Rentrée Politique – L’opposition en rangs serrés

L’actuelle Assemblée nationale ne devrait pas ressembler à celle qui l’a précédée. Les résultats de la dernière lutte à trois ont contribué à changer la donne. Si les députés de l’opposition seront en ordre dispersé dans les travées, ils travailleront désormais dans une meilleure coordination et en rangs serrés. Ce sont les leaders du PTr et du MMM, Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, qui ont décidé de travailler en direction de cette entente, jugée indispensable pour contenir la politique d’accaparement institutionnel du MSM et de ses formations satellites. La première action conjointe de l’ensemble de l’opposition a été le recours à la Cour suprême pour contester le déroulement et les résultats des élections du 7 novembre par le biais de pétitions qui devraient être une nouvelle fois entendues lundi prochain 13 janvier.

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C’est à cette date que l’on sera en mesure de voir plus clair dans le calendrier arrêté par la Cour pour débattre de ces affaires fondamentales pour la démocratie. Elles devraient aussi voir défiler un grand nombre de témoins, dont les électeurs rayés de la liste, les participants aux élections qui devraient venir raconter comment une victoire annoncée par le Returning Officer s’est, par la suite, transformée en défaite.

Autres témoins importants, les officiels de la Commission électorale et les Returning Officers eux-mêmes. Certains devront probablement se munir de leur “règle magique” pour faire la pleine démonstration du bourrage ordonné des urnes et s’expliquer sur ces bulletins de vote qui se sont baladés dans la nature et sur des boîtes tardivement retournées par les proches des Returning Officers.

S’ils ne se sont pas attardés sur la question des pétitions électorales lors de leurs allocutions de fin d’année, Paul Bérenger d’abord, et Navin Ramgoolam, ensuite, ont néanmoins tenu à dénoncer ce qu’ils considèrent comme des “tactiques dilatoires” utilisées par les élus de la majorité parlementaire visés par les pétitions qui rechercheraient mille et un prétextes pour ne pas accuser réception des convocations judiciaires qui leur ont été servies, certains revendiquant leur “immunité” pour ne pas prendre possession des documents de la Cour.

Si le premier rendez-vous judiciaire est pour le 13 janvier, le prochain, plus strictement politique, est fixé au 24 janvier, jour de la présentation du discours-programme par le nouveau président de la République Pradeep Roopun.

S’ensuivront la présentation d’une motion de remerciements, dont l’auteur pourrait bien être la députée du MSM, Sandra Mayotte — que certains voyaient déjà ministre de la Culture ou même Parliamentary Private Secretary, mais qui a fini simple députée — et les débats sur ce discours-programme qui devraient se dérouler sur plusieurs semaines.

Match entre néophytes et grandes gueules

Face au grand nombre de néophytes sur les bancs de la majorité et au sein même du gouvernement MSM/ML/Mouvement poire d’Alan Ganoo, le Plate-forme militante de Steve Obeegadoo et Kavy Ramano, à commencer par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, mais aussi Avinash Teeluck, Kalpana Koonjoo-Shah, Deepak Balgobin et Vikram Hurdoyal, l’opposition pourra compter sur une pléthore de députés aguerris pour donner du fil à retordre au régime reconduit avec 37% des suffrages populaires.

Les grandes gueules ne manquent pas, en effet, dans les rangs de l’opposition. Si Arvin Boolell, que ses propres camarades, pas toujours très compréhensifs face à ses initiatives d’ouverture vis-à-vis de Pravind Jugnauth, ont donné le nom de “leader de l’opposition tik-tok” en raison de sa grande disponibilité pour des activités jugées légères, va continuer à se la jouer très cool, tel ne sera pas le cas pour Patrick Assirvaden, Shakeel Mohamed, Ritesh Ramful et Osman Mahomed. Ceux-là se reconnaissent plus dans la posture de “no retreat no surrender” incarné par Navin Ramgoolam vis-à-vis du clan Jugnauth.  

A côté de ses parlementaires d’expérience, il faudra aussi faire avec les Stéphanie Anquetil et Michael Sik Yuen qui retrouvent l’hémicycle et les nouveaux venus comme Fabrice David. Dans les rangs du MMM, c’est certain que les Paul Bérenger, Rajesh Bhagwan, Reza Uteem, Aadil Ameer Meea, Franco Quirin et Deven Nagalingum vont guerroyer ferme, tout comme leurs collègues du PMSD Xavier Duval, Patrice Armance, Salim Abbas Mamode, Richard Duval et Kushal Lobine.

