Nouvelle comparution du Premier ministre, Navin Ramgoolam, en Cour intermédiaire hier. La poursuite et la défense sont à couteaux tirés sur les documents qui doivent être divulgués à la défense par la poursuite.
Le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a comparu en personne ce jeudi 23 octobre devant les magistrats Bibi Razia Janoo-Jaunboccus et Abdool Rahim Tajoodeen, siégeant dans la Financial Crimes Division (FCD) de la Cour intermédiaire. Cette comparution a eu lieu dans un cadre sécurisé, avec des éléments du Very Important Person Security Unit (VIPSU) qui avaient pris place aux abords de la salle d’audience.
Le chef du gouvernement fait toujours face à 23 chefs d’accusation de « limitation of payment in cash », en infraction à diverses sections de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA), cela après que Rs 224 millions avaient été retrouvées dans des coffres-forts dans ses résidences à Port-Louis et à River Walk. Il plaide non coupable et entend contester ces accusations.
L’avocat de Navin Ramgoolam, Robin Ramburn, Senior Counsel, demande actuellement qu’il y ait Full Disclosure des documents en possession de la poursuite qui, selon lui, démontreraient qu’il s’agit d’une « vendetta politique orchestrée par le gouvernement d’alors, avec la complicité de la police ». Cela dans le but de disculper le prévenu.
Il demande ainsi la divulgation de certains documents pour démontrer que l’ACP Hemant Jangi, qui diligentait l’enquête policière contre Navin Ramgoolam, agissait sous les ordres du Premier ministre précédent. Dans ce contexte, il s’est référé à une déclaration de ce dernier, qui avait dit que : « Si mo pa met Ramgoolam dan prison, mo sanz mo nom ».
L’avocat demande aussi la divulgation d’autres documents pour savoir si c’était Rakesh Gooljaury qui avait été l’informateur de la police dans cette affaire. Cela pour permettre à la défense de savoir si le mandat de perquisition au domicile de Navin Ramgoolam avait été émis selon les dires de Gooljaury, qui avait été jugé comme étant peu crédible dans une autre affaire par une cour de justice, et de déterminer ainsi si ce mandat, et la fouille qui avait suivi, sont valides sur le plan légal.
La défense souhaite aussi la divulgation de documents pour déterminer si l’Attorney-General d’alors était présent durant l’enquête policière, et pour savoir qui avait fuité à la MBC qu’il allait y avoir une perquisition au domicile de Navin Ramgoolam, avec pour résultat que tous les Mauriciens ont pu voir le spectacle des coffres-forts qu’on retirait pour y être emmenés aux Casernes centrales.
Le représentant du Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Nataraj Muneesamy, a expliqué que le Duty of Disclosure de la poursuite ne concernait pas tous les items en possession de la poursuite mais que les items « relevant and material » à la présente affaire.
Il a fait ressortir que les faits reprochés au Premier ministre sont simples : a-t-il oui ou non accepté des paiements en liquide qui dépassaient le seuil de Rs 500 000 ? Dans ce contexte, aucune de ses requêtes de divulgation de documents ne va l’aider.
Se référant ainsi aux demandes de la défense concernant Jangi, Gooljaury et autres, il maintient que la défense demandait des items qui ne passaient pas le « test of materiality » et qui n’allaient pas l’assister. Il soutient que la défense ne pouvait s’engager dans un « fishing expedition ».
Rakesh Gooljaury impliqué ?
En outre, en ce qui concernait la requête de la défense pour savoir si c’était bien Gooljaury qui avait informé la police, le procureur a fait ressortir que l’identité de l’informateur de la police était une « priviledged information ».
Par ailleurs, d’autres items demandés par la défense n’étaient pas en possession du bureau du DPP. De plus, cette affaire avait été logée en cour depuis 2017, et toute demande de divulgation doit être faite « in a timely manner », ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire. En ce qui concerne la question de savoir si la loi recouvrait les donations politiques, il a expliqué que la section 5 de la FIAMLA recouvrait tout type de donations.
Lui donnant la réplique, Me Ramburn a maintenu que l’accusé a droit à un procès équitable, comme garanti par la section 10 de la Constitution, et pour cela, il faut qu’il y ait Full Disclosure, qui est un principe fondamental et not partial disclosure. « Le dossier de la poursuite n’est pas la propriété de celle-ci pour obtenir une condamnation », a-t-il assené. Selon lui, le Failure to disclose de la poursuite était un Material Defect qui demandait l’invalidation du procès par la cour, si la cour pense que l’accusé ne pourra obtenir de procès équitable. Il ne remettait pas en question l’intégrité du bureau du DPP, mais fait remarquer qu’il y a eu plusieurs tentatives du gouvernement d’alors de placer ce bureau sous sa tutelle.
Pour lui, il n’y a pas dans cette affaire de « simple facts » – comme ce qui a été allégué par la poursuite – qui tiennent : la façon dont l’enquête a été menée est importante, et la défense a le droit de savoir cela. Pour lui, c’est à la défense de décider si quelque chose est « material or not » à sa défense et non la poursuite. Il a réfuté l’argument de la poursuite qui y a là une « fishing expedition » de la défense. « We are specific in what we are looking for », a-t-il renchéri.
Quant à l’identité des informateurs de la police, il a maintenu que la cour aura à déterminer si le fait que l’accusé doit bénéficier d’un procès équitable est plus important que l’identité de l’informateur soit tenue secrète. Il a aussi maintenu que si la poursuite n’est pas en possession d’un item, il lui incombe de rechercher cela, par exemple à travers une enquête diligentée par la police. Il a expliqué qu’en ce qui concerne les donations politiques, aucune loi ne recouvrait cela, et se demande si cela tombe sous la FIAMLA.
Il a réfuté l’argument de la poursuite que la demande de divulgation n’a pas été faite « in a timely manner ». Il a fait rappeler que cette affaire avait été discontinued par un premier Bench de la Cour intermédiaire, mais que la Cour suprême avait ensuite ordonné son maintien devant l’actuel Bench de la Cour intermédiaire.
Cette affaire reprendra le 27 novembre prochain, date à laquelle les magistrats rendront leur Ruling sur l’issue of disclosure.

