une peine de prison n’excédant pas cinq ans. Les “reporting obligations” seront différentes par rapport au type de délit commis par le délinquant sexuel. Par ailleurs, si le délinquant sexuel fournit de fausses informations aux autorités, il sera également passible d’une amende entre Rs 10 000 et Rs 200 000 et d’une peine de prison allant jusqu’à cinq ans. « Le Children’s Court Bill and Sex Offenders Register Bill va certes réduire les cas d’abus contre les enfants », affirme Me Pertaub.

LES SANCTIONS
Discriminations envers les enfants
Une personne coupable de discrimination envers un enfant sera passible d’une amende allant jusqu’à Rs 200 000 et d’une peine de prison jusqu’à cinq ans.

Forcer un enfant à se marier
Une personne qui force son enfant à se marier civilement ou religieusement encourra une peine de prison jusqu’à Rs 1 M et une peine de prison allant jusqu’à dix ans.

Mauvais traitement
Une personne coupable du délit d“ill-treatement of child” fera face à une amende allant jusqu’à Rs 200 000 et une peine de prison jusqu’à cinq ans.

Punition corporelle
Une personne qui inflige une punition corporelle et humiliante à un enfant sera passible d’une amende allant jusqu’à Rs 200 000 et d’une peine de prison allant jusqu’à cinq ans.

Abandon d’un enfant
Toute personne qui sera trouvée coupable d’avoir incité un parent à abandonner son enfant sera passible d’une peine de prison allant jusqu’à 20 ans. S’il agit comme intermédiaire pour les parents en obtenant des faveurs financières pour cet acte, il sera passible d’une peine de prison allant jusqu’à 30 ans.

Enlèvement d’enfant
Si une personne force un enfant à quitter le toit familial où il réside ou encore le force à quitter le pays avec lui sans l’autorisation de la personne qui a sa charge, elle sera passible d’une amende allant jusqu’à Rs 200 000 et d’une peine de prison jusqu’à cinq ans.

Abus sexuel sur un enfant
Lorsqu’il a été prouvé en cour qu’une personne a incité un mineur à avoir des relations sexuelles avec elle, elle sera passible d’une peine de prison allant jusqu’à 30 ans si l’enfant souffre d’un handicap. Pour tous les autres cas, l’accusé encourra une amende allant jusqu’à Rs 1 M et une peine de prison jusqu’à Rs 20 ans.

Incitation à la prostitution
Toute personne trouvée coupable d’avoir incité un enfant à s’adonner à la prostitution et en l’exploitant pour obtenir des bénéfices financiers encourra directement une peine de prison, soit la réclusion pour plus de dix ans. Si l’enfant souffre d’un handicap, l’accusé encourra une peine de prison allant jusqu’à 20 ans.

“Bullying”
Une personne coupable de “bullying”, soit de harcèlement physique et moral intentionnel et répétitif, devant une cour de justice sera passible d’une amende allant jusqu’à Rs 1 M et d’une peine de prison jusqu’à dix ans.

Pornographie infantile
Une personne reconnue coupable d’avoir eu accès en ligne à des sites sur la prostitution infantile et qui partage des vidéos encourra une peine de prison allant jusqu’à dix ans. Si l’accusé a forcé un enfant à regarder des clips pornographiques, il sera aussi passible d’une peine de prison allant jusqu’à dix ans. Si dans ces deux cas l’enfant souffre d’un handicap, l’accusé purgera une peine de prison allant jusqu’à 20 ans.

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