Sondage Afrobarometer : Hausse accablante de la violence domestique

L’abus d’alcool et la pauvreté cités comme étant les raisons de ces tensions, allant jusqu’à des actes d’agression physique au sein des couples

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La violence domestique, bien que dénoncée par beaucoup, gagne toujours et encorfe du terrain à Maurice. Les autorités, les Ong et les travailleurs sociaux, entre autres, ont beau lutter contre ce fléau, les chiffres restent effrayants. Une grande majorité, soit 86% de la population, estime en effet que la violence domestique a augmenté dans le pays, à en croire un sondage d’Afrobarometer/Straconsult. Une violence qui serait aussi exacerbée par des traditions religieuses, où la femme est appelée à se taire devant son partenaire, au lieu de faire entendre sa voix.

Un sondage effectué par Afrobarometer/Straconsult, et rendu public mercredi à travers un Webinaire, a révélé l’étendue du fléau de la violence domestique a gagné la société. Les statistiques parlent d’ailleurs d’elles-mêmes. La majorité des Mauriciens sondés pour ce rapport, soit 86%, estime en effet que la violence au sein de la famille a augmenté par rapport aux années précédentes. Certains sont même d’avis qu’elle a augmenté « fortement » depuis 2020.

Selon le sondage, du côté des villes, 88% de femmes et 89% d’hommes peuvent rapporter des cas de violence domestique. Des chiffres qui atteignent 85% d’hommes et 84% de femmes au niveau des villages. Pour 90% des sondés âgés de 35 à 55 ans, la violence domestique a connu une recrudescence. Un avis partagé par 90% des sondés ayant une éducation post secondaire.

Dans le rapport, 57% des sondés accusent les hommes d’être les plus grands responsables de violences domestiques, contre 25% qui estiment que cette responsabilité revient à tous les individus indistinctement, hommes, femmes, garçons et filles. Autre idée générale qui se dégage : le fait que l’alcool soit la cause principale des cas de violences domestiques. « La perception que l’abus d’alcool est la cause principale de la violence domestique est plus prononcée parmi les habitants des villages, soit 46%. Et 48% estiment que c’est la pauvreté modérée ou forte », avance le présentateur et directeur de Straconsult, Amédée Darga. En revanche, 36% des Mauriciens mettent le phénomène sur le compte de la consommation de drogue et 15% en raison des valeurs traditionnelles et culturelles.

Le sondage s’est également intéressé à la délinquance juvénile, dont la hausse serait également due à la drogue, selon 49% des sondés. « Les sondés estiment que la responsabilité doit être partagée », reprend Amédée Darga. Dans leurs réponses, 13% des sondés expliquent ce phénomène par la « pression », 11% par l’abus d’alcool et 2% par la violence physique à la maison. Côté solutions, 24% des sondés estiment que la discipline devrait être « plus sévère » à l’école, contre 22% qui estiment qu’elle devrait davantage l’être à la maison.

Du côté de la violence domestique touchant des partenaires intimes, 45% des Mauriciens estiment que ce problème doit être réglé au sein même de la famille, et donc sans avoir recours aux lois, contre une majorité de 51% qui, au contraire, sont d’avis que ce type de violences est « criminel », selon le sondage. « Les autorités, les Ong et les activistes luttent pour que les lois soient appliquées. Mais il faut admettre que nous avons un problème culturel et social, car 45% des sondés estiment le problème de la violence domestique comme une affaire à régler en famille », soutient Amédée Darga.

La psychologue et activiste sociale Saffiyah Edoo, qui participait à ce Webinaire, s’est intéressée d’abord à la délinquance juvénile, qu’elle explique par plusieurs facteurs. « Plusieurs facteurs affectent les jeunes. Je pense que le problème est lié à un manque de canaux de communication qui leur sont offerts », dit-elle. Avant de se demander si un sondage a déjà été effectué auprès des jeunes afin de savoir quels sont les problèmes auxquels ils font face pour expliquer leur comportement.

Saffiyah Edoo croit également à la nécessité d’une meilleure coopération entre toutes les parties prenantes, faisant ainsi référence à une réponse des sondés à l’effet que l’école et la famille doivent porter plus de responsabilités. Selon elle, il faudrait un « renouvellement » de la Parent’s Teacher’s Association. « Il faut plus de cohésion afin de répondre aux problèmes auxquels les enfants font face à l’école », dit-elle.

La psychologue est également d’avis qu’il faudrait offrir plus d’outils nécessaires aux élèves afin qu’ils deviennent des « acteurs de leur propre développement ». Pour ce faire, elle suggère la mise en place d’un groupe qui travaillerait avec les autorités, et qui serait composé de parents, d’enseignants et d’officiers ayant pour responsabilité de faire appliquer les lois. Saffiyah Edoo demande aussi à « ne pas parler pour les jeunes », mais plutôt de les intégrer dans les conversations. « Leur voix doit être entendue », estime-t-elle.

Au chapitre de la violence domestique, Saffiyah Edoo est d’avis qu’il n’y a pas d’augmentation spectaculaire du nombre de cas, cette perception étant liée au fait que davantage de personnes sortent de l’ombre pour dénoncer ce type de violences. S’il y a effectivement une hausse, dit-elle, c’est que les gens sont plus à l’aise pour se diriger vers les autorités et dénoncer ce genre d’abus.

La psychologue avance également des propositions pour lutter contre la violence domestique. En premier lieu, elle demande ainsi de « déconstruire » les “gender roles”. Un travail qui nécessite, selon elle, « un changement de mentalité, car cette vision s’inscrit dans le long terme ». Elle est également d’avis que la culture et la religion sont « utilisées pour renforcer la violence » dans certains cas dénoncés. « Les centres religieux doivent avoir des espaces, ouverts aux hommes autant qu’aux femmes, où ils assument un rôle allant au-delà de la religion », dit-elle.

Intervenant à son tour, le Dr Satish Boolell, médecin légiste, est catégorique en ce qu’il s’agit de la violence domestique. « Nous n’avons pas de mauvaises écoles, mais plutôt des enseignants médiocres, qui sont motivés par d’autres raisons que l’enseignement », estime-t-il. « Les autorités doivent prendre la responsabilité de la délinquance juvénile. Par exemple, nous avons des organisations qui doivent lutter contre la drogue. Où sont-elles ? »

« Nous avons pour habitude souvent de blâmer les hommes dans les cas de violences domestiques, mais savons-nous que ce problème concerne autant les hommes que les femmes ? » Ce que « personne n’admet », dit-il, tout en pointant l’abus d’alcool comme facteur déterminant, même si, déplore-t-il, « il n’y a pas de sondage sur l’alcool ». Dans ses commentaires, il demande également de mettre un frein à la violence contre les personnes âgées, « qui sont souvent négligées à la maison ».

Le rapport d’Afrobarometer a été effectué par 35 Field Surveyors, qui ont sondé 1 200 Mauriciens, soit 600 femmes et 600 hommes. Parmi les sondés, 42% habitent en ville et 58% en régions rurales. Du côté de la répartition communautaire, 43% appartiennent à la communauté hindoue, suivis de la communauté créole puis de la communauté musulmane. Les sondés devaient tous répondre à trois parties distinctes, soit la délinquance juvénile, la violence domestique et la violence domestique entre partenaires intimes. Amédée Darga rappelle que ce sondage, réalisé à l’échelle nationale, a été effectué du 5 au 30 novembre de l’année dernière.

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