St-Louis Gate : l’ICAC revient sur la genèse de l’appel d’offres

Pour une première audition, Bertrand Lagesse entendu sur ses relations professionnelles avec la firme danoise et des fees de Rs 25 M sur cinq ans

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Le consultant en Power Plants : « Nul besoin de Disclosure Order de l’ICAC, je mets tous les comptes bancaires à votre disposition »

L’Acting GM du CEB, interdit de fonctions, confronté aux spécifications du projet de réhabilitation de la centrale thermique de décembre 2014 jusqu’à fort tard hier

La convocation prochaine d’Alain Hao Thyn Voon, de PADCO Ltd, ouvrira la voie à un « Money Trail, the backbone of the probe »

Rebondissements en fin de semaine dans la St-Louis Gate, concernant un contrat de Rs 4, 6 milliards et une différence de Rs 700 millions entre le contrat annulé et celui décroché par la firme danoise Burmeister & Wain Scandinavian Contractor A/S. D’abord, la dimension politique avec la révocation de l’ex-Deputy Prime Minister et leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, après de longues tractations au plus haut niveau de l’état. Ensuite, Lakwizinn du Prime Minister’s Office, le Premier ministre Pravind Jugnauth se préparant à une offensive politique contre le leader du MMM Paul Bérenger dans cette même affaire. Dans les deux cas, Pravind Jugnauth maintient que les noms de ces deux personnalités politiques sont mentionnés dans le rapport de l’Office of Integrity and Anti-Corruption de la Banque africaine de développement (BAD) et les montants attribués. Dans les deux cas, les personnalités politiques concernées rejettent avec véhémence ces allégations d’avoir touché des pots-de-vin de BWSC lors de l’attribution du contrat du Redevelopment de la centrale thermique de Saint-Louis. Par contre, les premières indications sont que du côté de l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), qui est déjà en possession du rapport de la BAD transmis par l’Hôtel du gouvernement, l’on se concentre dans l’immédiat et en priorité sur la genèse des procédures d’appel pour ce contrat en 2014.

Politiquement parlant, après l’annonce d’Ivan Collendavelloo qu’il compte « occuper sagement » le back bench de la majorité gouvernementale, la séance de l’Assemblée nationale de mardi prochain s’annonce chaude. La Shouting Brigade du gouvernement, nouvellement constituée, avec notamment le vétéran Bobby Hurreeram en première ligne, devrait se manifester. Mais du côté du MMM, l’on compte répondre du tac au tac aux allégations contre Paul Bérenger dans cette affaire incluant une double réclamation pour une commission d’enquête présidée par un juge de la Cour suprême et la publication du rapport de la BAD. Sans compter que la thèse concoctée par Lakwizinn que Pravind Jugnauth ne savait rien de cette affaire jusqu’au 8 juin dernier ne tient nullement la route. Les anciens militants, aujourd’hui installés dans les rangs du gouvernement, comptent également donner de la voix en embuscade à ces assauts verbaux, qu’il s’agisse au sein de l’hémicycle ou dans d’autres forums.

En ce qui concerne l’ICAC, la convocation formelle, hier, de l’Acting General Manager Interdicted du Central Electricity Board (CEB), Shamshir Mukoon, et de Bertrand Lagesse, celui qui est présenté comme l’agent local de BWSC, donne une indication de l’orientation initiale de l’enquête. Toutefois, au cas où les démarches engagées par l’Attorney General’s Office auprès des autorités policières et pénales danoises en vue d’obtenir des détails de l’enquête instruite contre deux hauts cadres de la BWSC dans cette affaire de pots-de-vin à des « officials of the Mauritian administration through third parties » se matérialisent, l’évolution de l’enquête de l’ICAC pourrait changer de rythme.

