Telfair Saga — Audition de Yogida Sawmynaden : Clap de fin de l’enquête judiciaire sur le meurtre de Kaya Kistnen

Me Neerooa relève que l’IT Report sur le cellulaire de l’ex-ministre Sawmynaden n’a pas tenu compte du numéro de téléphone qu’utilisait régulièrement Kistnen jusqu’à sa mort

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L’enquête judiciaire instituée par le Directeur des Poursuites Publiques (DPP) pour faire la lumière sur le décès suspect de Soopramanien Kistnen (Kaya), qui avait démarré le 4 décembre 2020 au tribunal de Moka, a pris fin hier. L’ex-ministre du Commerce Yogida Sawmynaden, qui a été le dernier témoin, a dû répondre aux questions de Mes Rama Valayden, Roshi Bhadain et du Senior Assistant DPP, Azam Neerooa, sur les événements qui pourraient avoir un lien avec le décès de l’ex-activiste MSM à Quartier-Militaire/Moka (No 8). Yogida Sawmynaden a, tout au long de son audition, nié toute implication dans la disparition et le décès de Kistnen, avançant aussi que Kistnen « was a close trusted friend » et qu’il n’aurait pu vouloir le dénoncer à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) comme l’ont avancé certains témoins. Il devait aussi nier toute implication dans l’allocation de contrats à ses amis proches alors qu’il était ministre du Commerce du gouvernement de L’Alliance Morisien.

Au début de l’audition d’hier, Yogida Sawmynaden est resté sur sa position en disant qu’il n’a aucun lien avec les contrats décrochés par ses amis d’enfance, soit Neeta Nuckchedd et Vinay Appanna, alors qu’il occupait le poste de ministre du Commerce. Me Bhadain lui a alors dit que Kistnen voulait le dénoncer à l’ICAC car il était au courant des combines utilisées et était déçu de ne rien recevoir en retour alors que les amis proches de l’ancien ministre s’enrichissaient.

Yogida Sawmynaden a répété à plusieurs reprises en réponse à ces questions par des « Je ne sais pas » ou encore « C’est faux ». Me Bhadain a aussi fait part d’un gros contrat que devait obtenir Kistnen pour la fourniture de Rapid Test Kits pendant le premier confinement en 2020, soit d’une valeur d’environ Rs 189 millions, qu’il n’a pas obtenu au final, ce qui l’aurait encore plus déçu.

Yogida Sawmynaden devait déclarer que malgré des témoignages faisant état de la relation tendue entre Kistnen et lui quelques mois avant sa mort, « Kistnen was not upset against me ». Et d’avancer aussi que Kistnen n’a jamais dit la fameuse phrase « prie mo mor sinon zot pou grener kouma zamalak » lorsqu’il était venu le voir à son bureau.
Me Bhadain s’est alors intéressé à la relation qu’entretient Yogida Sawmynaden avec le dénommé Ravichand Leelah, qui avait été appelé à déposer devant l’enquête judiciaire.
Bhadain (RB) : Pourquoi avez-vous téléphoné à Ravichand Leelah à quatre reprises le vendredi 16 octobre 2020 ? Selon les relevés téléphoniques, vous l’avez appelé avant le Conseil des ministres, après et aussi dans la soirée !

Sawmynaden (YS) : J’ai l’habitude de l’appeler et je sais qu’il n’allait pas bien à cette période.
RB : Est-ce vrai que vous avez voyagé en voiture pendant plus de quatre heures le 16 octobre après 14h ?
YS : Moi, je n’ai jamais dit ça.
RB : Si vous avez récupéré votre fils à Big Willy’s, Rivière-Noire, vers 2h du matin entre le 16 et 17 octobre et que vous êtes rentré chez vous à Floréal vers 2h30, êtes-vous allé au lit vers 3h ?
YS : Je ne sais pas, en tout cas après 2h30.
RB : Donc, au moins quatre heures après être allé au lit, vers 7h du matin le samedi 17 octobre, vous appelez Ravichand Leelah. Expliquez-moi pourquoi ? Certainement pas pour demander s’il est en bonne santé.
YS : Je pense que je peux appeler une personne à n’importe quelle heure !
RB : Pourquoi l’avoir appelé une nouvelle fois à 11h du matin ce samedi ?
YS : Comme je l’ai dit, j’ai l’habitude de l’appeler.
À ce stade, Me Bhadain montre alors une photo d’une boutique à Belle-Rose en face de l’arrêt d’autobus où Kaya Kistnen avait été vu pour la dernière fois sur des enregistrements de caméras prendre un autobus en direction de Quatre-Bornes.
RB : Vous disiez que le 16 octobre, vous étiez à Belle-Rose sans doute pour acheter des objets pour vos prières. Est-ce ce magasin ?
YS : Il y a deux magasins où je vais acheter ces objets, un proche de cet arrêt d’autobus à Belle-Rose et un autre à côté du marché de Rose-Hill. Je dois préciser que c’est possible que j’y suis allé mais je ne peux le confirmer.
Me Bhadain devait, par la suite, demander à Yogida Sawmynaden s’il a déjà été arrêté par la police pour du chantage. Il a répondu par la négative. Me Bhadain devait toutefois faire allusion à un cas en Angleterre où l’ex-ministre aurait été arrêté, menotté et conduit dans une cellule de police pour une affaire de chantage, dénoncé par un certain Jason Guynaidoo. Une question restée sans réponse car la magistrate ne l’a pas acceptée.
RB : N’est-il pas vrai que vous êtes l’unique personne qui aurait une raison pour que Kistnen ne soit plus parmi nous aujourd’hui ?
YS : Non, c’est faux.

