SERVICES FINANCIERS – BLACK LIST – Vincent Degert (UE) : « Maurice doit démontrer l’étanchéité de son système de surveillance »

Après la décision de la Commission européenne d’inclure Maurice sur la Black List « des pays à haut risque dont le dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme présente des carences stratégiques », des discussions officielles sont prévues aujourd’hui.

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Le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance, Mahen Seeruttun, et l’ambassadeur de l’Union européenne, Vincent Degert, ont rendez-vous pour passer en revue la situation. Alors que le ministre déplore que les autorités mauriciennes n’aient pas été consultées au préalable, l’ambassadeur européen estime que la question de blanchiment est sur la table « depuis longtemps ». Il s’appesantit sur le fait que Maurice doit démontrer l’étanchéité de son système de surveillance quant aux transactions financières.

« J’espère qu’on s’attellera à la tâche de manière sérieuse et effective pour, le plus rapidement, sortir de cette impasse », déclare le représentant diplomatique de la Commission européenne au Mauricien. Il maintient que le dossier de la lutte contre le blanchiment « n’est pas nouveau » entre l’Union européenne et Maurice. « On avait déjà eu, dans le passé, des débats sur la fiscalité qui avaient donné lieu à des échanges et qui ont été réglés au bout d’un moment. La question de la lutte contre le blanchiment constitue un autre volet de la lutte contre l’argent sale en général, faisant déjà partie des discussions qu’avait eues le gouvernement avec le Commissaire européen à la Coopération internationale et au Développement, Neven Mimica, l’année dernière.

C’est donc un sujet que l’on débat et que l’on discute avec Maurice depuis un certain temps. J’ai déjà eu plusieurs réunions de travail avec le ministre Seeruttun depuis le mois de novembre dernier », affirme-t-il. Et de poursuivre : « Le seul changement intervenu depuis est que Maurice a été épinglée par la Financial Action Task Force (FATF) en février dernier. Cette dernière a pris la décision de placer Maurice sous surveillance considérant que le pays n’avait pas fait suffisamment d’avancées concrètes. Il y a eu des avancées en matière légale et en matière structurelle mises en place mais c’est au niveau de l’effectivité du système et de sa fiabilité que le jugement de FATF retrouve sa pertinence. La FATF, qui est en quelque sorte le gendarme international pour la question de blanchiment, a décidé de mettre en février Maurice sur monitoring pour deux ans. »
Vincent Degert concède que le problème s’est compliqué pour Maurice parce que l’Union européenne a dû mettre à jour sa propre législation.

« Cette démarche concerne l’Union européenne, qui a renforcé en interne son propre système de supervision et d’investigation. La législation a été durcie à la demande des États membres et du Parlement européen », souligne l’ambassadeur européen. Il fait comprendre que la démarche de la Commission européenne comprend également un volet externe prenant en compte l’internationalisation des services financiers. « Pour cela, l’Union européenne a repris cette nouvelle liste qui a été établie par la FATF. Plusieurs pays devaient sortir de la liste entre autres l’Éthiopie et la Tunisie. Il fallait que l’Union européenne prenne acte des progrès réalisés par ces pays. Il fallait prendre également en considération les pays qui ont été listés par la FATF. Malheureusement, Maurice été listée au mois de février dernier et il a fallu l’y inclure dans ce contexte », fait-il ressortir.
Concernant la suite qui sera donnée à la décision prise par la Commission européenne,

Vincent Degert revient sur les procédures avec le délai d’un mois pour l’entrée en vigueur de ces directives de la Commission européenne. « Il y a un délai d’un mois avant que cette liste ne soit effective. Il faut que les États membres et le Parlement européen valident cette liste sans aucune objection. Dans le passé, il y a eu des cas où les Etats membres ont rejeté l’acte délégué. Cela m’étonnerait cette fois-ci parce que le travail régulatoire a été fait de manière rigoureuse et très sérieuse. Je ne pense pas que ni le Parlement ni les États membres vont le rejeter. La liste des pays sortants sera immédiatement applicable. Pour ceux qui seront listés, la liste sera en application à partir du 1er octobre prochain », explique-t-elle.

Interrogé au sujet des démarches que doit entreprendre Maurice pour sortir de la liste noire, le diplomate européen estime que le pays ne peut faire grand-chose si ce n’est la mise en œuvre des engagements qui ont été pris déjà depuis un certain temps et mettre en œuvre un plan d’action échelonné sur deux ans et établi par la FATF à partir de février dernier et que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre dans un délai d’un an au lieu de deux. « La Commission européenne a déjà établi un mécanisme d’assistance technique pour aider Maurice à franchir ces étapes afin de se mettre en conformité avec ses obligations internationales. Toutefois, tout cela arrive un peu trop tard. Il aurait été bien si Maurice avait évité d’être listée par la FATF. Il faut que le plan d’action soit exécuté et que Maurice fasse la preuve de l’étanchéité de son système de surveillance des transactions financières. Il n’y a pas vraiment d’alternative à cela », déclare-t-il. Il poursuit : « C’est au niveau de l’effectivité des investigations de l’encadrement des jeux d’argent, de la bijouterie et de la profession d’avocat. Ce sont des questions dures qui doivent être améliorées et renforcées. »

Quant à savoir si la présence de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne affecterait l’aide européenne au pays, Vincent Degert répond : « En partie non. L’assistance technique ou les programmes d’aide en général, qui sont destinés à Maurice, ne sont pas mis en cause. Il n’y a pas d’interruption. Par contre, toutes les transactions financières avec Maurice sont sujettes à une ‘Enhanced Due Diligence’ et à un renforcement de la supervision. Cependant, les transactions qui ne sont pas destinées à Maurice et qui vont vers d’autres marchés, à l’instar de celles qui passent par l’île ou par des identités immatriculées à Maurice, ne seront plus possibles aussi longtemps que la République est sur la liste noire. Les fonds en provenance du budget européen ou de la BEI, destinés à un pays africain ou asiatique, ne pourront pas passer par Maurice aussi longtemps que le pays est sur la liste. Nous avons un règlement financier qui nous impose ce type de procédures. » Et de conclure que « j’espère qu’on s’attellera à la tâche de manière sérieuse et effective pour, le plus rapidement, sortir de cette impasse ».

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