TIRS CROISES – VIOLENCES CONJUGALES : Lacunes sur le plan légal et des autorités à combler

En dépit des lois sévères dans le pays au regard de la violence conjugale, les statistiques n’affichent pas de baisse, et certainement pas pendant le confinement. Où sont les “loopholes” et comment assurer une meilleure protection des victimes de violence conjugale ? Catherine Prosper, ancienne victime de violence par son ex-conjoint et aujourd’hui militante contre ce fléau, estime qu’à ce jour, un Protection Order « ne protège pas la victime contre d’éventuelles nouvelles violences ». Pour faciliter la décision de la femme de rompre, il faut, selon elle, un soutien financier et un plan de relogement. « Tant qu’elle n’aura pas de soutien, la victime n’aura d’autre choix que de retourner avec la personne violente. » Partageant son expérience, elle confie que « sortir d’une relation toxique comporte des difficultés mais cela en vaut le coup ».
Marie-Noëlle, cofondatrice de la Platform Stop Violans Kont Fam avec Catherine Prosper, fait-elle ressortir que « malheureusement, aujourd’hui, les premiers réflexes d’une femme victime de violence ne sont pas d’aller vers la police ou vers les avocats mais elles vont d’abord vers les Ong ». Elle dit espérer que le High Powered Committee à travers lequel le Premier ministre s’est engagé à apporter des résultats « pourra montrer de vrais résultats au terme de cinq ans ». Elle souhaite aussi voir des “Gender Friendly Police Stations”. Et d’ajouter qu’il « faut que la police devienne l’allié des victimes et non pas qu’elle les ridiculise et les renvoie vers leur bourreau ». L’avocate Indranee Boolell-Bhoyrul, elle, est d’opinion que « les lois en elles-mêmes ne suffisent pas à endiguer ce fléau ». Elle dit croire fermement qu’une grande partie de la solution réside dans une approche multidisciplinaire, coordonnée, avec la collaboration de juristes, psychologues, médecins, Ong, médias, et la mise en place de mécanismes de suivi sur le long terme. Elle souligne le manque d’abris pour les victimes et considère que bien que nos lois soient sévères, « on peut faire encore mieux ». Elle souligne, en outre, que « nous n’avons pas suffisamment d’abri pour les victimes ».

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CATHERINE PROSPER (MILITANTE) :
« Un Protection Order ne protège pas contre de nouvelles violences »

Vous êtes cofondatrice de la Platform Stop Violans Kont Fam. Comment évaluez-vous la situation aujourd’hui à Maurice ?
Nous avons beaucoup de lois et nous avons signé nombre de conventions et de traités. Mais, malheureusement, en ce qui concerne leur application, il y a des manquements. C’est là où l’Etat doit intervenir. À ce jour, il y a encore des femmes qui se retrouvent dans des situations de violence parce qu’elles n’arrivent pas à quitter leur conjoint par manque de soutien de l’Etat. Même quand les victimes arrivent à quitter le toit conjugal, ce n’est pas normal que ce soient elles qui doivent quitter. Il faut tirer la sonnette d’alarme à ce niveau. Et, même lorsqu’elles quittent le toit, il n’y a pas le soutien nécessaire derrière. Quand elle se rend au poste de police, soit on ne prend pas sa plainte, soit on la renvoie chez elle en donnant un “warning” au conjoint. Quand cela arrive qu’on ait pris la plainte, cela met beaucoup de temps avant d’aller en cour. Par ailleurs, lorsqu’un Protection Order a été émis, cela ne demeure qu’un simple papier. Il n’y a aucun mécanisme derrière ce Protection Order. À ce jour, un Protection Order ne protège pas la victime contre d’éventuelles nouvelles violences. Il y a de grosses lacunes au niveau légal.

