Visite du Pape : Rodrigues fidèle au rendez-vous du 9 septembre

  • Gabriel Azie fier d’avoir honoré la commande de 500 petits paniers, 25 plateaux et 10 gros paniers pour la messe au monument Marie Reine de la Paix
  • 135 chapeaux de paille en vétiver confectionnés par Myriam Gérard déjà acheminés à Maurice

À J-30 de la visite du pape François à Maurice, Rodrigues se distingue par sa fidélité. Ainsi, les deux principales missions confiées par les organisateurs aux artisans de l’île, à savoir la confection de quelque 500 petits paniers, de 25 plateaux et de dix gros paniers en vacoa pour les besoins de l’Eucharistie, de même que les 135 chapeaux de paille en vétiver devant être portés par les religieux et autres personnalités, vu que la messe sera concélébrée par le Souverain pontifie à la mi-journée du 9 septembre prochain, sont déjà prêts.

- Publicité -

C’est avec une fierté des plus légitimes que Gabriel Azie et Myriam Gérard ont confirmé au Mauricien que les commandes passées par le diocèse de Port-Louis ont été livrées à la satisfaction des responsables du comité d’organisation. Certes, ils ressentent une satisfaction personnelle pour le travail accompli. Mais ils soutiennent que ces paniers et ces chapeaux, portant la marque du savoir-faire rodriguais, rejaillissent sur toute l’île dans les circonstances, avec une projection sur la planète, car la diffusion de la mise au pied du Monument de Marie Reine de la Paix reste le point principal du séjour du pape sur le sol mauricien.

Gabriel Azie est aux anges au beau milieu de la commande de 500 petits paniers, de 25 plateaux et de dix gros paniers en vacoa, soigneusement classés pour être acheminés à Maurice. Pourtant, il y a deux mois et demi, quand sœur Roselyne l’avait approché pour passer cette commande venue du ciel, il avait dû marquer un temps d’arrêt. « C’est pour la visite du pape François à Maurice ! » Cette phrase résonne encore dans la tête de ce quinquagénaire de la région de Trèfles. C’était plus qu’une exhortation, voire même un défi. Gabriel Azie a en fait pris cela comme une mission sacrée au nom de Rodrigues, pour faire la fierté de la République de Maurice. Il ne s’est épargné aucun effort pour réaliser ce “One in a Lifetime Achievement”.

L’artisan a fait appel à la collaboration des membres de sa famille et à d’autres artisans de Rodrigues pendant ces deux mois et demi. Il est vrai que l’artisanat à base de vacoa n’a plus de secrets pour lui. Il l’a découvert dès son plus jeune âge. À 11 ans, il a été initié à ces pratiques par son cousin et, depuis, il n’a cessé de perfectionner ses compétences. Aujourd’hui, en contemplant les commandes de paniers destinées aux donneurs de communion du 9 septembre, il ne peut s’empêcher de dire haut et fort : « Sa travay-la pou donn plis valer nou travay artisana dan Rodrig. »

Gabriel Azie enchaînera aussitôt en disant avoir un petit regret au coeur : il ne pourra être au rendez-vous papal de Marie Reine de la Paix. « Mo pa pou kapav al lamess lepap parski mo ena enn garson ke pe al liniversite Lafrans comme ingénieur mekanik sa mem moma-la », lâche-t-il. Mais il sait que le travail de l’artisan a nourri son homme. « De par le travail que je fais, j’ai été en mesure d’élever et de donner l’éducation à tous mes enfants. Nou apel sa travay-la ranz tant. Nous en sommes fiers », ajoutera-t-il.

Le maître artisan rodriguais se rappelle que lors de cette conversation initiale avec sœur Roselyne, sa principale préoccupation se résumait au court délai imparti pour répondre aux exigences du diocèse de Port-Louis. « Malgre mo ti ena travay e matier premier ti difisil ek sa letan livreson-la, zordi, mo trouve nou finn reisi termin enn bon travay », dit-il.
Gabriel Azie se fait un point d’honneur de souligner que « tout cela a été rendu possible par le travail d’équipe, la coopération de tout un chacun, que ce soit les membres de ma famille, mon épouse, mes fils, ou des artisans venant des régions de Mont-Charlot, Baladirou, Montagne-Cabris, Patate-Théophile et Trèfles ».

Dès le début, les tâches ont été réparties de manière systématique, les différents artisans se consacrant à la préparation de la matière première et la fabrication des plaques et des pièces. La responsabilité des plateaux et des paniers, elle, est revenue aux membres de sa famille. « Si mo ti tousel, mo pa ti pou reisi fini sa travay-la. Nou tou inn mett lamin a lapat », fait-il comprendre, tout en complétant les procédures pour l’embarquement des paniers à bord du MV Anna, à Port-Mathurin, mercredi.