Choix des Returning Officers : l’ESC a fait reculer le GM

Ils ont d’ailleurs déjà annoncé la couleur. Si Paul Bérenger a dit qu’il fallait “tir pei dan lame MSM” et que Navin Ramgoolam a parlé de “viol de la Constitution” dans son message de fin d’année, les autres membres de l’opposition ne sont pas restés les bras croisés.

Xavier Duval a tiré la sonnette d’alarme sur la qualité de l’essence distribuée par la STC tandis que le président du PTr, Patrick Assirvaden, a adressé une correspondance au commissaire de police Mario Nobin pour qu’il vienne donner des renseignements sur l’accident de Wooton provoqué par un véhicule de la police et qui a coûté la vie à Rohit Gobin, un employé de la station d’essence Indian Oil de la région.

Comment l’opposition a-t-elle réussi à ainsi se fédérer ? C’est le contexte qui a imposé cette entente à laquelle les leaders des trois partis de l’opposition ont bien voulu donner une chance. Ils sont arrivés à la conclusion que, sur la base des agissements du gouvernement précédent, dont celui d’avoir voulu imposer des Returning Officers de son choix pour le scrutin du 7 novembre, au point de devoir reculer après une menace de démission collective des membres de l’Electoral Supervisory Commission, seule une opposition regroupée autour des principaux enjeux du pays pouvait freiner les excès de l’équipe menée par Pravind Jugnauth.

Des échéances en vue

Lesquels ont déjà commencé avec les nouvelles attributions politiciennes dévolues au National Security Service, les nominations jugées scandaleuses comme celles au sommet de l’Etat, à la présidence de l’Assemblée nationale et dans les chancelleries mauriciennes à l’étranger et les organismes publics.

Ce n’est pas un hasard si Navin Ramgoolam est allé à la rencontre de son voisin Paul Bérenger à la fin de l’année dernière et qu’ils ont décidé qu’une meilleure coordination de l’ensemble de l’opposition était non seulement nécessaire, mais indispensable pour contrer le gouvernement. Question d’être la voix de cette majorité qui n’a pas voulu du MSM et de ses alliés.

Pas un détail non plus que Paul Bérenger qui n’a jamais porté le PMSD dans son coeur, revienne, dans ses interventions publiques, sur le geste salutaire de Xavier Duval qui a quitté un gouvernement qui s’apprêtait à liquider le bureau du Directeur des poursuites publiques en créant une instance au-dessus de lui, la Protection Commission. Une manière pour le leader mauve de rejoindre ceux qui ont opiné que la démarche des bleus de quitter le gouvernement le 19 décembre 2016 a contribué à “sauver la démocratie”.

Si, au Parlement, il y aura de la concertation pour ne laisser aucun répit au régime Jugnauth, il reste à voir si cela va se traduire sur le terrain. Avec d’autres échéances qui sont en vue. Si, pour les villageoises, ce sera probablement le folklore habituel avec des équipes robinet, marteau, pioche, bananier, flamboyant de toutes les couleurs politiques en attendant, une fois élues, de se jeter dans les bras du gouvernement du jour pour obtenir quelques faveurs, pour les municipales, qui sont prévues en 2021, les dernières consultations s’étant tenues le 14 juin 2015, ce sera une tout autre paire de manches.   

Devenus extrêmement frileux après les méthodes utilisées par le MSM lors du dernier scrutin national, les partis de l’opposition ne sont pas très partants pour se jeter dans la bataille des administrations urbaines, même si l’ensemble des résultats enregistrés dans les régions concernées au scrutin du 7 novembre peuvent laisser entrevoir une belle joute. Et même des villes à prendre pour l’opposition.

Il y a eu des propositions formulées ici et là pour que l’ensemble de l’opposition soutienne des équipes de citoyens candidats dans les cinq villes dans le cadre d’un front de la résistance et du refus de la mainmise généralisée du MSM, mais la stratégie à adopter est loin d’avoir été arrêtée, les municipales n’étant pas derrière la porte.

Ils sont nombreux à se poser des questions sur la grande discrétion qu’observe Pravind Jugnauth depuis les dernières élections générales, lui qui a été sur tous les fronts depuis son installation au poste de Premier ministre en janvier 2017. Le travail visant sa reconduction ayant été accompli, il a probablement décidé qu’il pouvait désormais mieux gérer son temps.

C’est peut-être parce qu’il a constaté qu’une opposition regroupée serait un os redoutable à contrer qu’il a pris le parti de moins s’exposer. Il doit aussi s’être dit que c’est une chose que de détenir une majorité confortable à l’intérieur de l’Assemblée nationale et que c’en est une toute autre que d’avoir à faire face à cette énorme proportion de l’électorat qui l’a rejeté. En tout cas, ils ont tous du pain sur la planche. 

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