Puis, ce fut au tour de Me Valayden d’interroger Yogida Sawmynaden, notamment sur son itinéraire du dimanche 18 octobre de l’année dernière. Rama Valayden lui a demandé si à un moment donné, alors qu’il était à son bureau, à Ébène, dans la matinée pour prier, il avait rencontré un groupe de personnes dans un véhicule rouge. Yogida Sawmynaden a répondu par la négative.

Il a aussi été interrogé sur un terrain de l’État situé à La Brasserie, pour lequel il possède un bail, et sur lequel une étable a été érigée. Yogida Sawmynaden a confirmé qu’il y a bien une étable, avec des chevaux et des vaches, à qui il a donné la responsabilité à un certain François qui, en retour de s’occuper de ses quatre vaches et de s’occuper des dépenses, peut occuper ledit terrain. L’ex-ministre a toutefois affirmé qu’aucun des chevaux ne lui appartient.

Après quoi lui a été demandé de clarifier le rôle de Kaya Kistnen lors de la dernière campagne électorale ainsi que s’expliquer sur les 55 Baz qui avaient été montées dans la circonscription de Quartier-Militaire/Moka. Yogida Sawmynaden devait insister sur le fait qu’il n’y avait « pas de “baz” » du MSM, mais des “bureaux”.

Par ailleurs, Yogida Sawmynaden a dû rectifier qu’il ne s’était pas rendu à La Sourdine pour des prières dans la soirée du 16 octobre, mais à un temple à Terracine, près de Souillac, après sa prière, à Rivière-des-Anguilles, vers 21h30. Me Valayden lui a demandé s’il faisait la différence entre un prêtre et un “traiteur”, ce à quoi Yogida Sawmynaden a répondu : « Je ne fais aucune différence. Ils font tous des prières. »

Me Neerooa a par la suite soumis à un interrogatoire Yogida Sawmynaden sur les Kistnen Papers et le montant de Rs 300 000 inscrit en son prénom pour les dépenses encourues lors de la campagne électorale, en plus des dépenses d’environ Rs 1,9 million pour les Baz. L’ex-ministre devait remettre en question les Kistnen Papers avant d’avancer que ces chiffres « ne sont pas corrects ». Quant au fait qu’il s’était rendu à La Louise vers 14h20 le 15 octobre 2020, après son retour de mission officielle à Rodrigues, Yogida Sawmynaden devait soutenir : « Je suis sans doute allé chez mon opticien pour récupérer mes verres ! »
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L’IT Report ne fait pas mention du numéro de téléphone de Kistnen

Me Azam Neerooa a tenu à faire certaines observations concernant l’IT Report de la police après l’examen du téléphone portable de Yogida Sawmynaden. Cet IT Report comporte deux pages. Le Senior Assistant DPP a demandé à la magistrate de prendre note que ce rapport date du 19 avril 2021. Mais le fait le plus troublant est que l’IT Report ne fait pas mention du numéro de téléphone qu’utilisait Kistnen régulièrement jusqu’à ce qu’il trouve la mort.
Me Neerooa devait ainsi faire ressortir que la police n’avait pas fait de relevés d’échanges téléphoniques entre Yogida Sawmynaden et Kistnen sur ledit numéro, ajoutant que selon les relevés téléphoniques de Yogida Sawmynaden, il échangeait régulièrement des appels et messages avec Kistnen sur le numéro en question. Ce dont la police fait abstraction dans son rapport. Me Neerooa a indiqué à la magistrate que cela semble être la raison pour laquelle elle avait été étonnée que ce rapport « dйmontre qu’il n’y a eu aucun appel ou message йchangй entre Yogida Sawmynaden et Kistnen » ces derniers mois avant sa mort.

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Me Narghis Bundhun aux aguets
Depuis le début de l’audition de Yogida Sawmynaden, son avocate, Me Narghis Bundhun, Senior Counsel, n’a pas manqué de se faire entendre. Elle s’est retrouvée dans des situations où la magistrate devait lui rappeler que c’est elle qui mène la barre. « This is my enquiry and your client is my witness », a-t-elle déclaré. La magistrate a dû aussi lui demander d’éviter d’interrompre les avocats qui questionnent l’ex-ministre afin qu’ils ne perdent pas le fil de leur interrogatoire.
Hier, Me Narghis Bundhun s’est interrogée sur une question d’éthique. Soit, si Rama Valayden peut interroger son client alors qu’il a déposé une plainte contre lui à l’ICAC et que Yogida Sawmynaden en a fait de même contre lui. Me Valayden devait lui répondre qu’il ne se sentait pas « professionally embarassed » et qu’il a toujours travaillé « en toute indйpendance et objectivitй ». La magistrate a alors demandé que l’audition se poursuive.

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