Ramadan dans le confinement : Allier service aux démunis à la spiritualité

Le mois du Ramadan, mois béni de l’Islam, démarre à la fin de cette semaine. Cette année, contrairement aux autres, les Mauriciens de foi islamique débuteront les premiers jours de ce mois de carême en plein confinement. Mais ce n’est certainement pas la veille du premier jour du jeûne que l’on se met aux préparatifs, ainsi que le font ressortir plusieurs interlocuteurs sollicités par Le Mauricien. Rencontres…

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La distribution de vivres, comme « la farine, le lait, le riz ou de l’huile, bref les aliments de base », expliquent l’imam Zahir Peerbux, de l’association Ahleh Sunnat Wal Jamaat, et Ahad Latona, du Glen-Park Zakaat Fund, « a débuté quelques jours après que le pays est passé en mode confinement ». Nos deux interlocuteurs expliquent que « selon nos calendriers respectifs, nous venons régulièrement en aide à des familles, musulmanes et non musulmanes, de toutes les régions de l’île, tout au long de l’année ». En revanche, « en cette période précédant le Ramadan, les efforts sont multipliés pour aider un maximum de personnes ». Les deux hommes continuent : « Cette période de confinement a causé pas mal de bouleversements dans les vies de nombreuses familles mauriciennes, toutes communautés confondues. Nous avons le devoir de venir en aide à autant de personnes que possible en ces temps difficiles. »
Ahad Latona, un officier de prison qui vient de faire valoir ses droits à la retraite, est très engagé dans son quartier, à Glen-Park, où il vit avec sa famille. « Cette année, explique-t-il, nous avons reçu beaucoup de demandes, en dehors de Glen-Park. De ce fait, nous avons fait beaucoup de donations en termes de produits alimentaires à des familles de plusieurs régions, allant du centre de Vacoas à celui de Phoenix, en passant par Petit-Camp, La Caverne et Henrietta, entre autres. » La demande, soutient notre interlocuteur, consistait principalement en des fruits, des légumes frais, et des denrées de base. Ahad Latona explique : « Pour assurer une distribution correcte de vivres à ceux qui sont vraiment dans le besoin, nous avons reçu l’aide de la Jummah Masjid, qui a un registre de familles, musulmanes et non musulmanes, il faut le souligner. C’est à partir de là qu’on établit une liste de bénéficiaires. » De son côté, l’imam Zahir Peerbux était déjà sur le terrain à Terre-Rouge, Roche-Bois et plusieurs quartiers des environs depuis quelques semaines, même avant le confinement. « Nous sommes venus en aide à un peu plus de 550 personnes jusqu’à présent. »
Autant pour ces deux hommes à la tête de leurs organisations charitables respectives que plusieurs individus, « ce mois du Ramadan en condition de confinement sera une expérience nouvelle, et que nous accueillons à bras ouverts, parce que nous allons en profiter pour redoubler d’efforts et de prières, tant pour venir en aide aux moins chanceux d’entre nous que pour nous ressourcer personnellement et spirituellement ». Nazmah Ranoo, 55 ans, une veuve habitant Plaine-Verte, résume : « Sa Ramadan-la, nou pou priye plis ankor. Mon fils, Muzaffar, qui est maçon, n’a plus de travail depuis que l’épidémie de Covid-19 a provoqué le confinement. L’association Ahleh Sunnat Wal Jammat nous soutient beaucoup, mais nous devons aussi multiplier d’efforts pour sortir de cette situation. La prière sera notre salut. »
Shabnam et son époux, Naweed, tous deux enseignants du primaire, et vivant dans le sud du pays, soutiennent pour leur part : « La situation est devenue très compliquée pour beaucoup de familles mauriciennes. Ce Ramadan, on mettra certainement plus l’accent sur l’entraide, ainsi que l’enseigne l’Islam. Et nous en profiterons dans le même temps, puisqu’on est à la maison et qu’on s’occupe de nos élèves par téléphone, des cours en ligne et via la télé, pour prier davantage et faire de bonnes actions. »