Comment améliorer l’aspect légal ?
Lorsqu’une femme bénéficie d’un Protection Order, il faut tout un mécanisme pour vérifier si la victime est en sécurité. Si elle est sous le toit du conjoint violent, il faut retirer le conjoint. Si la victime n’a aucune part où aller, on ne peut compter que sur les “shelters” car souvent après un séjour dans le “shelter”, elle doit retourner dans ce foyer de violence. Il faut donc un soutien financier et un plan de relogement. Il faut un accompagnement concret. Certaines victimes ont trouvé refuge chez un proche mais ne reçoivent aucun soutien financier de l’Etat. Souvent, le conjoint violent l’a obligée à ne pas travailler. Elles n’ont même pas de moyen de prendre le bus pour aller en cour. Elle se retrouve à « mendier » pour avoir une protection… Même si on ne donne pas d’argent, qu’un policier assure le déplacement de la victime à la cour, ce serait aussi un soutien moral. Moi qui suis passée en cour, je peux dire à quel point l’environnement judiciaire peut être intimidant, surtout quand vous devez aller à la barre pour exposer votre vie personnelle sans aucune personne pour vous soutenir… L’État doit donc tenir compte de tout cela. Une victime qui vient de sortir d’une relation de violence est une personne brisée, qui doit réapprendre à marcher. Tant qu’elle n’aura pas de soutien, la victime n’aura d’autre choix que de retourner avec la personne violente.

Lors de l’atelier organisé par la plateforme la semaine dernière, on a fait ressortir que des questions reviennent souvent en parlant des victimes de violence : « Pourquoi elle ne l’a pas quitté ? Elle aurait dû savoir… » En tant qu’ancienne victime, pourquoi est-ce si difficile de partir ?
Il faut souligner qu’à la base de cette relation devenue toxique, il y avait de l’amour… Il est vraiment difficile pour une victime d’accepter que la personne qu’elle aime soit celle-là même qui la caresse et qui la frappe. Il y a cet aspect émotionnel. D’autre part, certaines victimes ont des enfants et à chaque fois elles pensent à une séparation et ce que deviennent les enfants… Troisièmement, certaines femmes se sont vues tout enlever par leur conjoint : leur droit au travail, de rencontrer la famille. Ce qui fait que la personne se retrouve seule. Il est vraiment facile de dire « quitter et partir ». Mais entre le dire et le faire, il y a un monde de différences. Il faut aussi souligner que les personnes violentes et manipulatrices ont des stratagèmes en disant : « Je vais changer » ; « si tu me quittes, je ne pourrai supporter et je commettrai une bêtise ». On joue sur la faiblesse de la victime. Mais une chose pèse encore plus lourd dans la balance : quand une dame a porté plainte, deux ans après, son affaire passe. Entre-temps, elle n’a eu aucun soutien. Elle est seule et c’est ce même bourreau qui devient son consolateur. Il y a donc des possibilités de réconciliation car entre la plainte et la réaction de la police et du judiciaire, la femme n’a personne d’autre que le bourreau. C’est ce que j’ai vécu. À chaque fois, j’allais porter plainte et je retournais avec la personne.

Qu’est-ce qui a vous a permis de partir définitivement ?
Après plusieurs séparations et de réconciliations, je me suis dit que si je ne me bats pas, personne ne le fera pour moi. J’ai réalisé que je pouvais y laisser ma vie. Une amie un jour m’a dit : « Aujourd’hui, tu as pu venir chez moi, la prochaine fois, j’ai vraiment peur que tu ne puisses t’en échapper… » Avec l’aide d’une thérapeute, j’ai aussi pris conscience. Elle m’a dit que j’étais dans une relation toxique. À mon ex-conjoint, elle a dit : « Vous êtes une personne dangereuse pour vous-même et pour elle. » La thérapeute m’a conseillé de sortir de cette relation, de prendre mes jambes à mon cou. Cela est venu confirmer ce que je ressentais, que la relation n’était pas saine.

En tant qu’ancienne victime, quels conseils donneriez-vous pour sortir d’une relation toxique ? Essayer de la réparer ou en sortir définitivement ?
Chaque situation est différente. Cela n’a pas été facile de me reconstruire après mon départ. Malgré la difficulté, je ne changerais cette décision pour rien au monde. Le goût de la liberté est si bon… C’est un droit humain. Pour sortir d’une relation toxique, il y aura des difficultés mais cela en vaut le coup.

Un message…
Beaucoup ont peur du regard de la société, du qu’en dira-t-on. Moi, je dis aux personnes concernées : « Ne vous cassez pas la tête. Il ne faut pas porter ce fardeau car ce n’est pas vous qui êtes la cause de cette souffrance. Rendez le fardeau à son auteur. » Parfois, des personnes ont honte de par le statut professionnel. Mais ce n’est pas aux victimes de porter le fardeau de la honte.

