SOUVERAINETÉ TERRITORIALE : L’épreuve décisive du voyage aux Chagos

  • Sir Alan Duncan du FCO : « We urge Mauritius to reconsider the proposal to organise a visit to the BIOT. Any unauthorised visit to BIOT will be treated utmost seriousness »
  • L’ex-président Uteem à la manifestation Lalit-MLF : « Amérikin pe servi nou teritwar pou atak lezot pei ! »

Le projet de voyage aux Chagos envisagé par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et répété lors de son déplacement à Rodrigues dimanche dernier, pourrait s’avérer être une épreuve décisive dans le bras de fer entre Port-Louis et Londres. Pour l’instant, l’escalade est verbale, car Maurice n’a pas encore mis à exécution ce plan. Mais les menaces proférées par la Grande-Bretagne, par le truchement de sir Alan Duncan, du Foreign and Commonwealth Office, ont gagné en intensité, ajoutant aux tensions dans les relations bilatérales. De son côté, l’ancien président Cassam Uteem, intervenant lors d’une manifestation au Jardin de la Compagnie organisée par Lalit et Muvman Liberasyon Fam pour célébrer l’engagement des Chagossiennes, a fait une virulente sortie contre les Américains, qui opèrent à partir de la base militaire de Diego Garcia. Il a mis en garde contre des représailles ciblant Maurice vu qu’une partie du territoire national constitue un tremplin pour des attaques contre d’autres pays.

- Publicité -

Le ton entre Londres et Maurice ne cesse de monter sur le dossier des Chagos. À la dernière réunion de l’Indian Ocean Tuna Commission à Hyderabad en Inde, la déclaration officielle de Maurice en ouverture est sans équivoque. « The government of the Republic of Mauritius strongly objects to the participation of the United Kingdom or the so-called United Kingdom Overseas Territory delegation in this meeting », a déclaré le représentant de Maurice, brandissant l’Advisory Opinion du 25 février et la résolution 73/295 des Nations unies du 22 mai dernier.
En guise de réaction, le délégué britannique a trouvé que « the United Kingdoim regrets the continued of this important multilateral forum by the Republic of Mauritius to address a bilateral issue. This only serves to distract from the important work of IOTC members to combat the regional IUU threat and other matters considered by this commitee ».
Mais mardi dernier à la Chambre des Communes, la Grande-Bretagne a tout simplement fait usage de menaces dans une tentative de dissuader Maurice au sujet d’un déplacement en bateau aux Chagos. « We are aware of the Mauritian Government’s proposal to organise a visit to the British Indian Ocean Territory (BIOT). We urge Mauritius to reconsider. Any unauthorised visit to BIOT will be treated with utmost seriousness », a déclaré sir Alan Duncan en réponse à une Parliamentary Question de Catherine West au sujet de cette éventuelle visite dans l’archipel.
Ce développement est intervenu 48 heures après la déclaration de Pravind Jugnauth à Rodrigues confirmant l’intention de Maurice d’effectuer ce voyage aux Chagos à une date à être confirmée. Les débats, caractérisés par un ton consensuel des deux côtés de l’Assemblée nationale, vendredi, sur la motion pour rattacher les Chagos, dont Diego Garcia, à une circonscription de Maurice, ont été suivis par Londres avec des réactions attendues à coup sûr.
« Rann nou Diego ! »
Par ailleurs, la déclaration de l’ancien président de la République Cassam Uteem stigmatisant la présence militaire des Américains à Diego Garcia n’aura pour effet qu’attiser la surenchère verbale du moment. « Et si demain Maurice subissait une attaque terroriste en réaction aux bombardements qu’effectue les États-Unis en se servant de la base de Diego Garcia, qui est notre territoire ? Que répondrons-nous à cela ? Comment réagirons-nous ? Saurons-nous le faire, d’ailleurs ? Qu’avons-nous à dire aux victimes des pays subissant les attaques des Américains qui se servent de notre territoire pour attaquer des pays comme l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie ? » s’est-il demandé lors de la manifestation d’hier au Jardin de la Companie.
Dans ce contexte, l’ancien président de la République n’a pas manqué de mettre en exergue le slogan de l’époque « Rann nou Diego ! ». « Parce que nous étions déjà conscients du danger que représentait la présence d’une base militaire américaine dans notre région », dit-il. « Les derniers dénouements confirment que nous avons eu raison de soutenir la cause des Chagossiens dès le départ. Que nous avons eu raison de dire et répéter qu’il y avait violation de la part des Anglais. Mais cette lutte est loin d’être terminée. Il y a encore un long chemin à parcourir. Et je salue Lalit pour sa persévérance et sa détermination dans ce combat de longue durée », ajoutera-t-il.
La manifestation de Lalit et du MLF d’hier avait pour but de « saluer la mémoire des femmes, les Chagossiennes qui avaient pris les devants, en 1981, de manifester devant le haut-commissariat britannique à La Chaussée ». Lalit et le MLF avaient apporté leur soutien jusqu’à l’arrestation de huit femmes d’entre elles. « Le 13 juillet 1981, nous devions comparaître en Cour pour cette arrestation  », a rappelé Lindsey Collen. S’agissant de la contribution des femmes dans la cause chagossienne, Cassam Uteem a évoqué le fait qu’Aurélie Talate « avait été nommée, choisie, pressentie pour être récipiendaire du Prix Nobel de la Paix ! Quel meilleur hommage au soutien des femmes que cela ? »
Lindsey Collen a rappelé que « l’engagement de Lalit et du MLF a vu émerger d’autres courants locaux soutenant la même cause. Il y a eu les frères Sylvio et Elie Michel, le MMM à ses débuts, puis le MMMSP, des organismes comme Sahringon, le Cedrefi. Il y a eu le PTr qui a été vers le UNCLOS Tribunal. Chacun a parfois œuvré de son côté et parfois ensemble. »
Le fait historique est qu’il y a 38 ans, Charlesia Alexis (46 ans), Marie-Louise Armoogum (42 ans), Lindsey Collen (33 ans), Ragini Kistnasamy (23 ans), Philine Frivole (40 ans), Lilette Goyaram (Tatayah) (40 ans), Merline (Lanzie) Lamb (34 ans) et Roselee Pakium (37 ans) furent arrêtées par les éléments de la Riot Unit. Ram Seegobin se rappelle. « Zot ti lamem, la, anba, lor sa later-la Nous avons eu un idéal durant toutes ces années : nous pensions, nous espérions, nous priions que chaque année serait porteuse de meilleures nouvelles Mais, au final, c’est le contraire qui s’est passé. »
Artistes et activistes sont venus apporter leur concours à l’événement au Jardin de la Compagnie. Les souvenirs hantent ceux et celles qui ont fait le déplacement. Ainsi, Darma Mootien lit un poème rempli d’émotions. De sa gouaille unique, Menwar traduit la menace des bombes. Mais le tandem inattendu composé de Rajni Lallah au piano et Zulu reprend Diego. Après sa prestation, le bluesman du Sud avouera : « Mo mem mo’nn gayn frison ! Tou bann dimounn ki la zordi, ek sekinn ayer osi, zot finn avoy zot vibrasyon  »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -