RECHERCHE  : L’exercice complexe d’introduire le Kreol Morisien au Parlement

L’introduction du Kreol Repiblik Moris au Parlement a été défendue depuis plusieurs années, que ce soit par les linguistes, les universitaires et les politiciens, entre autres citoyens. Cet exercice n’est certes pas compliqué mais se révèle complexe vu que plusieurs aspects doivent être pris en compte pour que le Kreol, qui soit utilisé au Parlement, s’inscrive dans un registre approprié. En ce moment, elles sont à 95% de femmes issues de différentes institutions tertiaires locales qui sont à pied d’œuvre pour que le Kreol Repiblik Morisien soit prêt à être utilisé parmi les langues officielles au Parlement.

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Intervenant, hier, lors d’une table ronde intitulée « Preparasion terin pou introdiksion Kreol Repiblik Moris dan parlman » pour marquer les 20 ans de la Journée internationale de la langue et de la culture créole et organisée par l’Université de Maurice et la Creole Speaking Union (CSU),le Dr Arnaud Carpooran, chargé de cours à l’université de Maurice et également président de la CSU, a passé en revue le
travail effectué depuis plusieurs années pour que le Kreol Repiblik Moris soit reconnu à part entière a été présenté. Même si ce projet est à l’agenda, il ne pourra être abordé qu’une fois certaines étapes accomplies.
Les trois exercices à réaliser sont, en premier lieu, d’avoir une langue créole « aménagée » en vue de pouvoir correspondre aux fonctions parlementaires. Cet aménagement concerne le côté technique, soit le registre parlementaire qui comporte sa technicité linguistique. « Le Kreol Morisien n’a pas un registre technique qui pourra le rendre utile au Parlement au même niveau que l’anglais et le français », avoue le président. De ce fait, l’exercice d’aménagement devra être fait. Il avance qu’un comité terminologique a été mis en place pour travailler sur cet aspect.
Un autre volet sur l’aménagement linguistique – qu’il appelle le socio-situationnel, où chaque langue a un registre particulier dépendant de l’environnement – est aussi abordé. Il avance que certains registres ne peuvent être utilisés au Parlement ; d’où un travail de « correspondance régistrale » à être effectué. Une formation devra aussi être faite au Parlement quant à l’écriture du Kreol Morisien. Des étapes, fait-il ressortir, doivent être suivies pour que le Kreol soit introduit formellement à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, le Dr Carpooran avance que « la question de l’introduction du Kreol au Parlement apparaît sous un angle uniquement politique », dit-il face à un parterre d’étudiants et de passionnés de la langue. L’introduction du Kreol comme médium de communication, selon lui, est demandée à 99,9% par les membres de l’opposition. Il indique que cela fait plus de 30 fois que cette question a été soulevée. Mais depuis que l’État a reconnu le Kreol, le Dr Carpooran avance que ces dernières années, cette question est devenue de moins en moins politique et philosophique mais de plus en plus technique. Il avance donc que cette langue nécessite un aménagement car « on ne peut utiliser un langage dont on se sert lorsqu’on joue au football. Il y a une préparation à faire ».
Et de poursuivre que cette langue est envisageable au Parlement mais qu’il faut, au préalable, une préparation. Ainsi, pour démarrer le travail pour que le Kreol Morisien puisse être introduit au Parlement, selon le registre approprié, le Dr Carpooran souligne qu’ils sont plusieurs universitaires à s’y être attelés. Parmi eux, on compte des chargés de cours dans le domaine de l’informatique qui travaillent sur des logiciels pour faciliter l’introduction du Kreol au Parlement.
Parmi les établissements tertiaires œuvrant pour l’introduction du Kreol Repiblik Morisien au Parlement figurent aussi l’Open University of Mauritius, l’Université de Technologie de Maurice, l’Université des Mascareignes et le Mauritius Institute of Education. « C’est une unification symboliquement forte autour de ce projet d’introduire le Kreol au Parlement », dit-il. À l’avenir, les discussions sur l’introduction du Kreol Morisien dans les examens de Cambridge seront engagées. Il avance qu’il existe une demande des collèges pour le Kreol au niveau du School Certificate.
Selon le Dr Carpooran, la célébration de la Journée internationale de la langue créole a commencé il y a 20 ans. Il se rappelle qu’en 1993, lorsqu’il était entré à l’UoM, la question du créole était encore taboue. Des périphrases étaient utilisées pour décrire le créole. L’introduction du créole dans les débats, ajoute-t-il, s’est tenue après ses discussions et ses rencontres avec des spécialistes venus de différents pays au monde. D’ailleurs, dit-il, plusieurs de ces spécialistes connaissaient déjà le Kreol Morisien.

Questions à… Dr Arnaud Carpooran

« La démocratie sera plus vivante à travers le Kreol »

Les débats sur l’introduction du Kreol Repiblik Moris durent depuis des années. Parlez-nous de la complexité de la tâche ?

La tâche est complexe. Néanmoins, ce travail devrait être fait. Je ne vois qui aurait pu réaliser ce travail, si ce n’est les spécialistes du sujet. Les spécialistes du langage ce sont les linguistes, et le personnel devant être pris pour ce travail sont des universitaires. Je pense qu’il est bon de réunir toutes les institutions publiques car c’est un projet national. Je suis très content que tout le monde ait répondu à l’appel de manière spontanée. Je constate un enthousiasme qui est déjà présent. Je n’aurais jamais su cet enthousiasme si aucune initiative n’avait été prise. Personne n’est rémunéré et nous avons 95% de femmes qui travaillent sur le projet. J’ai un sentiment particulier que les femmes préparent le terrain pour introduire le Kreol au Parlement alors que les femmes représentent une minorité au Parlement. C’est très particulier et intéressant. Au plus profond du Mauricien, il existe un désir pour développer son pays. J’en suis convaincu à 100%.

Dans combien de temps ce projet sera-t-il prêt ?

Le plus que nous ayons du soutien et du personnel, le projet va accélérer. Certaines ont envie de traduire la totalité des débats d’une année. Le plus que nous ayons de personnes à travailler, l’exercice se fera très vite. Mais si nous avons peu de personnes, cela prendra du temps. Par ailleurs, personne n’est payé pour ce travail.

Certaines personnes sont critiques quant à l’introduction du Kreol Morisien au Parlement soutenant que nous avons déjà beaucoup de problèmes à pouvoir l’écrire et parler. Quel est votre point de vue ?

C’est notre langue nationale. C’est une langue enseignée, et à part entière. C’est une langue parlée par plus de 95% de la population et cela permet à deux personnes hors de Maurice de pouvoir se reconnaître comme Mauriciens. C’est une langue qui nous met sur un pied d’égalité. Ce n’est pas possible que cette langue ne soit pas introduite au Parlement. Sinon, elle sera une injure pour le peuple et la démocratie. La démocratie deviendra plus vivante à travers le Kreol. À travers le Kreol au Parlement, le citoyen électeur deviendra partie prenante. Il comprendra aussi que ses doléances sont traitées.

Le Kreol au Parlement pourra aussi générer des dérapages verbaux, voire des mots inappropriés ?

Sans aucun doute. La personne parle dans sa langue natale et peut facilement véhiculer ses expressions. Mais c’est ce qui se passe en France ou au Royaume-Uni. Ce n’est pas possible que sur des prétextes complètement bancals on bloque l’expression démocratique d’un pays.

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