(Tourisme) Décroissance des arrivées : l’AHRIM tire la sonnette d’alarme

Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer: « Nous n’avons pas vu cela depuis des années »

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L’Association des hôteliers et des restaurateurs de Maurice (AHRIM) a tiré cette semaine la sonnette d’alarme concernant la situation dans laquelle se trouve le secteur touristique mauricien. Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’AHRIM, souligne, dans la dernière édition de Check-in, le magazine de l’AHRIM, que la situation actuelle est une première dans les annales de l’industrie touristique. « Nous n’avons pas vu cela depuis des années », lance-t-il.

Le directeur de l’AHRIM souligne que l’année a démarré très lentement, avec une décroissance des arrivées touristiques de l’ordre de 1,2% pour le premier trimestre par rapport à la même période l’année dernière. « De manière plus pertinente, la mesure des arrivées touristiques par avion est négative. Maurice subit une baisse de l’ordre de 4,5% pour le premier trimestre, soit en nombre absolu, un écart négatif de performance de 15 467 touristes en moins », observe-t-il.

Jocelyn Kwok constate de plus que les sept principaux marchés, qui représentent 70% de nos arrivées touristiques, ont enregistré des chutes significatives en ce début d’année. En effet, le pays a enregistré 5 644 touristes en moins durant le premier trimestre par rapport à la même période l’année dernière. Pendant la même période, les arrivées en provenance de La Réunion ont diminué de 4 433, du Royaume-Uni de 2 819, et de l’Inde de 957. Ce qui représente un total de 14 896 touristes. Les marchés français et allemand ont enregistré une hausse de 2 847 et de 2 431 visiteurs alors que l’Afrique du Sud, de son côté, demeure stable.

« En analysant nos chiffres, on réalise que nos concurrents directs dans l’océan Indien font mieux que tous ces marchés, sauf la Chine », souligne Jocelyn Kwok, ce qui l’amène à parler de la compétitivité de notre marché, qui ne se résume pas à une affaire de prix. « L’aérien a sa problématique particulière et reste une activité économique, même si, très souvent, on doit être initié et encouragé par des positions politiques. Notre éloignement géographique est une donnée qui nous rassure concernant notre caractère exclusif, mais les prix du billet d’avion sont élevés. Nos hébergements couvrent de vastes gammes de produits pouvant répondre à la moindre aspiration de nos visiteurs, mais le secteur est tout de même gangrené par l’informel. La troisième grande composante, le produit, sorte de catégorie fourre-tout regroupant toutes ces “autres” dimensions de notre destination, et au cœur de nos ambitions pour faire avancer notre tourisme, reste malheureusement le parent pauvre du système. »

Il demande qu’on commence à voir plus loin. « Sur nos musées nationaux, sur nos bâtiments et autres pièces historiques, dans nos villes et villages, sur nos lieux de religion ou de pèlerinage, dans nos réserves naturelles, sur nos sites patrimoines de l’Unesco, dans nos jardins botaniques, dans nos lieux publics, il y a du travail à faire », estime Jocelyn Kwok. Il suggère ainsi que les opérateurs s’appuient sur « ce qui marche déjà » à Maurice, sur des exemples « dont nous sommes fiers, des organisations dignes de ce nom, avec une culture de résultat et de redevabilité envers leurs actionnaires, pour savoir quelle direction prendre ».

Le président de l’AHRIM, Jean-Michel Pitot, n’y va pour sa part pas de mains mortes. « Reconnaissons d’abord la gravité de cette situation : cinq mois de ralentissement alors que les conditions semblaient favorables, ce n’est pas bon», lance-t-il. « On peut se chamailler sur le choix des mots : décroissance, crise, régression… Mais on ne peut pas faire dire aux chiffres ce que l’on veut. La vérité ne peut être niée : le secteur n’a jamais été aussi vulnérable, l’avenir aussi incertain. Sans doute refuse-t-on de voir la réalité de ces chiffres en face parce que, ironiquement, la contribution du tourisme à la richesse nationale continue d’être excellente. Les opérateurs touristiques portent l’économie. En cinq ans, à la force de leurs bras, ils ont accueilli 40% de visiteurs en plus. Avec les services financiers, le commerce et la construction, le tourisme est le secteur qui soutient le mieux la croissance. Avec 131 000 emplois et 24% du PIB, il est si solide qu’il est difficile d’imaginer qu’il puisse s’effondrer. Et pourtant… » affirme encore Jean-Michel Pitot. Il pointe du doigt la détérioration de l’environnement et le manque de main-d’œuvre. « À tout moment de l’année, ce sont entre 300 et 800 postes vacants que l’on dénombre dans l’hôtellerie et la restauration », constate-t-il.

« Alors que nos ressources humaines sont insuffisantes, on sent un environnement suspicieux et une attitude fermée à l’égard des étrangers. Les demandes de l’AHRIM pour que la préparation de la “scarcity list” implique des personnes bien au fait des nécessités et des réalités sont restées vaines. Comment peut-on espérer cultiver l’excellence du service et faire la différence ? » s’insurge-t-il. En ce qui concerne le marché informel, Jean-Michel Pitot relève que sur 5 000 offres d’hébergement à Maurice et Rodrigues disponibles sur Airbnb, seulement 1 100 opérateurs sont dûment enregistrés auprès des autorités. « La plateforme de location semble rendre les choses si faciles que l’on observe en outre un phénomène de “delicensing”.

Pas moins de 260 de ces 1 100 opérateurs n’ont pas jugé nécessaire de renouveler leur permis ces deux dernières années », souligne-t-il, avant de faire appel à la vigilance. « Le touriste est fondamental à l’économie. Pour qu’il continue, il faut écouter ceux qui le connaissent le mieux », propose-t-il, avant d’arriver à la conclusion que : « Seul le respect de l’industrie la rendra pérenne. Le vacillement du premier trimestre doit être un déclic pour éveiller les consciences. »

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