Cigarette interdite : craintes de dérapage à l’intérieur des prisons

  • Le paquet de cigarettes « Intra Muros » grimpe à Rs 5 000 contre Rs 2 600 avant le 1 er février

Des incidents qui ponctuent le quotidien dans les prisons depuis le 1er février, dans le sillage de l’interdiction de la cigarette, laissent craindre des déparages « Intra Muros3 C’est ce qu’avancent des Mauritius Prisons Services (MPF). Leurs appréhensions sont corroborées par d’anciens prisonniers, qui maintiennent « qu’imposer l’interdiction de cigarettes à tous les détenus n’est pas raisonnable du tout ». Officiers et ex-détenus soutiennent que « les risques de dérapages » sont là. « Sinon, pourquoi est-ce que le CP Appadoo multiplie les “drills” avec des officiers cagoulés et hélico dans les prisons ? » se demandent-ils en ajoutant  «est-ce une façon se préparer à toute éventualité qui pourrait se développer ou encore pour faire face au pire dans une prison?»

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Officiers de longue date, parents de détenus et ex-détenus font cause commune. Raison : les nouvelles mesures strictes mises en vigueur depuis le 1er février dernier. Surtout l’une d’elles, à savoir l’interdiction de la cigarette. Actuellement, indiquent ces officiers, « le paquet de cigarettes est passé de Rs 2 600 à Rs 5 000, inflation oblige ». Cependant, renchérissent-ils, cette situation ne va pas durer. « Le calme sournois que l’on a constaté dans certaines prisons ces derniers jours cache quelque chose. Il est aussi révélateur du fait que l’ensemble des prisonniers dispose toujours d’un stock caché de cigarettes. Mais ce nombre va rapidement diminuer. »

« Ce n’est pas convenable pour nous, officiers, de le dire, expliquent ces gardes-chiourmes au Mauricien, mais il nous faut concéder que la cigarette a été et reste toujours une monnaie d’échange dans la prison. Exemple : nous avons besoin “d’intelligence”. Comment croyez-vous que nous allons convaincre un détenu de nous parler ? Il ne va certainement pas le faire sans rien en retour ! » Il existe, comme cela, « une foule de choses pour lesquelles la cigarette devient la clé ». Il poursuit : « C’est une “give & take situation” et cela a toujours été le cas. Casser cela du jour au lendemain entraîne forcément des répercussions ! »

Et non des moindres, apparemment. Ainsi, un groupe d’anciens détenus « qui nous a approchés », indiquent encore ces gardiens de prison. Rencontrés, ces ex-prisonniers confirment : « Nou finn demann bann ofisye ki nou kone ale koz ek CP. Seki li pe fer la pa bon. Pou ena dezord andan ! » Et d’ajouter : « Nous avons communiqué avec nos amis qui se trouvent enfermés en prison. Nous suivons la situation de près. » Mais sans ajouter plus !

Mais les officiers de carrière ne sont pas dupes : « Nous avons déjà évoqué les risques de mutinerie et d’évasion collective. Mais le pire est à craindre. Nous avons de sérieux doutes sur une éventuelle prise d’otage. Si cela survient, ce sera très difficile. » Pour appuyer leurs arguments, ces officiers lancent : « Si le CP Appadoo n’a pas peur, alors pourquoi multiplie-t-il les drills à caractère paramilitaire avec des officiers cagoulés et hélicos dans les prisons ? Il sait que quelque chose se prépare, et comme à son habitude, il utilise la force et l’intimidation pour faire entendre raison ! Mais la prison n’est pas la police. Nous respectons et reconnaissons que Vinod Appadoo a fait ses preuves comme patron de l’ADSU. Mais là, en prison, ce n’est pas la même chose. Il faut qu’il change son fusil d’épaule. »

Pour leur part, les parents de détenus sont d’avis qu’il y a « certes un gros trafic à démanteler en prison, mais ce serait plus indiqué de traquer et freiner ce trafic plutôt que d’imposer une décision radicale et brutale en pénalisant tout le monde ». Les officiers relatent que « le 24 janvier dernier, une cinquantaine d’officiers portant des cagoules sont descendus dans l’Association Yard 2 de la prison de Beau-Bassin aux alentours de 11h15 », soit à l’heure du déjeuner. « Environ 125 détenus s’y trouvaient avec leurs assiettes. Ces derniers ont été priés de se mettre en rang et il leur a été expliqué qu’il s’agissait d’un exercice de simulation. Environ un quart d’heure après leur départ, des détenus se sont mis à rouspéter. Sur ce, le commando de 50 officiers est retourné dans la cour et l’hélico aussi. Les détenus ont été forcés à se mettre à terre, à plat ventre, puis ordonnés de mettre leurs mains derrière le dos. Ils se sont entendus dire à ce moment-là : “Si zot rekoumanse ou fer kit dezord, ala ki pe atane zot” ! » La « manière de faire brutale, l’intimidation et la force utilisées et encouragées au plus haut niveau » n’est pas approuvée à l’unanimité : « Certes, il faut de la discipline et l’ordre, mais pas au détriment des droits humains des détenus. Ce sont des hommes et des femmes comme nous. On n’a jamais vu une telle situation et on craint le pire… » Ces officiers préconisent « comme dans le passé, quand il y avait le Centre Lotus pour ceux qui souhaitaient sortir des addictions, qu’on offre le choix aux détenus, et non pas qu’on impose une décision à tout le monde ».

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