State House/Sobrinho Saga : La « grande lessive » d’Ameenah Gurib-Fakim

L’ancienne présidente de la République ne ménage pas son ex-bras droit, Dass Appadu, et son conseiller légal, Me Yousuf Mohamed, SC

- Publicité -

Ameenah Gurib-Fakim parle de « failing memory » de sir Anerood Jugnauth

L’ancienne présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, s’est appesantie hier, devant les juges de la commission Caunhye, sur le fil conducteur des événements depuis sa nomination au Château du Réduit, en juin 2015, jusqu’à sa démission en mars 2018, provoquée par la “PEI-State House Saga”. Elle a expliqué comment Dass Appadu, son ancien secrétaire à la présidence, a agi comme employé du groupe de Sobrinho et comment les choses se sont passées avec les leaders politiques de Lalyans Lepep. « Je ne considérais pas la présidence comme un poste pour couper le ruban ou offrir des platitudes, mais comme une position à laquelle le titulaire du poste était engagé à promouvoir les intérêts du pays et mettre en évidence ses réalisations et ses progrès en matière de développement sur la scène mondiale », a expliqué Ameenah Gurib-Fakim en guise d’introduction.
La « Failing Memory » de SAJ

Ameenah Gurib-Fakim a d’emblée expliqué la nature de ses relations avec les leaders de Lalyans Lepep, notamment avec Ivan Collendavelloo, le leader du Muvman Liberater, qui lui avait suggéré d’être la présidente de la République en cas de victoire aux élections de décembre 2014. « Ma relation avec sir Anerood Jugnauth en tant que Premier ministre était respectueuse. J’étais reconnaissante de bénéficier de son soutien et de partager avec lui ma vision. Nous discutions fréquemment de nos idées et projets qui, à mon avis, pourraient être utiles au relèvement du pays », a affirmé l’ancienne locataire du Château du Réduit. Et d’ajouter : « Sir Anerood Jugnauth était très positif au sujet de mes activités. Je l’informais des résultats après toutes mes missions à l’étranger et il était au courant de la raison de mes voyages, même avant mon départ. Sir Anerood Jugnauth a toujours été tenu au courant de toutes mes activités et de ses bénédictions. » Elle indique de même que « parfois, il me demandait de lui envoyer des lettres sur le contenu de nos discussions du jeudi matin en raison de sa “mémoire défaillante” ». D’ailleurs, c’est la raison qu’il a évoquée lorsqu’il a décidé de quitter le poste de Premier ministre en janvier 2017, soulignant « que sa “Failing Memory” était dangereuse pour le pays ».

D’autre part, ses relations avec l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth, ont, selon elle, « toujours été civiles ». Elle ajoute : « Cependant, je me souviens qu’il est devenu plus distant après avoir été en désaccord avec certaines des nominations proposées nécessitant l’intervention de la présidente de la République, en particulier celles prescrites par la Constitution. » Elle a de même laissé entendre qu’elle était contre la nomination de Shamila Sonah-Oree à l’Electoral Supervisory Commission.

Dass Appadu

Ameenah Gurib-Fakim a affirmé qu’elle « ne connaissait rien » des procédures à suivre pour choisir le secrétaire du président. « À ce moment-là, je n’avais même pas envisagé la question du transfert car le secrétaire du président était la mémoire institutionnelle de ce bureau », a-t-elle dit. Selon elle, Dass Appadu commençait à travailler tôt le matin et souvent jusque tard dans l’après-midi ou le soir. « Dass Appadu dirigeait la State House et assistait à des réunions avec le secrétaire du Cabinet et le chef de la fonction publique, Nayen Koomar Ballah. Peu à peu, il s’est efforcé de devenir indispensable », dit-elle. Elle poursuit : « Je tiens à réitérer que je ne lui ai jamais demandé de continuer à venir à la State House. Je ne l’ai pas non plus toléré de donner des ordres au personnel du Réduit après son transfert. » Concernant l’emploi du haut fonctionnaire chez la compagnie de Sobrinho, elle dira que « cela n’a tout simplement aucun sens que Dass Appadu me laisse décider de ses choix de carrière ». Et d’affirmer : « Ce n’est qu’après le départ de Dass Appadu de la State House que des membres du personnel ont commencé à me dire des choses. Par exemple, que je ne savais pas qu’il conduisait une toute nouvelle Jaguar avec une plaque d’immatriculation privée. Je n’ai jamais vu la voiture. »
Ameenah Gurib-Fakim a aussi avancé que ce n’est qu’après le départ de Dass Appadu de la State House, en novembre 2016, que des membres du personnel du Réduit sont venus lui dire que l’ICAC avait visité le Château en raison de deux sujets, à savoir la lettre envoyée au secrétaire du Cabinet, demandant l’autorisation de faire un travail de consultant pour le groupe ASA, et les procédures d’appel d’offres pour la restauration avec d’autres fournisseurs s’étant plaints que « seul le restaurant Sitar obtenait tous les contrats ».

