VIH&SIDA — De janvier à juin 2018 : 191 nouveaux cas de contamination enregistrés

  • Nicolas Ritter (PILS) : « C’est alarmant ! Une hausse également dans le nombre de décès des patients hospitalisés »
  • PILS souhaite « au plus vite, une rencontre avec le PM et les ministres concernés afin de comprendre et rectifier la situation »

« Est-ce que nous allons finir 2018 avec presque 400 nouveaux cas de contamination ? », se demande Nicolas Ritter. Le directeur de PILS (Prévention, Information et Lutte contre le Sida) est monté au créneau pour exprimer ses « vives inquiétudes » face aux chiffres enregistrés par les services du ministère de la Santé, pour les six premiers mois de 2018 : 191 nouveaux cas de contamination, concernant 111 hommes et 80 femmes. L’heure est grave, déclare Nicolas Ritter : « Depuis 2011, les chiffres étaient en baisse. Cette soudaine augmentation nous inquiète beaucoup… D’autant que, tant chez PILS que chez Ailes, nous avons noté qu’un sur deux de nos patients qui sont hospitalisés sortent… les pieds devant. »

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Face à cette situation, PILS n’a d’autre choix que de « solliciter, dans les plus brefs délais, des rencontres avec, d’une part, le Premier ministre, pour discuter de la mise sur pied du HIV & Drugs Council, qu’il avait annoncé au début de cette présente année. Et également lui demander des rencontres plus régulières afin d’élaborer un plan de travail pour comprendre, suivre et rectifier le tir, si on ne veut pas qu’une épidémie du Sida n’éclate dans le pays ». Et d’autre part, « avec un certain nombre de ministres, outre Anwar Husnoo, de la Santé, car cette situation concerne plusieurs ministères et nous sommes tous concernés par la réponse nationale ». De plus, rappelle Nicolas Ritter, « il y a un National AIDS Action Plan qui a été élaboré, mais jamais validé au Conseil des Ministres ! Nous voudrions bien savoir ce qu’il en est…» L’Attorney General, Maneesh Gobin, qui était présent à la rencontre avec la presse au siège de PILS, à Port-Louis, a, de ce fait, été « prié de faire part de notre demande au PM », a indiqué le directeur de PILS.

Nicolas Ritter s’appuie sur les statistiques émanant des services de la Santé, et rappelle que « depuis 2011, nous n’avons plus enregistré une augmentation aussi importante dans le nombre de nouvelles contaminations ». En effet, cette année-là, le nombre total de Mauriciens ayant contracté le virus du Sida était de 401; soit 298 hommes et 103 femmes. Ce qui inquiète surtout PILS, c’est que « si en six mois nous avons enregistré 191 nouveaux cas, et si cette tendance persiste, le total que nous atteindrons en fin d’année sera très alarmant ! Est-ce que nous allons terminer 2018 avec plus de 400 nouvelles contaminations ? Souhaitons que non ! »

Dans le même souffle, le directeur de PILS relève que « outre ces chiffres qui interpellent définitivement, nous avons recensé un autre élément qui nous inquiète énormément. Il s’agit du nombre grandissant de patients hospitalisés qui sortent les pieds devant ! » Cette hausse dans le nombre des patients atteints du Sida, « tant ceux de PILS que de l’Ong Ailes », note Nicolas Ritter, « révèle surtout qu’en termes de prise en charge, il y a des dysfonctionnements. D’où notre intérêt de rencontrer nos partenaires du ministère de la Santé, avec qui nous avons d’ailleurs, d’excellentes relations, afin d’établir et identifier ces défaillances… Il convient absolument de comprendre comment et pourquoi un patient sur deux de ceux qui entrent dans les circuits de soins n’en ressort pas vivant ! »

Le directeur de PILS fait remarquer que « il doit y avoir des « bugs », quelque chose qui cloche pour ce qui est de la prise en charge médicale des patients. Sinon, comment expliquer que la moitié seulement parvient à s’en sortir ? » Nicolas Ritter précise que « nous avons d’excellentes relations avec le ministère de la Santé, avec lequel nous avons réalisé plusieurs études, tout récemment. D’où notre souhait d’avoir une rencontre afin d’établir où le bât blesse sur le plan de la prise en charge médicale des patients vivant avec le VIH ».

Lors de cette conférence de presse, le directeur de PILS a également présenté trois études réalisées par l’Ong en partenariat avec le ministère de la Santé, justement. Entre autres, « le tout premier Legal Environment Assessment (LEA) réalisé à Maurice, qui traite de l’aspect judiciaire et des « policies » existant à Maurice, afin d’en cerner les failles et forces, pour que la riposte nationale à l’épidémie du Sida soit plus optimale », a expliqué M. Ritter. Il a aussi été question de deux autres rapports, nommément le People Living with HIV Stigma Index, et le Integrated Biological & Behavioral Survey (IBBS) Transgender.

2005-2011, les années noires !

En 2005, Maurice enregistrait un nombre (record, localement) de nouvelles contaminations : 921 ! 815 hommes et 106 femmes étaient porteurs du virus du Sida. Les années qui suivent, 2006 à 2010, le total des nouvelles contaminations diminue, mais ne descend jamais plus bas que 568, enregistrés en 2010. En 2008, les mesures de Réduction des Risques (RdR), dont le traitement de substitution à base de la méthadone et le programme d’échange de seringues (NEP) entrent en vigueur. Les résultats, positifs, se font ressentir plutôt rapidement, car les chiffres accusent, à nouveau, une baisse, passant de 401 en 2011 à 368 en 2017. Le plus faible taux recensé a été 260 nouveaux cas en 2013.

La chute dans le nombre de nouvelles contaminations, observent les travailleurs sociaux, sont « le fruit de la mise en place des mesures de RdR, certainement ». Sur ce plan, il convient de rappeler que PILS, de pair avec l’ensemble des Ong militant en faveur des traitements des toxicomanes, leur encadrement, et le respect de leurs droits, a « énormément contribué par un plaidoyer massif auprès des autorités, du gouvernement, afin de mettre en place des structures et des mesures en ce sens ».

Aussi, souhaitent ces travailleurs sociaux, « le cri d’alerte de Nicolas Ritter ne doit pas tomber dans l’oreille d’un sourd car si l’on a pu, dans le passé, éviter de justesse, une épidémie de Sida à Maurice, c’est justement parce que la société civile a su attirer l’attention des politiques quand il le fallait ! »

Études et Stigma Index

Les trois études présentées par PILS et mises en ligne via leur site www.pils.mu sont le Legal Environment Assessment (LEA), le People Living with HIV Stigma Index et le Integrated Biological & Behavioral Survey (IBBS) Transgender. « Ces études ont été réalisées avec le concours de l’état mauricien et n’auraient pas été possibles sans le soutien financier précieux du Fonds mondial de la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Ces trois rapports mettent à jour les contraintes qui limitent l’accès des personnes à risques et vulnérables à des soins de qualité et certains outils de prévention ».

Le LEA et l’IBBS Transgender sont « des premières dans ces secteurs, à Maurice », explique Nicolas Ritter. Le IIBS Transgender « jette les bases pour comprendre les vulnérabilités accrues que vit cette population spécifique, couplée avec une étude biologique de prévalence du VIH, des hépatites virales et de certaines IST ». Quant au Stigma Index, cet outil international créé en 2005, permet de mesurer le niveau de stigmatisation et de discrimination auquel sont confrontées les Personnes vivant avec le VIH (PVVIH). Il s’agit du deuxième rapport local, réalisé avec l’aide du National AIDS Secretariat (NAS). Le premier rapport avait été présenté en 2013. L’édition 2017 souligne que « presque la moitié des PVVIH vivent dans des conditions précaires, soit avec des revenus mensuels de moins de Rs 5 000 ». L’Attorney General, Maneesh Gobin, signe le « foreword » de cette Stigma Index. Il y écrit, notamment, que « We must not wait for a Messiah to be the voice of people living with HIV/AIDS. Each one of us should be a Messiah. We should understand that our fellow citizens who have contracted HIV/AIDS need not be treated in such a way that they feel as being the unwanted citizens of this country ». M. Gobin mentionne également que « nous devons éduquer nos citoyens. Les attitudes stigmatisantes et les discriminations ne peuvent être balayées du jour au lendemain. Mais ce n’est pas pour autant que nous devons baisser les bras ». Il évoque d’ailleurs la décision de la Cour Suprême indienne en date du 6 septembre dernier de décriminaliser l’homosexualité, qui est, écrit-il, une « historic ruling and major victory for gay rights ».

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