MARIE-NOELLE ELISSAC-FOY (MILITANTE) :
« Une victime devrait pouvoir en toute confiance se tourner vers la police »

Vous êtes cofondatrice de la Platform Stop Violans Kont Fam. Comment évaluez-vous la situation aujourd’hui à Maurice ?
La plateforme a été fondée en octobre 2019 à l’issue d’une série de meurtres atroces, soit des féminicides. Nous avions manifesté et fait certaines demandes. Ce qu’on n’avait pas l’an dernier et que l’on a aujourd’hui, c’est un High Level Committee mis sur pied sous le PMO. C’était une de nos demandes car on s’est rendu compte que les lois changent, les Ong sont là mais les crimes barbares continuaient. Où était le “loophole” ? D’où notre demande pour que le Premier ministre lui-même s’engage dans la réévaluation de la réponse qu’apporte l’Etat à la question de “Gender Base Violence”. Aujourd’hui, il y a un comité avec 11 ministres, ce qui est très bien. Il y a le Premier ministre, le ministre de la Femme mais aussi celui des Finances, ce qui est bien parce que tout est une question de moyens pour lutter contre ces violences. Malheureusement, aujourd’hui, les premiers réflexes d’une femme victime de violence, ce ne sont pas d’aller vers la police ou vers les avocats mais elles se tournent d’abord vers les Ong, les radios et les médias. C’est ce qu’on veut changer.

Vers qui devraient-elles aller comme premiers recours ?
Une victime de violence devrait pouvoir en toute confiance se tourner vers la police en se disant que cette dernière va lui donner les meilleurs conseils, lui donner les meilleures solutions tout en la protégeant comme l’exige la loi. La victime et l’agresseur ne sont pas traités de la même façon. Une autre de nos demandes, c’est qu’il y ait des “Gender Friendly Police Stations”. Une victime qui a le courage de se présenter à la police devrait pouvoir raconter son histoire à l’écart. La victime doit pouvoir se dire qu’elle obtiendra la protection qu’elle mérite en allant au poste de police. Autrement, c’est comme une deuxième violence qu’elle subit en voyant qu’on ne la croit pas sur parole, qu’on l’incite à retourner vers son agresseur ou qu’elle s’entend dire : « Nou pou koz ek ou misie. » S’il y a un Protection Order et qu’il y a violation, l’agresseur doit être arrêté. Il y a des sanctions. Tous ne sont pas dans le même panier mais il faut que la police devienne l’allié des victimes et non pas qu’elle les ridiculise et les renvoie vers leur bourreau. Il y a de nombreux cas où des femmes témoignent qu’il faut presque supplier pour qu’on les prenne en considération. Donc, il y a le High Powered Committee à travers lequel le Premier ministre s’est engagé à montrer des résultats. J’espère que dans cinq ans, on verra de vrais résultats.

On fait aussi ressortir que l’existence des lois n’empêche pas que des femmes soient victimes de violence.
Je pense que le cadre légal à Maurice est parmi un des plus sévères. Si quelqu’un a violé un Protection Order et qu’il n’est pas arrêté mais reçoit une amende de Rs 2 000, qu’en est-il de la justice pour la victime ? Il y a cet esprit conservateur qui veut que : « se zafer misie madam, pa rant ladan ». La loi prévoit trois Occupancy Orders qui veulent que si une femme est victime de violence, ce ne soit pas à elle de quitter le domicile mais l’agresseur. Mais, ce n’est jamais facile. On a donc toujours cette conception selon laquelle le chef de famille, c’est l’homme, qu’il faut le respecter à tout prix même s’il a commis une faute. C’est la victime qui doit plier bagage avec ses enfants et s’adapter à un autre environnement alors que la loi prévoit qu’elle reste dans son domicile même si elle est locataire, si le lieu ne lui appartient pas. C’est sur ces “loopholes” que le High Powered Committee devra se pencher, j’espère. Pourquoi ne donne-t-on jamais d’Occupancy Order ? Nous, on est une plateforme pour faire du plaidoyer. À Maurice, on a des associations pour s’occuper des victimes. Mais il faut aussi appuyer le travail des Ong en faisant un travail de prévention et de sensibilisation.

Quelles sont les raisons qui font que la femme ne puisse quitter l’homme violent ?
Un des clichés que l’on a, c’est que la femme peut quitter lorsqu’elle est victime de violence. Or, elle est sous l’emprise de l’autre. Psychologiquement, elle est incapable de réfléchir et d’agir. D’où l’importance qu’elle ait un système de soutien autour d’elle. Dans d’autres pays, la loi prévoit que l’on puisse porter plainte à la place d’une victime. Ensuite, il y a la question : « Où vais-je aller ? Est-ce que je vais déraciner mes enfants, ma vie ? » Il y a aussi la question économique. La victime dépend souvent de son agresseur. Il y a plusieurs raisons externes qui font que la femme ne part pas. S’il y avait une vraie réponse, si la victime pouvait être sûre que la loi ferait telle chose pour elle si elle quittait son conjoint, elle n’hésiterait pas. Aller dans un “shelter” n’est pas forcément la solution idéale pour une femme qui a construit sa vie dans un foyer.

Faut-il donc essayer de réparer une relation toxique ou en sortir définitivement ?
Il faut d’abord chercher une aide psychologique. Je pense qu’un Protection Order devrait être de facto assorti d’une aide psychologique où le couple voit ce qui a mené à cette violence. Il faut aussi un suivi. S’il y a un Protection Order, qu’on laisse les deux de leur côté… Ce sont ces aspects qu’il faut ajouter dans la loi. Si après la thérapie, le couple décide de retenter le coup, tant mieux, mais si ce n’est pas possible, ils se quittent mais au moins, ils auraient mis un terme à la violence. Il y a aussi le fait que même quand la victime a décidé de quitter, elle peut rester en danger. Certaines sont tuées par leur ex. C’est là où le suivi psychologique sur le long terme permet d’assainir la situation.

Après l’atelier que vous venez d’organiser, quels sont les autres projets de Platform Stop Violans Kont Fam ?
Nous aurons cinq ateliers l’an prochain. Ensuite, nous ferons un plaidoyer pour l’introduction du bracelet électronique car nous avons vu que le Protection Order ne sert à rien.

INDRANEE BOOLELL-BHOYRUL (AVOCATE) :
« Les lois en elles-mêmes ne suffisent pas ! »

Quelles sont les différentes formes de violence perpétrées à l’encontre des femmes dans le cadre domestique/conjugal, et telles que reconnues par la loi ?
La loi reconnaît effectivement des formes de violence dans le cadre domestique d’une part, et dans le cadre conjugal d’autre part. Il s’agit effectivement de deux contextes distincts, qu’on a souvent tendance à confondre. Si la violence domestique se rapporte aux agressions ou contraintes perpétrées par une personne à l’encontre d’une autre qui vit sous le même toit, on entend par « violence conjugale » les agressions ou contraintes infligées par un conjoint. Depuis 2016, la notion de “spouses” ou de conjoints comprend non seulement les conjoints mariés civilement, mais aussi les concubins de sexe opposé, et les couples ayant un ou des enfants hors du mariage. Dans ces deux cas de figure, la loi fait état de quatre formes de violence. D’abord, il y a la violence physique – la plus connue, et celle qui se voit immédiatement, qui se caractérise par l’emploi de gestes brutaux, les sévices, ou la séquestration. Il y a aussi la violence verbale – la plus tolérée ; il s’agit là d’insultes, de menaces, ou de chantage. Une autre forme de violence, plus subtile et plus difficile à saisir, c’est la violence psychologique, soit l’atteinte à l’intégrité psychologique de la femme, notamment par des paroles, gestes ou comportements dénigrants, humiliants, méprisants, par l’intimidation, le harcèlement, et parfois même l’indifférence. La plus méconnue sans doute, mais bel et bien réelle à Maurice, c’est la violence économique, celle qui consiste à restreindre l’autonomie financière de la victime pour mieux la contrôler.

Et celles qui ne sont pas reconnues par la loi…
Nos lois ne reconnaissent pas le viol conjugal. Notre Code pénal napoléonien prévoit un « devoir conjugal » qui rend inconcevable toute notion de viol entre époux. Or, en France, cette notion de « devoir conjugal » n’existe plus depuis 1992, et le viol conjugal y constitue un délit. L’Angleterre également, comme plus de 50 pays d’ailleurs, prohibe le “marital rape”. Toutefois, nous avons fait un pas en avant avec les amendements de 2016 à la Protection from Domestic Violence Act. Une victime qui subit des actes sexuels non consentis peut recourir à la justice.

Quelles sont les lois qui existent pour protéger la femme victime de violence domestique/conjugale ?
La loi-cadre qui assure la protection de toute victime de violence domestique ou conjugale est la Protection from Domestic Violence Act 1997. Ce texte législatif, amendé pour la quatrième fois en 2016, prévoit trois mesures principales d’intervention judiciaire pour protéger la victime. Ces mesures, qui ont une durée maximale de deux ans, sont le Protection Order (l’ordre prononcé par le magistrat contre l’auteur de violence pour assurer la sécurité de la victime), l’Occupation Order (l’ordre octroyant à la victime seule avec ses enfants d’habiter le foyer conjugal), et le Tenancy Order (l’ordre autorisant la victime à habiter un logement pris en location, et pouvant même exiger que l’agresseur s’acquitte du loyer). Pour s’en prévaloir, la victime doit saisir le magistrat compétent du District Court, et en faire la demande par affidavit. La victime peut avoir recours à la Police Family Protection Unit ou directement aux services d’un avocat. Mais avant que la victime n’entame ces démarches, son premier réflexe doit être de porter plainte à la police au plus vite. Soulignons que selon l’article 13 de la Protection from Domestic Violence Act amendé, l’agresseur qui ne respecte pas le Protection Order risque une amende maximale de Rs 50 000 et une peine de prison allant jusqu’à un an. Pour un deuxième délit, l’amende peut atteindre Rs 100 000, et la peine de prison deux ans. En cas de récidive, le prévenu risque une peine maximale de cinq ans.

Toutes ces lois n’empêchent que les femmes continuent de subir des violences. Comment améliorer les choses ?
Les lois sont là, comme vous dites. Mais concrètement, est-ce que le public mauricien comprend réellement ce qu’est la violence domestique ou conjugale dans toutes ses formes ? Et lorsque ces violences se déroulent dans le secret du foyer, lorsque les mentalités sexistes banalisent ces violences, et lorsque ces violences perdurent aussi longtemps que les victimes ne se manifestent pas, soit par ignorance de leurs droits, soit par crainte, en quoi les lois peuvent leur venir en aide ? Les lois en elles-mêmes ne suffisent pas à endiguer ce fléau. La violence domestique/conjugale est une problématique complexe qui s’appréhende sous l’angle juridique, certes, mais aussi notamment sous les angles psychologique, affectif, social, culturel, religieux, économique… Je crois fermement qu’une grande partie de la solution réside dans une approche multidisciplinaire, coordonnée, avec la collaboration de juristes, psychologues, médecins, Ong, médias, et la mise en place de mécanismes de suivi sur le long terme. C’est ce genre d’approche globale qui permettra une réelle sensibilisation, au-delà des clichés qui, trop souvent à Maurice, vident des campagnes bien intentionnées de leur sens.

Qu’est-ce qui manque dans nos lois pour mieux protéger les femmes ?
Bien que nos lois soient sévères, je trouve qu’on peut faire encore mieux. Je voudrais voir des protections accrues accordées aux femmes victimes lorsqu’elles sont amenées à témoigner dans les tribunaux. Le fardeau du processus judiciaire et l’idée d’être confrontée à un conjoint violent s’ajoutent souvent au traumatisme que la victime a déjà subi. Nos lois devraient offrir aux victimes la possibilité de témoigner seules, en l’absence de l’agresseur, ou même à distance, par visioconférence pour résoudre ce problème. Il est urgent aussi de trouver une solution d’hébergement pour les enfants de sexe masculin de plus de 11 ans lorsqu’ils accompagnent leur mère victime qui quitte le foyer familial. Aujourd’hui, les abris/hébergements pour femmes victimes n’abritent pas les enfants de celles-ci, lorsqu’ils sont de sexe masculin et ont plus de 11 ans. Sans garantie d’un abri temporaire et sûr pour leur fils, certaines femmes victimes préfèrent se retrouver sous le toit conjugal, quitte à se mettre en danger à nouveau. Outre le cadre légal, comme vous venez de l’évoquer, nous n’avons pas suffisamment d’abri. Au regard des 2 222 cas rapportés de violences domestiques en 2019, dont plus de 85% affectent les femmes, nous manquons d’infrastructures. Il arrive même que certaines victimes restent au poste de police jusqu’au matin parce que les abris sont remplis à pleine capacité.

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