PEI-Sobrinho-VIP Facilities

« En septembre 2015, M. Appadu avait assuré le suivi de tous les travaux pour mon adhésion au Planet Earth Institute en tant qu’administrateur et vice-président et, en novembre 2015, a eu lieu la signature du protocole d’accord entre les responsables de l’ASA Group, qui ont assisté au lancement officiel de Planet Earth Institute à Maurice », a avancé l’ancienne présidente. Selon elle, en février 2017, « il y avait une campagne contre Alvaro Sobrinho ». Elle poursuit : « Malgré le bon travail accompli pour créer une culture scientifique locale, j’ai décidé de démissionner du Planet Earth Institute, car j’étais personnellement visée par des insinuations gratuites au sujet de ma prétendue proximité avec M. Sobrinho. » Elle a ensuite soutenu que « comme on peut l’imaginer, ces allégations sans fondement, concernant une relation présumée avec M. Sobrinho, causaient beaucoup de désarrois à ma famille ».
Concernant les “VIP Facilities” à l’aéroport SSR, l’ex-présidente souligne que « la seule fois, où j’ai demandé à M. Appadu d’organiser l’accès VIP pour PEI, c’était en novembre 2015 ». Elle a aussi ajouté devant les juges de la Commission Caunhye hier que « la première fois que j’ai entendu parler de la correspondance entre le Prime Minister’s Office et le Bureau du président à cet égard, c’était à l’ICAC ». Et de poursuivre : « J’ai appris avec surprise que l’accès VIP avait été demandé et accordé au motif que les personnes concernées étaient des “invités spéciaux de la présidente”. Je peux dire que je ne connais même pas certaines des personnes qui ont bénéficié d’un tel accès, telles que M. Jose Pinto, M. Joao Martin ou Jao Rodrigues. »

Sobrinho présent depuis avril 2015

L’ancienne présidente a avancé hier qu’à l’époque elle « ne savait pas » que Mauricio Fernandes avait déjà été en contact avec le ministère des Services financiers et celui des TIC depuis avril 2015 pour un autre projet. Elle est revenue sur l’affidavit du conseiller de Pravind Jugnauth, Rudy Veeramundar, qui avait décrit une réunion tenue le 6 août 2015 au ministère des Services financiers avec d’autres proches du Prime Minister’s Office.

Platinum Card

« Bien que la carte ait été émise en mai 2016, je l’avais utilisée pour la première fois en septembre 2016 alors que je me rendais aux États-Unis pour prononcer un discours liminaire à la Conférence sur l’océan, organisée par le Département d’État à Washington DC », a affirmé Ameenah Gurib-Fakim. Et d’ajouter : « M. Appadu faisait partie de la délégation et savait pertinemment que la carte avait été utilisée pour réserver un logement at “short notice”. Il était clair dans mon esprit que l’utilisation d’une carte pour les dépenses créerait une trace écrite et garantirait la transparence si des questions se posaient au sujet des dépenses. » Elle a de même souligné qu’à aucun moment, « personne n’a émis de réserve à propos de cet arrangement ».

Commission mort-née Moollan

Ameenah Gurib-Fakim a une nouvelle fois déclaré que c’est l’avoué Gilbert Noël qui l’a initialement indiqué que « le président avait pour prérogative de nommer une commission d’enquête ». Elle explique : « Il est vrai que j’étais déterminée à laver mon nom et que j’étais convaincue que la nomination de la Commission Moollan permettrait d’atteindre cet objectif. » Elle a toutefois précisé qu’elle n’aurait « jamais institué cette commission d’enquête si Me Yousuf Mohamed ne m’avait pas conseillée en disant : “No, you cannot but tactically you can. Go ahead” ». Elle poursuit : « Cependant, je n’ai pas abordé le deuxième communiqué avant d’avoir eu une conversation avec Me Yousuf Mohamed Senior Counsel quand ce dernier m’a dit que “legally you can’t but tactically you can”. » Elle affirme qu’elle n’aurait « jamais procédé à la publication de ce communiqué si j’avais su qu’elle agissait en violation de la Constitution ».

Désaccord de Lutchmeenaraidoo et de Gayan

Ameenah Gurib-Fakim a aussi indiqué que l’ancien Premier ministre sir Anerood Jugnauth avait l’habitude de l’informer de toute réserve exprimée par les membres de son cabinet. Selon elle, le ministre Vishnu Lutchmeenaraidoo s’était plaint du fait qu’on « m’avait demandé de signer quelques documents » lors des Journées européennes du développement, à Bruxelles, en juin 2016. Elle a laissé entendre que le ministre des Affaires étrangères s’était également opposé à sa signature de l’accord de Paris, à New York. L’ancienne locataire de la State House a aussi mentionné le différend avec le ministre Anil Gayan alors que ce dernier assumait le poste de ministre de la Santé. L’ex-présidente a rappelé qu’en 2016, Lord Boateng avait amené une délégation de représentants de l’industrie pharmaceutique à la State House pour voir si le ministère de la Santé serait intéressé à ce que notre pandémie de l’hépatite C soit associée au VIH/Sida et aux problèmes de drogue. « J’avais demandé à Anil Gayan d’être présent mais ce dernier est venu et a été impoli avec la délégation, et ce jusqu’à aller dire au Premier ministre de me demander de ne pas intervenir dans son travail », a-t-elle souligné.

Les travaux de la Commission Caunhye ont été ajournés au 20 mars prochain.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -