SUDHEER MAUDHOO : Un habitué des affaires

Entre arrestation par l’ICAC en 2002 pour monnayage de patentes de taxi jusqu’aux allégations récentes de “protection money”, le ministre/businessman a eu un parcours parsemé d’embûches
Loin d’être « stressé » comme les dauphins, l’élu du N°9 a décidé, avec la bénédiction de son leader, d’être à la pointe de la nouvelle “shouting brigade” du MSM

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Lorsqu’il jouait au matamore en compagnie de ses colistiers du N°9, mercredi dernier, en consacrant une conférence de presse entière à son ancien mentor Anil Baichoo, Sudheer Maudhoo ne se doutait pas que son nom serait à la une de notre confrère Le Mauricien le lendemain pour des dénonciations très graves à son encontre formulées dans une correspondance adressée au Premier ministre par une directrice de compagnie engagée dans l’aquaculture. La dénonciatrice n’est d’ailleurs pas passée par quatre chemins pour réclamer la démission du ministre de la Pêche et de l’Économie océanique. Cet habitué des affaires, dans toutes les acceptions du terme, a eu, en fait, un parcours semé d’embûches.

La lettre de dénonciations du ministre Sudheer Maudhoo fait état de drôles de tractations avec des allégations de demande de « protection money », de trafic d’influence et de manœuvres coercitives d’intermédiaires pour être associés au projet d’aquaculture de Sushi Technologies ou carrément s’en emparer. Avant cette affaire, celui qui s’est relancé dans les affaires et dont le nom apparaît sur le calendrier 2021 de l’enseigne Fashion Bazaar au même titre que son partenaire Reza Foolah avait déjà été confronté à des allégations de corruption et d’accusations de pots de vin.

Attaché de presse d’Anil Baichoo, Sudheer Maudhoo est arrêté par l’ICAC le 10 octobre 2002 pour avoir pris un pot de vin de Rs
10 000 pour faciliter la délivrance de permis d’opération de taxi. L’affaire s’était déroulée en 1995, année des élections générales durant lesquelles le MSM fut balayé par un 60/0 par une alliance PTr/MMM. C’est Rama Valayden, alors l’avocat de Rashid Gopaul, président d’une association des taximen de l’est, qui dénonce le conseiller d’Anil Baichoo à l’ICAC. Après son interpellation, Sudheer Maudhoo est contraint à la démission. Il se lance ensuite dans de petits business.

Cette affaire provoque une animation particulière à Flacq. Rama Valayden organise un meeting pour dénoncer la corruption, mais ce rassemblement est perturbé par des agents fidèles au ministre Baichoo et à Sudheer Maudhoo. Un projectile est même lancé en direction de l’homme de loi alors qu’il est au micro. Cela n’a pas empêché Rama Valayden de représenter Anil Baichoo dans une affaire qui l’opposait à Ashwin Dookhun, président de la CNT.

Ce n’est qu’en 2011 que la charge logée contre l’activiste du MSM au N°9 sera rayée, le délit décrit comme ayant été commis en 1995 étant antérieur à la création de l’ICAC en 2002. Il faut dire que la commission était encore à ses premiers balbutiements après quelques mois d’opération et un activisme débridé et une politique « pa get figir » qui visait surtout des ministres et des proches du gouvernement. Ça, c’était à une autre époque.
Le nom de Sudheer Maudhoo refait surface en 2013 lorsque des allégations d’irrégularités dans la politique d’embauche au sein de la Mauritius Shipping Corporation sont faites. C’est lui qui est à la présidence de la MSC depuis le 18 novembre 2011. Juste après qu’il a été délivré du poids de l’accusation de corruption. Une liste de noms circule, où l’on retrouve des proches non seulement du ministre mais du président de la MSC aussi, comme Sanjay Maudhoo. Ce sont non seulement les recrutements politiques sans appel de candidatures qui font alors jaser, mais également le traitement princier dont bénéficient ces protégés. Pas de suite à ces dénonciations.

Condamné en cour commerciale
Pendant qu’il officiait à la MSC, les petites affaires personnelles de Sudheer Maudhoo allaient bon train. Engagé dans l’importation de vêtements de l’Inde principalement, il va cette fois être confronté à une action en justice du représentant légal de Ralph Lauren pour importation de produits de la même marque dans son autorisation. Dans son jugement, le juge Paul Lam Shang Leen, qui présidait la Cour commerciale, avait condamné Sudheer Maudhoo et ordonné à la MRA de détruire les articles que ce dernier avait importés.
Son histoire dans la commercialisation de vêtements importés semble avoir perduré jusqu’à sa nomination au poste de ministre en novembre 2019, bien que les employés de la chaîne de prêt-à-porter du nom de Fashion Bazaar avancent que le détenteur du portefeuille ministériel de la Pêche garde un œil toujours très attentif à l’évolution du groupe qu’il compose avec son complice Reza Foolah. Il est d’ailleurs celui qui procède le 6 décembre 2020 à l’inauguration du nouveau complexe commercial connu comme Beyond Fitness à Boulet Rouge, Flacq, et qui abrite les nouveaux locaux du magasin de Fashion Bazaar dans cette région. Lors d’un discours prononcé à cette occasion, son fidèle collaborateur Reza Foolah n’a pas hésité à affirmer que Sudheer Maudhoo est l’artisan du succès du groupe. Comme quoi, les affaires, ça le connaît.

Sur le plan strictement politique, Sudheer Maudhoo est connu pour avoir été toujours fidèle au MSM de sir Anerood Jugnauth depuis la création de ce parti en avril 1983. Le nom de cette famille connue de Lallmatie sera à la une des journaux lors de la campagne électorale pour la partielle de Flacq/Bon Accueil en 1998. Ce scrutin s’était imposé après le décès du ministre travailliste de la circonscription Gian Nath. Des policiers procéderont à l’interpellation de plusieurs membres de la famille Maudhoo, dont le père, âgé, pour troubles à la paix publique. Les charges seront éventuellement rayées faute d’éléments concluants.
C’est sir Anerood Jugnauth qui se présente au nom du MSM deux ans et demi après la débâcle du Sun Trust aux élections générales de 1995. Mais c’est le poulain travailliste Satish Faugoo qui rafle la mise. Si la famille est orange, Sudheer, lui, reste en fait proche d’Anil Baichoo qu’il soit MSM ou travailliste jusqu’à 2014 lorsque les rouges se présentent en alliance avec le MMM et que c’est Paul Bérenger qui est présenté comme éventuel Premier ministre.

La belle revanche
C’est donc une belle revanche qu’il prend lorsqu’il est élu en tête de liste aux élections générales de novembre 2019 et qu’il bat son mentor Anil Baichoo, arrivé en quatrième position, à 2 132 voix derrière Vikash Nuckcheddy, ce qui rendait la pétition électorale qu’il avait logée contre les trois élus de Lalians Morisien un peu difficile à défendre. Cet écart est considérable comparé aux dizaines de votes séparant d’autres pétitionnaires de l’opposition contre les déclarés élus du gouvernement. Les trois élus de la circonscription, Sudheer Maudhoo, Deepak Balgobin et Vikash Nuckcheddy, ont profité du retrait de la pétition d’Anil Baichoo pour faire, mercredi dernier, le procès du candidat travailliste comme s’ils étaient devenus les nouveaux propriétaires du N°9.

La performance de Sudheer Maudhoo devant être naturellement récompensée, c’est à la Pêche et l’Économie océanique que Pravind Jugnauth le place. Déjà pas mieux que Prem Koonjoo à ce poste et orateur approximatif et extrêmement partisan à l’Assemblée nationale, Sudheer Maudhoo sera en plus confronté au naufrage du Wakashio au large de Pointe d’Esny survenu le 25 juillet 2020. Si Prem Koonjoo s’était rendu célèbre en affirmant qu’il n’avait pas « vu des baleines sans nos eaux », son successeur l’émulera avec une autre formule selon laquelle les dauphins retrouvés morts sur la plage du sud-est avaient été victimes de « stress ».
L’affaire du Wakashio le verra atterrir au tribunal de Mahébourg suivant un procès privé pour négligence ayant conduit à une marée noire dans le lagon logé à son endroit et celui du ministre de l’Environnement Kavi Ramano par l’activiste Bruneau Laurette. L’affaire est rayée par le DPP, qui ordonne une enquête policière qui suit son cours. Ce sera d’ailleurs en toute discrétion qu’il sera entendu aux Casernes centrales. Sa performance à la Pêche est loin d’être appréciée par la communauté des pêcheurs qui avait dû adresser une lettre au Premier ministre pour qu’il soit rappelé à l’ordre et qu’il daigne enfin rencontrer la Federation of Sea Fishermen Associations.

Lors de la rencontre obligée avec le ministre, les pêcheurs lui ont dit ses quatre vérités à la figure en l’invitant justement à ne pas « get figir » pour l’attribution de nouvelles cartes de pêcheurs et à rouvrir la Maison des pêcheurs de Mahébourg fermée après qu’ils eurent protesté en ce lieu contre le sort qui leur est réservé après le drame du Wakashio.
Parcours semé d’embûches ou pas, allégations ou pas, ce qui est certain, c’est que Sudheer Maudhoo a le profil qui plaît énormément au Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, d’où sa bénédiction pour qu’il soit un membre actif de la « shouting brigade ». Et on n’a probablement pas fini d’en voir…

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