Viré mam : Ils changent de camp…

Vasant Bunwaree, Dinesh Ramjuttun, Dan Baboo, Mahen Gowressoo ou Michael Glover s’affichent avec leurs adversaires d’hier 

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  L’ex ministre Ptr de l’Éducation se retrouve côte à côte avec celui qui avait traité son gouvernement de «pédophile» dans le sillage de  l’affaire MITD

Mahen Gowressoo, le décoré de la République de Pravind Jugnauth, retourne sous les ailes de Navin Ramgoolam, qui avait approuvé le recrutement de son conseiller très spécial Geanchand Dewdanee

Chaque campagne électorale amène son lot de «viré mam». Il y a ceux qui retournent leur veste parce qu’ils ont été privés de tickets et d’autres qui font le saut dans le camp adverse parce qu’ils ont obtenu la promesse d’une récompense sous forme de nomination ou d’ambassade, ou de récupération d’une portion de terres de l’État bloquée. On les voit défiler sur les estrades, certains discrets et se faisant tout petits, alors que d’autres s’affichent avec une répugnante ostentation.

De toute la bande des turncoats, celui qui retient le plus l’attention n’est autre que Vasant Bunwaree, actif depuis peu pour le compte du Sun Trust dans deux circonscriptions du Sud, son ancien fief de Mahébourg/Plaine Magnien et le N°11, Vieux Grand-Port/Rose-Belle. Cette reconversion est très surprenante, dans la mesure où s’il y a quelqu’un contre qui le leader du MSM a formulé les critiques les plus virulentes, c’est bien l’ancien ministre de l’Éducation de Navin Ramgoolam. Qui ne se souvient de l’affaire MITD et des accusations de “gouvernement pédophile” lancées par Pravind Jugnauth contre le régime PTr-PMSD.

C’était fin 2012/début 2013. Pravind Jugnauth est convoqué aux Casernes centrales après une plainte de Sheila Bappoo et Yatin Varma, membres alors du gouvernement Ramgoolam, contre les accusations de pédophilie faites par le leader du MSM. Cette affaire fait suite à une Private Notice Question de Paul Béranger sur les agissements d’un responsable de formation du Mauritius Insitute of Training and Development. Dans ses dépositions consignées avec le soutien actif de son avocat, un certain Roshi Bhadain, le propre neveu de Vasant Bunwaree, Pravind Jugnauth détaille les liens entre le ministre de l’Éducation, une proche collaboratrice de Carreau Esnouf et le frère de celle-ci, qui est un instructeur du MITD qui aurait eu une approche plutôt inorthodoxe de la formation auprès de ses jeunes apprenantes.

Un peu PMSD aussi

L’affaire, qui révèle des échanges de 1 218 appels et 2 282 SMS entre le “professeur” et une élève, va devant un obscur comité qui, comme il fallait s’y attendre, ne débouche sur rien. Toujours est-il que les salves portées par le leader du MSM sont particulièrement acrimonieuses contre Vasant Bunwaree et son réseau intime. Privé de ticket rouge, il va créer en décembre 2014 son Mouvement Travailliste Militant avec son compère Siddick Chady, son ancien partenaire dans un cabinet médical. Mais il ne se présente pas au N°12, les souvenirs de Carreau Esnouf étant trop frais dans la mémoire des habitants de la circonscription. Il est au N°2 avec Siddick Chady et Hossen Atchia, et ne recueille que 978 voix.

Après ses déboires, il va offrir ses services au PMSD, où trône déjà une autre activiste portant le même patronyme et jadis empêtrée dans des affaires de chèque avec la municipalité de Curepipe, Ranjeeta Bunwaree. Vasant Bunwaree veut aider Xavier Duval à préparer ses Private Notice Questions. Il est vu lors des grandes sorties des bleus, assis aux premières rangées. Rebondissement toutefois en septembre 2018, le bon docteur, qui a commencé sa carrière au MSM en 1987 et qui avait décrété que “le problème du PTr a toujours été Navin Ramgoolam”, annonce son retour chez les rouges après une rencontre apparemment “très fructueuse” avec le Navin Ramgoolam. “Je suis et je serai toujours travailliste”, affirme-t-il de manière très solennelle.

Il s’attendait peut-être à une investiture au N°12 pour le scrutin du 7 novembre, mais le leader du PTr l’ignore royalement et préfère s’accommoder d’un Richard Duval, le remplaçant de Thierry Henry, du député rouge sortant Ritesh Ramful et d’un néophyte en la personne d’Avinash Bissessur. Vasant Bunwaree ne perd pas de temps après l’annonce officielle de la liste des candidats de l’alliance PTr-PMSD-Groupe Jean-Claude Barbier des deux cerises. Il est aperçu quelques jours après le Nomination Day à un congrès de l’alliance MSM-ML-Mouvement Alan Ganoo de la poire à Rose-Belle. Expliquant ce retournement de veste, il déclare que “valer ek moralité népli existé dan PTr… lot koté kapav éna défo, mé mo pé soizir lot ki moins mové”. Voilà celui qui était dénoncé avec véhémence par Pravind Jugnauth partageant aujourd’hui la même plateforme que son détracteur !

