Trois semaines de «buzfix» avec Pravind Jugnauth proposant, jeudi, une Task Force présidée par Navin Beekarry pour «enquêter sur les noms cités dans le rapport Rotin Bazar»
Le boulet de l’ADSU toujours entier
Rodrigues ; la bataille s’annonce plus politisée, l’OPR déposant à l’Assemblée Régionale une motion de confiance en faveur du chef commissaire, Serge Clair, avec débats annoncés vendredi
Trois semaines après la publication du rapport Rotin Bazar de la commission d’enquête sur la drogue, c’est littéralement le buzfix. La principale recommandation portant sur le démantèlement de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) et son remplacement par la National Drug Investigation Commission (NDIC) et un juge en tant que Drug Tsar et des pouvoirs accrus à cette nouvelle instance est marginalisée. En contrepartie, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui préside le comité ministériel sur le rapport Lam Shang Leen a joué « sa carte magique du directeur général de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) pour assurer la coordination des enquêtes sur les noms cités » dans le rapport. Par contre, à Rodrigues, le rapport de la commission d’enquête sur la drogue assume sa dimension politique avec les deux principaux partis politiques, l’Organisation du peuple de Rodrigues (OPR) et le Mouvement rodriguais se battant à coups de motion à l’Assemblée régionale de Rodrigues. Vendredi prochain, dans une séance spéciale de cette dernière instance, l’OPR tentera de couper l’herbe sous les pieds de ses adversaires politiques, qui réclament une motion de blâme contre le Chef commissaire et leader de l’OPR, Serge Clair.
Au fil de ses commentaires, ces derniers jours, le Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, ne s’est pas départi de sa prise de position en faveur de l’ADSU et de son directeur général, le Deputy Commissioner of Police Choolun Bhojoo. En attendant le retour au pays, vers la fin de ce mois, du président de la commission d’enquête sur la drogue, l’ancien juge de la Cour suprême, Paul Lam Shang Leen, les anti-NDIC, que ce soit aux Casernes centrales, au sein du barreau ou du judiciaire, et dans les milieux politiques, l’on se dit confiant de pouvoir réunir les arguments en vue de tuer dans l’oeuf la teneur du chapitre 17 C du rapport Lam Shang Leen.
Toutefois, le boulet de l’ADSU reste toujours entier, car dès son retour, l’ancien juge Lam Shang Leen s’installera, au figuré et au propre, aux Casernes centrales pour faire la lumière sur les 16 kilos d’héroïne manquants d’une valeur marchande de Rs 240 millions, des 135 kilos de Navin Kistnah. Certains appréhendent déjà que les findings de ce complément d’enquête ne viennent aggraver le cas de l’ADSU, car la thèse avancée en privé en marge de l’opération Lakaz Mama par le DCP Bhojoo au sujet des wrappings pesant 16 kilos pour justifier ce discrepancy dans le poids est considérée comme étant très flimsy.
Les snipers anti-ADSU sont aux aguets sur un autre dossier d’exhibit encore plus compromettant : l’enquête sur Kusraj Lutchigadoo. « Avec ce qui s’est passé dans ce cas, pas le Premier ministre, mais le commissaire de police, Karl Mario Nobin, aurait dû déjà pris des sanctions contre des responsables de l’ADSU. A-t-on encore entendu parler des conclusions de l’enquête au sujet des messages SMS, ou autres, qui ont été effacés sur le téléphone du suspect, équipement qui était sous le contrôle de cette même ADSU ? Y a-t-il eu une enquête Forensic de la part de l’IT Unit la police sur les manipulations de ce téléphone cellulaire sophistiqué ? Nous n’avons rien entendu à ce jour, alors que le Premier ministre parle élogieusement du travail de l’ADSU. Qu’en est-il de l’absence notée dans le Forensic Report de traces de drogues synthétiques dans les exhibits saisis le 30 mars dernier au laboratoire de ce même suspect ? Autant de questions sans réponse à la décharge de l’ADSU », souligne-t-on dans les milieux, qui s’interrogent encore sur le coup de pouce de Pravind Jugnauth à ce département de la police, avec aucun des commanditaires des plus importantes saisies de drogue, dont il se vante, identifié et inquiété.
Quand le PM jette l’huile sur le feu
Pour attiser la controverse post-rapport Rotin Bazar, Pravind Jugnauth n’a trouvé mieux que de « sortir de sa poche la carte de l’ICAC », qui enquête déjà sur les dossiers Choomka et Samputh depuis des mois déjà , pour présider la Task Force. La mission est d’établir un plan d’action pour la mise à exécution du rapport Lam Shang Leen et de coordonner des enquêtes sur les « noms cités dans le rapport ». Cette Task Force, qui comprend également le directeur de la Mauritius Revenue Authority, le commissaire de police, le No 1 de la Financial Intelligence Unit, l’Assistant Solicitor General et le directeur de l’Integrity Reporting Serices Agency, devra se réunir une première fois la semaine prochaine en vue de répartir les findings du rapport Lam Shang Leen dépendant de leurs compétences pour des enquêtes sur le plan pénal. Et après ?
Mais, à Rodrigues, la bataille politique fait rage avec les premières salves prévues, vendredi prochain, à l’Assemblée régionale de Rodrigues. Face à la campagne du MR réclamant la démission du Chef commissaire après la publication du rapport Lam Shang Leen, l’adjoint au Chef commissaire, Nicolson Lisette, s’est prévalu des sections 59 (2) (b) et 59 (3) de la Rodrigues Regional Assembly Act 2001 pour déposer une motion de confiance en faveur de Serge Clair. Le libellé de la motion débattue lors de cette séance spéciale se lit comme suit : « This Assembly resolves that it has absolute confidence in the Chief Commissioner. »
De son côté, le leader du MR, Nicolas Von Mally, qui a tenu un meeting, hier après-midi, à Anse-aux-Anglais, maintient que Serge Clair doit démissionner, le temps de la judicial review. Il crie à l’injustice et regrette le fait que même s’il avait déposé sa motion de blâme, soit le 7 août, bien avant celle de l’OPR, aucune date n’a encore été arrêtée pour des débats à l’Assemblée régionale.