L’un des grands regrets qui revient constamment sur les lèvres de nos intervenants concernant le Ramadan 2020, c’est « que l’on ne pourra faire la prière du soir, le namaz taraweeh, caractéristique du mois de carême, à la mosquée, dans les premiers soirs ». Cette prière spéciale est dite le soir, après le 5e namaz, soit Isha, qui clôt la session quotidienne de prières. La prière de taraweeh se lit dans les mosquées par les hommes, en congrégation. Pour les femmes, elle est dite à la maison principalement. La première prière du Taraweeh est dite le soir précédant le premier jour du jeûne. « Li pou enn gran sagrin ki nou pa pou kapav lir premie Taraweeh. Mais nous devons nous plier aux décisions divines. C’est le Créateur qui a voulu que cette année, nous ne puissions nous rassembler en grand nombre, comme le veut la tradition, dans les mosquées de l’île. Cette situation perdure un peu partout dans le monde. Pas qu’ici. Nous devons donc nous adapter, sans pour autant arrêter de prier », estime l’imam Zahir Peerbux. De fait, « la plupart des mosquées continuent de fonctionner, mais avec un nombre réduit de personnes, qui respectent les consignes de ‘social distancing’ », soutient l’imam.
Dans la même veine, Imran, qui habite la capitale, explique : « Durant cette période, je suis très engagé auprès de la mosquée, où nous organisons des ‘iftaar’ pour rompre le jeûne en groupe. Parfois, ce sont des groupes de séniors, parfois d’anciens toxicomanes et autres qui ont eu des problèmes dans la vie… C’est un moment de partage que j’affectionne beaucoup parce que cela me permet de rencontrer et d’échanger des points de vue avec d’autres personnes venant d’horizons différents. »
Rue Lenepveu, dans la capitale, le couple de séniors Rehana et Bashir Oozeer, âgés respectivement de 65 et 70 ans, préparent l’arrivée du Ramadan, « comme d’habitude », disent-ils. « Nou finn netoye, met lakaz dan lord… Met partou prop. Nous avons également préparé quelques petits gâteaux, qui seront utilisés les soirs, pour l’iftaar. » Nazirah, enseignante au secondaire et habitant la périphérie de Vacoas, dit, elle : « En temps normal, avec le travail, les choses à faire pour s’occuper des enfants et des petits-enfants, j’ai à peine le temps de faire un peu plus de prières que d’habitude. Mais cette fois, comme je suis à la maison, j’ai profité de l’occasion pour nettoyer de fond en comble, changer les rideaux, enlever les vieux et les laver… »
Le mot de la fin revient à l’imam Peerbux : « Nous sommes dans une conjoncture très spéciale cette année, avec ce mois de carême qui s’annonce différent sous tous ses aspects. C’est une épreuve que nous envoie le Créateur ; nous n’avons aucun droit de remettre Sa décision en question. Au contraire, nous devons accueillir cette épreuve et en tirer les bonnes leçons. A nous de faire preuve de maturité et de grandeur d’âme. Faisons l’effort de nous changer, pour le meilleur. »

« Zakaat » aux démunis de la communauté

Durant le mois du Ramadan, qui est un des cinq piliers de l’Islam, les particuliers et les organisations distribuent « des vivres, mais aussi de l’argent, aux familles démunies et dans le besoin de la communauté » musulmane. C’est ce qu’on appelle la « zakaat », qui est d’ailleurs préconisée dans le Coran. « On prélève ces sommes à partir des contributions individuelles et volontaires afin de constituer des fonds et venir en aide aux familles qui sont vraiment au plus bas de l’échelle et qui ont grand besoin de cette aide financière. Il s’agit d’un moyen pour le musulman de contribuer à faire le bien au sein de sa communauté, ainsi que l’encourage le Saint Coran », rappelle l’imam Peerbux. La « zakaat » et les donations ne doivent pas être confondues.

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