La pièce maîtresse

Les éléments obtenus par le truchement de Mutual Legal Assistance du Danemark pourraient donner un coup d’accélérateur à l’enquête en cours à Maurice. Comme on le sait, suite aux deux enquêtes confiées en juillet 2019 à la firme légale de Poul Schmith (Kammeradvokaten) et à la firme d’experts-comptables de KPMG et suite aux dénonciations d’un whistleblower, cinq cadres de la firme danoise ont été limogés et deux cas référés à la police danoise. “We have evicted five employees who have been involved in the actions. Furthermore, two persons have been reported to the Danish police since the investigation gives reason to suspect that criminal actions have occurred, including bribery.  Besides the evictions, two persons have been reported to theDanish police for being the key to the actions”, avait déclaré Nikolaj Holmer Nissen, CEO de Burmeister & Wain Scandinavian Contractor.

Après une double série de perquisitions en simultané à deux semaines d’intervalle, l’ICAC a abordé l’étape des interrogatoires under warning depuis la fin de la semaine avec l’audition d’un haut cadre du Central Electricity Board, de l’Acting General Manager, Shamshir Mukoon et de Bertrand Lagesse. A ce stade, les séances d’audition sont encore au stade préliminaire, l’ICAC consignant la version des faits de ces protagonistes au sujet de leurs rôles et responsabilités dans les procédures d’appels d’offres, soit le tout début du dossier.

Les yeux sont tournés sur la posture que compte adopter l’Acting General du CEB, suspendu de ses fonctions au lendemain de l’éclatement du St-Louis Gate. Shamshir Mukoon est présenté comme la pièce maîtresse dans la réalisation de ce projet de Rs 4, 5 milliards à la centrale de Saint-Louis. Dans un premier temps, soit en 2014 où il a été mêlé aux procédures d’appels d’offres en tant que Production Manager au CEB. Puis, il devait assumer un rôle de premier plan à différentes étapes subséquentes des travaux à la centrale thermique de Saint-Louis. « Shamshir Mukoon a une parfaite maîtrise de ce qui s’est passé lors des procédures d’appels d’offres et sa collaboration à toute enquête sera plus que déterminante », fait-on comprendre, alors que le principal concerné était entendu au QG de l’ICAC après une perquisition à son domicile dans matinée d’hier. En début de soirée d’hier, l’interrogatoire se poursuivait, même si l’ICAC ne comptait pas rééditer la séance marathon de vendredi soir.

« Trop de secrets »

D’autre part, il reste encore le volet de sa responsabilité en tant que General Manager suppléant depuis la décision de BWSC au sujet de l’enquête sur ces cas allégués de corruption en avril 2018 en passant par le courriel de BWSC du 15 février 2019 au sujet des conclusions de ces mêmes enquêtes, la réunion du conseil d’administration du 31 octobre 2019 jusqu’au communiqué du 8 juin 2020 de la Banque africaine de développement sur la sanction contre BWSC. « Shamshir Mukoon détient trop de secrets sur les dessous de ce contrat avant, pendant et après la réalisation des travaux de la centrale thermique de Saint-Louis », concède-t-on du côté du CEB.

D’autre part, à la mi-journée, accompagné de son conseil légal, Me Joy Beeharry, Bertrand Lagesse s’est rendu à l’ICAC suite à une convocation formelle. Des recoupements d’informations effectués par Week-End indiquent qu’il aurait récusé formellement la thèse qu’il serait l’agent local de BWSC. Il maintient que professionnellement en tant que spécialiste et consultant de Power Plants après des études à l’Imperial College de Londres, il travaille pour tous les soumissionnaires, participant à des appels d’offres du CEB, dont Mitsubishi et BWSC, entre autres.

Confronté à des versements de l’ordre de Rs 25 millions de la BWSC sur une période de cinq ans, Bertrand Lagesse affirme que « l’ICAC n’aura pas besoin de Disclosure Order. Je suis disposé à mettre à votre disposition tous mes comptes ». Après avoir passé environ trois heures dans les locaux de l’ICAC, Bertrand Lagesse est rentré chez lui après avoir pris un engagement d’y revenir pour la suite de son interrogatoire en début de semaine.

La prochaine convocation formelle, celle d’Alain Hao Thyn Voon, un des directeurs de PADCO, société de sous-contracteurs, pourrait ouvrir la voie à un « Money Trail, the backbone of the probe », que ce soit sur le plan local ou international. Mais à ce week-end, nous n’en sommes pas encore là, car des pièces justificatives demandent à être versées dans le dossier à charge.

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