Voulant illustrer cette coopération entre les artisans de Rodrigues, Gabriel Azie explique : « Cela ne devrait pas être un “One-Off”. Mais cette entraide devra se poursuivre et nous devons donner la chance aux jeunes artisans de s’exprimer et de faire preuve de leurs talents à côté des aînés. » Il se dit prêt aujourd’hui à participer à des projets regroupant les artisans de Rodrigues. D’ailleurs, confie-t-il, avec l’aide d’autres artisans, plus de 10 000 plants de vacoa ont été mis en terre en vue d’assurer la matière première nécessaire. « Dan trwa zan, mo pou gagn 60 an, e sa kakwa finn plante-la, li pou tou dimounn servi-sa. Travay artizan, ena lavi ladan », conclut-il, affichant un air du travail bien accompli.

Du côté de Soupir, autre village de Rodrigues, la famille Gérard nage dans un bonheur inouï. Myriam Gérard et sa fille Catheline sont comblées. Leurs chapeaux de paille en vétiver coifferont les religieux et autres personnalités participant à la cérémonie officielle à Marie Reine de la Paix le 9 septembre, et présidée par le pape François. Cette confection artisanale de Rodrigues ne pourra pas échapper à l’œil du monde entier de par sa visibilité.
Malgré ses 35 ans d’expérience dans la confection de ce chapeau rodriguais, Myriam, qui bénéficie de l’assistance de sa fille depuis une vingtaine d’années, la proposition de sœur Roselyne pour ces 135 chapeaux pour la visite du pape relevait de la gageure. En dépit de ses 60 ans, elle ne pouvait laisser filer une telle occasion. Un honneur de faire de son mieux pour la visite papale.

Sans tarder, la petite maison familiale de Soupir a été transformée en atelier de confection. Myriam savait qu’elle pouvait compter sur le soutien indéfectible de Catheline, qui s’est abreuvée de l’artisanat de sa mère dès son plus jeune âge. La spécialité de Catheline est le tressage de la paille alors que sa mère, elle, s’applique aux opérations de la petite machine à monter les tresses de paille afin de donner à l’ensemble la forme de chapeaux.

Modeste en dépit de sa parfaite maîtrise, Catheline, une jeune femme toujours très souriante, raconte : « Mo mama finn montre mwa coud sapo depi mo zanfan e souvan nou gagn komand boukou sapo e nou trase nou fer li. » Mais pour cette commande, les conditions étaient des plus exigeantes. « Sœur Roselyne, qui avait pris contact avec nous, avait maintenu que les chapeaux devaient être livrés au plus tard fin juillet. Ni plus, ni moins ! » ajoute-t-elle. Le temps de s’organiser pour la collecte de vétiver et de la préparation de la matière première, la mère et la fille se sont serré les coudes, car il y allait de la réputation de l’artisanat rodrigais. « Pil le 22 ziyet, nou fini sa 135 sapo-la. Nou telefon maser e nou dir li sapo finn pare vinn serse. Li mem li finn inpresione », raconte-t-elle.

Myriam Gérard se dit fière d’avoir confectionné ces chapeaux de paille à temps et d’avoir respecté les consignes de sœur Roselyne. « Nou finn gagn komand pou lamess lepap grass a komite vilaz. Maser Roselyne ti pe rod enn dimounn pou fair sapo. Nou finn fer enn esantiyon e finn demann nou bann ti sanzman. Finn dir nou fer so fon inpe pli kourt e so larger pli tigit pou li pa barr figir bann monper. Nou finn rod vetiver, nou finn asete ek dimounn ziska nou fini travay-la. Mo trouv sa enn bon zafer, a dir enn benedikson akoz sa enn gran evenma », poursuit-elle.

Catheline n’arrive toujours pas encore à réconcilier cet honneur de fournir des chapeaux aux principaux protagonistes de la visite papale avec leur modeste quotidien d’artisan. « Nous avions entendu parler de la visite du pape François à Maurice. Nous n’avions jamais pensé qu’un jour notre chapeau de Rodrigues aurait un tel rayonnement international. Enn evenma parey, nou pa ti panse ki Moris pou pran sapo Rodrig. Nou enn bann manb de la konpani de artizan Rodrig e la mo trouve ki nou bann sapo pou vinn pli visib dan Moris. » C’est le cas de le dire, mais « chapeau bas » à l’artisanat de Rodrigues !

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -