La Financial Crimes Commission (FCC) reprend l’enquête sur les allégations de trafic de bois de rose, une affaire qui avait défrayé la chronique à Maurice en 2011. Dans un communiqué publié dans la nuit de vendredi dernier, la commission indique que « l’enquête, ouverte en 2011, avait été suspendue en 2013 en raison d’un manque de coopération des autorités malgaches ». À l’époque, l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) avait initié des investigations en lien avec l’homme d’affaires malgache Maminiaina (Mamy) Ravatomanga, âgé de 56 ans, dirigeant du groupe Sodiat.
Cette affaire concerne l’exportation illégale de bois de rose — une espèce protégée à Madagascar — vers la Chine. En juillet 2011, six conteneurs, soit environ 180 tonnes de ce bois précieux, avaient été saisis à Port-Louis à bord du navire Markela. Les marchandises étaient dissimulées sous des cargaisons de haricots secs et de zébus. La société Sodiatrans, filiale du groupe Sodiat, avait déjà été citée dans le dossier, mais aucune arrestation n’avait suivi à l’époque, faute de coopération entre les autorités mauriciennes et malgaches.
L’envoyée spéciale malgache Fanirisoa Ernaivo, accueillie triomphalement à Madagascar le week-end dernier, a remis à la FCC une série de documents relatifs à Mamy Ravatomanga et à l’affaire de bois de rose. L’homme d’affaires, de son côté, a livré sa version des faits dans un affidavit déposé devant la Cour suprême jeudi dernier.
Il y affirme que le Parquet national financier (PNF) en France avait ouvert une enquête préliminaire sur les mêmes allégations, notamment celles relatives au trafic de bois de rose. Il soutient également avoir été entendu en décembre 2017 par le Bureau indépendant anti-corruption de Madagascar (BIANCO), en présence d’officiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) de France. Selon lui, un rapport de l’OCRGDF aurait conclu à « l’absence de tout élément objectif attestant de faits de corruption ou de trafic de bois de rose ».
S’appuyant sur ces conclusions, Mamy Ravatomanga invoque le principe du « ne bis in idem », qui interdit d’être poursuivi deux fois pour les mêmes faits, dénonçant ainsi une double procédure injustifiée.
À hier, l’homme d’affaires, toujours hospitalisé dans une clinique des Plaines-Wilhems, n’avait pas encore été provisoirement inculpé. Cela, bien que la FCC lui ait notifié son arrestation en fin de semaine dernière pour blanchiment d’argent, en vertu des articles 36(1)(b) et 38 de la FCC Act. La commission lui reproche d’avoir effectué de multiples transferts suspects transitant par des sociétés offshore basées à Maurice. Le montant évoqué s’élève à Rs 7,316,116,760, réparties sur plusieurs comptes bancaires à Maurice, faisant actuellement l’objet d’un Criminal Attachment Order.
Parallèlement, David Jean Christian Thomas, 38 ans, employé mauricien de Ravatomanga et superviseur au sein du groupe Sodiat, est lui aussi hospitalisé et n’a pas encore comparu devant la justice. Son avocat, Assad Peeroo, a informé la FCC qu’il ne le représentait plus. David Christian Thomas est soupçonné d’avoir dissimulé une partie des fonds de son employeur par le truchement d’un système informatique complexe. Lors de sa première audition, il a nié les accusations portées contre lui. La FCC attend désormais de nouvelles précisions dès qu’il sera autorisé à quitter la clinique.
Un autre protagoniste, Nasser Osman Beekhy, 65 ans, activiste politique bien connu à Port-Louis, a été provisoirement inculpé pour entente délictueuse devant la Week-End Court samedi. Résident de Vallée-Pitot, il est soupçonné d’avoir, de concert avec David Christian Thomas, tenté de contacter un haut fonctionnaire de la FCC afin d’influencer le cours de l’enquête concernant Mamy Ravatomanga. Lors d’une rencontre, il a montré David Christian Thomas au haut cadre de la FCC tout en lui disant « to pa pou perdi ar sa biznesman-la ». Cependant, l’officier a rapporté ce fait à ses supérieurs. À sa sortie de la New Court House samedi, Nasser Osman Beekhy a toutefois livré une autre version des faits, déclarant : « Kan mo tir lasonet dalarm pou trafik dinflians, azordi sa pe retourn kont mwa. »
La FCC a objecté à sa remise en liberté conditionnelle, arguant de risques de fuite, de manipulation de preuves et d’interférences avec des témoins. Il est attendu à nouveau devant le tribunal de Port-Louis ce lundi.