Autre personne qui a effectué un retournement spectaculaire, le politicien businessman Mahen Gowressoo. Ce dernier, élu sous la bannière du PTr en 2005, avait été fait ministre compte tenu du fait que son profil, unique, lui avait ouvert l’accès à un maroquin. Personnage suscitant le sarcasme autant au ministère de la Culture qu’au ministère de l’Industrie et du Commerce, au point de jeter à la figure des consommateurs que c’est à eux de payer pour le dérapage de Rs 4 milliards du hedging de la STC, il fut toutefois écarté de la liste des candidats rouges en 2014.

Leker fermal de Dan Baboo

C’est lorsqu’il était à la tête du ministère de la Culture qu’il avait recruté Geanchand Dewdanee, celui qui est sorti de détention provisoire il y a quelques mois après son arrestation dans le cadre de l’affaire des cylindres bourrés de 135 kilos d’héroïne d’une valeur de Rs 3 milliards saisis en mars 2017. Lorsque Mahen Gowressoo rejoint le MSM en 2014, son fidèle conseiller Geanchand Dewdanee le suit et il est ainsi fréquemment vu aux côtés de Pravind Jugnauth au Sun Trust et au ministère des Finances.

Les récompenses pour l’ancien ministre de Navin Ramgoolam ne tardent pas. Mahen Gowressoo est fait Grand Order of the Star and Key of the Indian Ocean dès mars 2015, tandis que les nouveaux règlements imposés par le gouvernement sur l’exportation de la ferraille favorisent la fonderie familiale Samlo. La Competition Commission a récemment jugé contraire aux lois sur la concurrence le monopole octroyé à Samlo. On ne sait pas si c’est cette décision qui est à la base de son changement d’allégeance et son retour dans le giron du PTr, mais ils sont nombreux à être gênés par la présence de l’ami du présumé trafiquant Geanchand Dewdanee.

Un autre poids lourd qui fait un come-back remarqué dans la campagne électorale est Dinesh Ramjuttun. C’est un habitué des retournements de veste. Il avait commencé sa carrière au PSM de Harish Boodhoo avant de participer à la formation du MSM pour ensuite se retrouver au PTr et même candidat du MMM en 2010. Ses dernières responsabilités publiques, un job de conseiller de Navin Ramgoolam, remontent à 2005-2007. Malgré ses responsabilités au Prime Minister’s Office, Dinesh Ramjuttun se permettait de virulentes critiques publiques contre le ministre des Finances d’alors, Rama Sithanen, et celui de l’Éducation, Dharam Gokhool. Navin Ramgoolam finit par le révoquer.

Malgré cela, son aide est aujourd’hui considérée comme indispensable au N°5 pour épauler les néophytes que l’Alliance nationale aligne dans cette circonscription. Ses prises de parole publiques peuvent s’avérer gênantes, dans la mesure où il formule des allégations de bas étage contre ses adversaires du jour. Son retour en politique serait lié à un vieux contentieux concernant un terrain de l’État à Mont Choisy, où il avait érigé un supermarché.

Brian parti, Michael se pointe

S’il n’est pas un poids lourd, il est quand même un ancien ministre, un député sortant et le numéro 2 du PMSD jusqu’à récemment à l’Assemblée nationale. Dan Baboo, privé d’investiture pour la joute du 7 novembre, a fini par rejoindre le MSM. Il n’a pas du tout digéré d’avoir été évincé. C’est avec beaucoup d’émotion dans la voix qu’il parle de “leker fer mal” et de loyauté bafouée par le leader du PMSD. Dans ses critiques contre son ancien parti, Dan Baboo ne fait pas dans la dentelle. Il se fait un devoir de dénoncer le fait que, sur les 12 tickets que Xavier Duval a arrachés de Navin Ramgoolam, trois, soit 25%, sont des Duval, le père, le fils et le demi-frère Richard.

Et alors qu’on attendait le neveu Brian, c’est l’oncle Michal Glover qui s’affiche aux côtés de Navin Ramgoolam et de Xavier Duval dans la présente campagne électorale. Celui qui était un travailliste et qui avait été blâmé dans le rapport du regretté Rajsoomer Lalah pour recrutement illégal en 1982, avait rejoint le MSM dès 1983 pour y connaître une longue carrière en tant que député du N°18 et ministre de la Jeunesse et des Sports. Il revint dans le giron public en 2001 lorsque le gouvernement MSM-MMM lui confia la présidence du comité d’organisation des Jeux des îles de l’océan Indien 2003. Il est alors tout éloge pour le ministre des Finances, Paul Bérenger, sans qui, dit-il, ces Jeux auraient été impossibles à organiser.

Après les Jeux, il prend la présidence d’un tout nouvel organisme, le Trust Fund for Excellence in Sports. Michael Glover garde ses fonctions sous le primeministership de Navin Ramgoolam et même après le changement de gouvernement en décembre 2014. Mais pour des raisons qui n’ont jamais été données, la porte de sortie lui est indiquée en août 2016 par le ministre Yogida Sawmynaden. Michael Glover est remplacé par l’ancienne athlète Sheila Seebaluck qui, elle-même, a quitté la présidence du TFES récemment. C’est cet évincement de la tête du TFES qui serait resté en travers de la gorge de l’ancien ministre des Sports et qui expliquerait son ralliement à l’Alliance nationale.

Si les retournements de veste ont toujours été une constante de la politique mauricienne, ils prennent, depuis peu, des proportions qui écœurent la jeunesse mauricienne et ceux qui croient qu’une once de moralité n’est jamais de trop dans la sphère publique.

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